Ce que savaient les « sages de l'ancien temps » - France Catholique
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Ce que savaient les « sages de l’ancien temps »

Traduit par Bernadette Cosyn

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Je suis allé un jour dans le fameux Powell’s Books (NDT : chaîne de librairies) à Portland pour jeter un œil les piles de livres de la section religion et spiritualité. Mon intérêt naissant pour la philosophie fut captivé quand je vis une étagère étiquetée « métaphysique ». Espérant impatiemment trouver un ouvrage profond de quelque grand penseur, je fus déçu de découvrir que les livres étaient tous du type New Age. Je m’étais attendu à l’être et à l’essence ; à la place, j’obtenais des cristaux et des flux d’énergie.

Il est honteux que le terme « métaphysique » ait été ainsi détourné, mais c’est un indicateur de certaines suppositions bien ancrées dans notre culture. Nous sommes une société technique qui est principalement concernée par la résolution de « problèmes ». Nous prendrons joyeusement la solution qui se présentera, quelle qu’elle soit – au plus facile au mieux.

C’est pour cela que la spiritualité New Age, l’astrologie et les phénomènes du même acabit ont proliféré à notre époque. La science et la technique ne rejettent pas de telles façons de penser ; au contraire, la marée montante qu’est notre désir capital – exercer un contrôle sur la nature – fait flotter ces deux bateaux.

C.S. Lewis avait déjà identifié cette tendance dans « L’abolition de l’homme » :

Il y a quelque chose qui unit la magie et la science appliquée (technique) tout en les séparant de la « sagesse » des temps anciens. Pour les sages de l’ancien temps, le problème cardinal de la vie humaine était de conformer l’âme à la réalité objective, et la solution était la sagesse, l’auto-discipline et la vertu. Pour les modernes, le problème principal est de conformer la réalité aux vœux de l’homme, et la solution est une technique.

Comme nous le voyons tout autour de nous, chaque société développée continue tête baissée à tenter de remodeler la réalité plutôt que de chercher à la comprendre ou à s’y conformer. Une des déclarations les plus révolutionnaires qu’on pourrait faire aujourd’hui serait : « les choses sont ainsi et nous ferions bien de les accepter telles qu’elles sont. » Parce qu’il y a des choses que nous ne pouvons pas changer, des choses qui sont si profondes en nous qu’elles constituent notre être même. Mais depuis que nous avons abandonné l’étude de l’être, nous avons oublié cela.

Quand des vérités aussi fondamentales sont oubliées ou ignorées le résultat ne peut être qu’une confusion et une incompréhension démesurées, menant à des actions tout autant démesurées et mauvaises. Une vérité écartée est celle-ci : que l’action suit l’être (comme l’auraient dit les sages du temps passé). En d’autres termes, ce qu’est une chose va déterminer quelles sortes d’actions cette chose fera, ou sera capable de faire, ou sera naturellement encline à faire. Mais être (c’est-à-dire être quelque chose de spécifique) vient en premier. Les chiens rapportent un objet, les chats chassent les souris et les gens plaisantent parce que ces actions correspondent aux sortes d’êtres qu’ils sont.

Curieusement, ce qui m’a remis tout cela en mémoire a été les scandales permanents de prêtres abuseurs et « couverts » et la réponse par certains qu’une ordination féminine est nécessaire pour aider à résoudre cette crise. Je vois dans les deux cas une ignorance de la primauté de l’être (une autre formulation des « sages du temps passé »).

Les avocats de l’ordination des femmes présentent souvent l’argument pratique que les femmes sont parfaitement capables d’accomplir toutes les tâches de la prêtrise. Une femme ne pourrait-elle pas prononcer les paroles et accomplir les actions de la messe et des sept sacrements ? Ne saurait-elle pas prêcher ? Ne saurait-elle pas écouter, conseiller et réconforter – peut-être mieux que les hommes ? Alors pourquoi ne pourrait-elle pas être prêtre ?

Le problème avec cet argument, c’est qu’il se base sur une fausse définition de la prêtrise. Leur argument définit un prêtre par ce qu’il fait ; mais il ignore la question primordiale : qu’est un prêtre ?

Dans le sacrement de l’ordre, un homme est marqué par le sceau de la prêtrise, qui effectue un changement ontologique – un changement dans son être – qui le conforme à la personne du Christ. Par cette configuration de son être, le prêtre est maintenant capable d’agir in persona Christis capitis, en la personne du Christ qui est la Tête.

Le prêtre est un signe eschatologique vivant du Christ Epoux qui va être uni à sa fiancée l’Eglise. Et la valeur de ce signe n’est communiquée que si celui qui agit dans la personne de l’Epoux est un homme. Si vous éliminez le signe, si vous changez ce qu’est le prêtre, la signification des actions du prêtre est également radicalement altérée. Etre vient en premier.

De façon similaire, oublier ou ignorer cette primauté de l’être était sûrement crucial dans la conduite d’abuseur de nombreux prêtres. Des gens demandent souvent : « comment ces hommes qui ont commis des crimes aussi terribles peuvent-ils continuer d’agir en prêtres ? Comment peuvent-ils se regarder dans un miroir ? »

Eh bien, si vous ne définissez la prêtrise que par l’accomplissement d’actions sacerdotales, alors il n’est que trop facile de compartimenter sa vie, de se regarder dans le miroir et de dire « oui, j’ai blessé ces enfants [ou j’ai rompu mes vœux avec un adulte] mais je continue de dire la messe et d’entendre les confessions. Je suis toujours un bon prêtre. »

Peut-être que si ces prêtres avaient été plus conscients de ce qu’ils devaient devenir par leur ordination, ils auraient eu plus de mal à justifier leurs actes. Peut-être que si davantage d’évêques avaient été moins préoccupés par garder plein leur tableau de service pour que « le boulot soit fait » et plus par l’intégrité des prêtres, ils auraient fait face aux choses différemment.

Peut-être que si tous nous passions outre aux problèmes quotidiens pour nous concentrer sur les questions les plus profondes de la vie, sur le cœur des choses, nous deviendrions tous un peu plus proches de la sorte de sagesse que ces « sages de l’ancien temps » savaient ne pouvoir être ignorée sans que cela n’apporte pour nous le désordre et le désastre.

Nicholas Senz est le directeur de la Formation de la Foi des Enfants et des Adultes à l’église Saint Vincent de Paul d’Arlington (Texas), où il vit avec sa femme et leurs deux enfants. Il détient deux masters, en philosophie et en théologie, obtenus à l’école dominicaine de philosophie et de théologie de Berkeley (Californie).

Illustration : « Ordination » par Norman Blamey, 1956 [galerie Tate, Londres] Monsieur Blamey (1914-2000) était membre du Mouvement Anglo-Catholique, un groupe au sein de l’Eglise d’Angleterre qui est issu du Mouvement d’Oxford du dix-neuvième siècle.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/05/19/what-the-wise-men-of-old-knew/