Catholiques lors d'une autre période de crise. - France Catholique
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Catholiques lors d’une autre période de crise.

Traduit par Pierre

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On assiste dans le film « Gettysburg » [N.d.T.: La dernière battaille de la Guerre de Sécession], au sein des lignes battues par l’artillerie, à une brève séquence : un prêtre, le dos tourné à la caméra, donne l’absolution à un large groupe de soldats catholiques agenouillés. De nos jours une statue sur le champ de bataille de Gettysburg célèbre ce prêtre, le Père William Corby, CSC (de laCongrégation de la Sainte Croix), dont le nom est familier aux étudiants et diplômés de l’Université Notre-Dame, d’où il partit servir le pays déchiré par la guerre civile.

Il y a bien d’autres anecdotes catholiques sur la Guerre de Sécession : des brigades Irlandaises, reconnaissables à leurs étendards verts, servirent dans les deux camps, se confrontant en un célèbre combat à Fredericksburg. Mais à part ces images romantiques, quelle fut la part catholique dans la Guerre de Sécession et quelles en furent les conséquences?

Moins d’un siècle après sa fondation, le monde politique américain était confronté à un conflit sanglant menaçant l’intégrité de la nation. Et les catholiques — dont la place dans la vie politique et sociale de la nation était de longue date plutôt ambiguë — se trouvaient contraints d’évoluer en un domaine d’autant plus délicat qu’ils étaient des étrangers en un pays étrange alors que cet étrange pays vivait une crise existentielle.

Dans son ouvrage Excommunicated from the Union : How the Civil War Created a Separate Catholic America [Excommunication de l’Union: comment la Guerre de Sécession a engendré une Amérique Catholique à part.] l’historien, de l’Université de Virginie, Will Kurtz étudie l’historique de la participation des catholiques dans le Nord pendant la Guerre de Sécession. Le titre est transparent et ne laisse aucun doute sur la conclusion. Selon Kurtz les catholiques du Nord et en particulier leurs dirigeants avaient deux objectifs. Pour nombre de catholiques favorables à la guerre le conflit n’était pas réduit à la sauvegarde de l’Union mais impliquait un progrès de tolérance à leur égard et envers leur croyance religieuse au sein de la société Américaine.

Parmi ces catholiques figurent en particulier quelques personnages cités dans l’œuvre de Kurtz. Le général William Rosecrans, célèbre et pieux commandant dont la victoire à Stones River fut célébrée par la presse catholique comme un exemple de combattants catholiques menant au succès. Parmi les civils, citons Orestes Brownson, un des hommes de lettres les plus prolifiques de la littérature Américaine du XIXème siècle et ardent soutien de la cause de l’Union.

Brownson est inhumé dans la partie centrale de la crypte de la basilique à Notre-Dame, établissement qui prit une part importante dans l’histoire de la Guerre de Sécession. Sept prêtres, dont le Père Corby, furent affectés par Notre-Dame aux armées de l’Union. Pour illustrer la couverture de son ouvrage, Kurtz a retenu un tableau représentant le Père Corby donnant l’absolution lors de la bataille de Gettysburg.

Kurtz cite en particulier la participation des catholiques allemands dans le camp du Nord, qui combattirent avec vaillance et dévouement, mais dont, selon lui, la participation n’est guère citée, à l’inverse de l’intérêt romantique porté aux combattants irlandais.

Il est certain que ces catholiques combattirent sincèrement, et le firent pour leur pays. Et cependant, selon Kurtz, leur espoir d’une meilleure reconnaissance du patriotisme catholique à la suite de leur participation à la guerre ne fut pas exaucé : « la guerre et ses suites eurent pour effet final d’accélérer la croissance d’une culture secondaire catholique séparée aux États-Uis. » À l’époque de la Guerre de Sécession l’anti-catholicisme en Amérique avait déjà une longue histoire, et ce n’est pas le dévouement au service pendant la guerre qui a réussi à l’effacer.

Vu les lourdes pertes subies à la guerre une fraction non négligeable de la population catholique des États du Nord eut un jugement cynique sur les buts de guerre — Kurtz le relève ainsi: « éviter de servir de chair à canon au profit de leurs ennemis protestants ou républicains » et il poursuit : « ils ne souhaitaient pas l’effondrement de l’Union, mais pensaient qu’elle aurait pu être sauvegardée par la négociation et l’abandon de la politique des Républicains qui prolongeait inutilement un conflit affreusement sanglant.»

Et leurs soupçons étaient fondés. C’est l’aile abolitionniste, va-t-en-guerre, des Républicains qui — idée sans doute étrange de nos jours — menait le plus vigoureusement l’anti-catholicisme avant, pendant, comme après la guerre. Et, comme Kurtz le montre, la contestation de la participation catholique entretient un sentiment anti-catholique significatif encore vivace au vingtième siècle.

Le récit de Kurtz est rigoureusement historique. Il ne tente pas d’extrapoler ni de tirer des leçons sur l’engagement politique catholique actuel à partir de l’engagement durant la Guerre de Sécession. Comme dit le dicton, « l’Histoire ne se répète jamais vraiment », mais il lui arrive de se ressembler. Alors que le catholicisme connaît à nouveau une période de déchirure politique et que le débat s’envenime sur la façon de vivre dans le monde, et non d’en vivre, les catholiques Américains pourraient bien tirer des leçons de leur propre Histoire.

Ce n’est pas la première fois que les catholiques sont entraînés dans de graves turbulences nationales, ou se trouvent confrontés à des principes semblant totalement opposés au monde social et politique.

Quelle que soit notre opinion pour une attitude catholique la plus sensée à notre époque, une lecture attentive de l’Histoire de l’Amérique catholique — par exemple du récit de Kurtz — peut offrir un meilleur point de vue pour s’orienter. Nous pouvons nous attendre à une lutte pour faire mieux connaître nos peines, mais aussi pour être encore un élément influent — si nous gardons la foi.

4 mai 2017

Source : Catholics in a Different Time of National Crisis

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L’absolution au combat – par Paul Wood, 1891 [Musée Snite, Notre Dame]