Les chemins de la culture - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Les chemins de la culture

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À l’heure où la maïeutique steinerienne, où tout ce qui compose la complexité supérieure du philosophe, avec son perpétuel jeu de miroirs entre ce que le philosophe pense à son sujet et ce qu’il sait de ce que ses lecteurs ou auditeurs pensent de lui se voient transposés dans une expression romanesque encore inédite, cet ouvrage – actes d’un colloque -, mais qui s’inscrit somme toute dans la tradition des mélanges offerts par de doctes admirateurs et disciples à leur maître, cet ouvrage, disions-nous, nous confirme sur ce qu’il convient (car les convenances, aussi, ont droit de cité dans l’ordre des jugements de valeur) de penser à propos de cet ensemble redoutable et admirable critique :

1/ C’est toujours un crime contre l’esprit, et une grande bêtise, de supposer que l’on puit se passer des services d’une grande pensée. Le New Yorker, qui s’était honoré de longues années de la collaboration hebdomadaire de George Steiner avant d’y mettre fin, en se privant du regard de ce lecteur en chef des stigmates de notre monde, s’est en partie déshonoré (comme le ferait tout autre organe dans cette situation),

2/ La perpétuelle herméneutique de ce grand critique, si elle s’inspire probablement de ce que nous appellerons le réalisme de l’idéalisme platonicien (c’est-à-dire la foi en la réalité de l’existence des Idées du Vrai, du Bien et du Beau) butte cependant sur le terre à terre de son surnaturel,- formule antinomique qui montre bien que cette éminente intelligence se refuse à percevoir que c’est en les dépassant par le haut qu’elle parviendrait, par exemple, à comprendre pourquoi la barbarie peut coexister avec les plus hautes créations,

3/ George Steiner a bien raison de penser que ses trois tritons chéris (c’est le titre de sa pièce de théâtre), le musicien, le poète et le mathématicien doivent se donner la main à l’image de La Danse de Matisse. Leur collaboration est incessante, et chaque créateur digne de ce nom, fusse à son insu, les nourrit, au choix, de sa propre sève. Mais, parmi ces trois arts, parmi ces trois sciences, c’est bien la musique qui domine et possède ce sésame de la sensibilité qui ouvre à la compréhension de ce que la raison ne peut atteindre.

Avec George Steiner – Les chemins de la culture, Albin Michel, 254 p., 18 €.