Bannissez le péché, transformez l'Église - France Catholique
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Bannissez le péché, transformez l’Église

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Le Christ et la pécheresse par Henryk Siemiradzki, 1875

Le Christ et la pécheresse par Henryk Siemiradzki, 1875

[Le musée russe, St. Pétersbourg]

Le Concile Vatican II est de retour dans l’actualité ces derniers temps, avec deux évêques éminents, soucieux de la tradition, qui revisitent des arguments bien connus d’interprétation conciliaire à la lumière de deux documents récents du Vatican, Amoris laetitia et la déclaration d’Abu Dhabi sur les religions du monde. Leurs analyses du Concile, les difficultés à réconcilier certaines expressions avec la tradition et l’effroyable effondrement de l’Église qui s’en est suivi – un effondrement que certains justifiaient même par l’«esprit» nébuleux du Concile – sont graves, même si les fidèles catholiques trouveront leurs prémisses et conclusions dignes de débat.

Pourtant, leurs analyses sont désormais également très familières. Blâmer le Concile pour les maux de l’Église est un cheval de bataille depuis maintenant 55 ans. À ce stade, quand il s’agit de discuter du Concile, l’observation fatiguée de l’Ecclésiaste me vient à l’esprit : « Il n’y a rien de nouveau sous le soleil. »

Quelques semaines plus tôt, alors que les messes publiques reprenaient après la suspension liée au coronavirus, une controverse peu remarquée m’avait impressionné, selon laquelle les problèmes dans l’Église aujourd’hui découlent de quelque chose de bien plus fondamental et simple que la formulation de documents que peu connaissent et moins encore ont lu. Lorsque la proposition a circulé d’avoir la messe sans réception de la Sainte Communion, certains fidèles et certains membres du clergé ont pâli. Leur problème n’était pas uniquement la privation de l’union avec notre Seigneur. C’était qu’ils ne voyaient pas du tout l’intérêt d’avoir la messe sans communion.

Une telle pensée découle d’un profond malentendu sur ce à quoi sert la messe – et le sacrifice qu’elle représente – : le salut des âmes. Et il n’est pas étonnant que le but du salut ait été oublié, puisque le péché, la réalité tyrannique dont nous devons être sauvés, a lui-même été délibérément banni de la vue, banalisé comme une psychose humaine, ou radié comme une obsession d’un passé non éclairé.

C’est la marginalisation du péché, plus que Vatican II ou quoi que ce soit d’autre, qui a transformé la vie de l’Église telle que nous la connaissons au cours du dernier demi-siècle. Toute notre foi et la structure de l’Église reposent sur trois actes : la création, la chute et la rédemption. En rejetant la chute et tout le péché qui l’a suivie, la compréhension de la rédemption prend nécessairement un nouveau sens.

Si Jésus n’avait pas besoin de nous racheter du péché, alors les doctrines essentielles et l’économie sacramentelle doivent être repensées. Examinons :

* On a cessé de souligner que Jésus-Christ est notre Sauveur, qui a sacrifié sa vie pour expier nos péchés. Au lieu de cela, les images de « Jésus est mon pote » sont devenues populaires. Sans un message de salut, Jésus fut réduit à un « grand maître moral », à égalité avec Socrate.

* Changer la vision du Sauveur et du salut a également fait changer l’adoration. Voyez combien peu de gens connaissent aujourd’hui l’expression « le saint sacrifice de la messe ». Nous savons par les travaux du Dr Lauren Pristas et du Père John Zuhlsdorf qu’après le Concile, les prières formelles de la Messe ont été délibérément retravaillées pour éliminer les références au péché. Le retournement des autels face au peuple, jamais mentionné par le Concile, a intensifié une nouvelle expérience d’une communauté se célébrant elle-même au-dessus du sacrifice du Calvaire. La désacralisation générale du culte catholique a fait apparaître la messe comme sans conséquence plutôt que comme le fondement durable de notre salut.

* La confession sacramentelle a été abandonnée par presque tous les fidèles. Il n’est pas nécessaire de se confesser si nous n’avons pas péché. Et si nous n’avons pas besoin de nous confesser, il n’est certainement pas besoin d’actes de pénitence ou de réparation. Huit jours de l’année qui appellent encore à l’abstinence de viande, c’est tout ce qui reste de la pratique pénitentielle catholique.

* S’il n’y a pas de péché, alors tout le monde va au Ciel, catholique ou non, vertueux ou non. Les funérailles sont devenues des canonisations, et l’enfer a été rejeté comme une tactique pour contraindre à un bon comportement. Le catholicisme est simplement devenu une autre religion mondiale à égalité avec les autres, car il n’avait plus rien d’unique à offrir.

* Si les gens n’ont pas besoin d’être sauvés du péché, alors il n’est pas nécessaire que les prêtres fassent don de leur vie au service de ceux qui cherchent la rédemption. L’effondrement des vocations est le résultat direct du bannissement du péché.

* La théologie, la morale et l’éducation catholiques se sont détériorées après la transformation de cette compréhension constitutive du péché et de la rédemption.

Y a-t-il eu d’autres causes du malaise post-conciliaire de l’Église ? Oui bien sûr. Mais ce n’est pas une simplification exagérée que de se concentrer sur la banalisation du péché en tant que cause fondamentale de toutes les autres. Tout au long de l’histoire de l’Église, le mensonge à la racine de l’hérésie n’est pas un système étroitement tissé, mais une incompréhension du premier principe de la révélation. Minimiser le péché modifie la vision de tout le plan de salut de Dieu, de l’alliance avec Abraham à la rédemption par le Christ, et au rôle de l’Église dans la perpétuation de son salut.

Les détracteurs perpétuels de Vatican II soutiendront que la banalisation du péché faisait partie de l’esprit moderniste qui a infiltré les documents conciliaires et l’Église post-conciliaire. Pourtant, cela implique que le Concile lui-même n’est pas le problème final ; le Concile et son « esprit » ont été invoqués pour masquer une question plus profonde.

C’est donc cette question plus profonde de bien comprendre le péché et le besoin d’en être sauvé qui requiert avant tout notre attention. Pour que l’herméneutique de la continuité de Benoît XVI ait le dernier mot sur l’interprétation du concile, de solides doctrines catholiques – Création, Chute, Rédemption – doivent d’abord être rétablies à leur place.

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À propos de l’auteur

David G. Bonagura Jr. enseigne au Séminaire St. Joseph, New York. Il est l’auteur de Inébranlables dans la foi : le catholicisme et les défis du sécularisme (Cluny Media).