Brexit : Oui à l'Europe - France Catholique

Brexit : Oui à l’Europe

Brexit : Oui à l’Europe

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Le référendum britannique du 23 juin nous rappelle les raisons pour lesquelles nous devons être bien heureux d’être Européens. Par une ironie de l’histoire, ce sont les électeurs d’Outre-Manche, tardivement et à moitié convertis, qui viennent ranimer la foi des pères fondateurs. Prendre ce vote comme une sanction, une occasion de plus de lamentation, d’auto-flagellation, d’interrogation, serait commettre un lourd contresens.

L’Angleterre – et pas seulement Londres – n’a jamais été plus européenne. Rien à voir avec 1963 lors de la première demande rejetée par le général de Gaulle ou 1975 pour le référendum organisé par les travaillistes ou 1988 sous Margaret Thatcher. L’An-gleterre alors était encore une île. Elle ne l’est plus aujourd’hui non du fait du tunnel sous la Manche mais – il faut bien appeler les choses par leur nom – à cause de l’immigration européenne qui tend à égaler celle en provenance des pays du Commonwealth pour la première fois dans l’histoire. Outre-Manche, on boit désormais plus de café que de thé, de vin que de bière ! Et tout à l’avenant. Dix-sept millions d’électeurs préfèrent leur thé et leur bière mais le fait est là. Ils protestent mais ils n’y changeront rien.

Les Allemands aussi ont changé, et les Français et les Italiens. Les nouveaux venus de l’Est sont en train de changer. L’une des rares paroles profondes dans le débat côté européen est venue du président du Conseil européen, le polonais Donald Tusk, qui a parlé d’un défi de civilisation. On s’est gaussé. On a traité son propos – dont il avait précisé qu’il le tenait en tant qu’historien – d’outrancier. Il mériterait au contraire de voir sa prééminence renforcée au sein du présidium suprême par rapport au président de la Commission, Jean-Claude Jüncker. Car qui nierait qu’il y ait une civilisation européenne ? On n’a rien dit encore quand on a dit cela. On a eu le débat sur les racines. Passons. Partons de l’existant. Le monde est hobbesien. La puissance est reine : Xi jinping, Modi, Poutine, Erdogan, Trump, Daech, définissent exactement le territoire européen du premier quart du XXIe siècle. Les néo-conservateurs américains avaient déjà situé notre continent à partir de Vénus quand les États-Unis et à la vérité le reste du monde venaient de Mars (Robert Kagan). Nous seuls étions dits « post-modernes », fondés sur le précepte kantien de la paix perpétuelle, neutres, sous-entendu faibles et faisant de leur faiblesse vertu (de virtus, courage et force).

On nous rebat les oreilles des « valeurs » que nous, Européens, voudrions rendre universelles alors qu’elles sont d’abord les « valeurs de l’Europe ». Nous seuls sommes censés nous gouverner dans un État de droit. La civilisation que nous portons n’est pas défendue par les armes mais par le droit. Il n’y a donc pas de contradiction théorique entre la civilisation et la construction juridique qui la soustend présentement et qui a pris la forme humaine — donc perfectible — de l’Union européenne (UE). Un spécialiste de l’UE, Arnaud Leparmentier, au Monde du 26 juin a eu le mot juste : « Non, le drame européen n’est pas technocratique et ne s’appelle pas Bruxelles. Il est anthropologique. »

L’historien Jacques Bainville avait dit à peu près la même chose de la Société des Nations (SDN) à ses débuts en 1920, disant qu’elle « connaît son moi » par « les éléments de son non-moi ». Anthropologie avant la lettre ! à l’époque, il recensait trois éléments, trois non-membres : États-Unis, Allemagne, Russie soviétique. « Supprimez ces éléments, la ligue n’a plus qu’à démobiliser. » On ne l’appelait encore que la « ligue des nations ».

En ce sens, on peut avancer que l’Europe se connaît mieux grâce au vote britannique et aux affres de la renégociation à venir. Elle se connaît encore mieux face aux autres éléments de son non-moi. C’est ce qui nous définit, nous les Européens et fiers de l’être. Aux institutions européennes d’en tirer toutes les conséquences diplomatiques, commerciales, juridiques. Aux États membres d’être cohérents entre leurs propres démocraties et Bruxelles et Strasbourg.