Bonheur national brut ? - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Bonheur national brut ?

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Selon l’OCDE, la vie ne se résume pas au produit intérieur brut. Il conviendrait plutôt de prendre en compte tout ce qui concourt au bien-être d’une population, ce qui élargit le nombre des critères. Logement, revenu, emploi, liens sociaux, éducation, environnement, engagement civique, santé, sécurité, satisfaction personnelle, équilibre vie privée-vie professionnelle, autant de paramètres qui permettent d’apprécier ce qu’on appelle la qualité de la vie. En 1972, le roi du Bhoutan, ce petit royaume d’Asie, s’était proposé de remplacer la notion classique de PIB par celle de bonheur national brut. Il entendait ainsi mettre l’économie en harmonie avec les valeurs spirituelles du bouddhisme. À l’époque, cette initiative avait eu un certain écho, même en Occident où se développait la contestation de la société dite de consommation.

Le débat est toujours d’actualité. Je relève que dans son dernier essai, d’ailleurs passionnant (Problèmes religieux contemporains publié chez de Fallois) Alain Besançon exprime son désappointement et même sa colère contre une certaine critique ecclésiale de la société de consommation : « J’ai toujours été surpris que les clercs en France s’offusquent du caddie bien rempli qui sort du supermarché. Je ne vois pas de mal à ce que les pauvres aient enfin accès au saumon fumé, au foie gras, aux meilleurs fromages. (…) Je plaide pour la neutralité morale du caddie débordant de bonnes choses et je trouve qu’il appelle plutôt l’action de grâce que le gémissement. » Je ne suis pas vraiment sûr que les clercs récusent l’accès à un bien-être matériel, dont déjà saint Thomas d’Aquin, qui ne connaissait pourtant pas les caddies, avait souligné la nécessité.

La difficulté ne serait-elle pas liée à un certain ethos, qui ignore par principe les finalités de la vie et dédaigne par exemple l’orientation spirituelle, une certaine hiérarchie inspirée par le souci de répondre à l’attente de l’âme ? Malraux avait traduit cela d’une façon lapidaire : « À quoi sert-il d’aller sur la lune, si c’est pour s’y suicider ? » et de mettre en cause « une civilisation incapable de construire un temple ou un tombeau ». Mais l’Évangile l’avait précédé : « Et que servirait-il à un homme de gagner le monde, si c’est pour perdre son âme ? » (Matthieu 16,26)

Chronique diffusée sur radio Notre-Dame le 3 juin 2015.