Après le « Turbo-référendum », à qui profitera la Crimée ? - France Catholique

Après le « Turbo-référendum », à qui profitera la Crimée ?

Après le « Turbo-référendum », à qui profitera la Crimée ?

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Organisé à une vitesse accélérée comme on embarquerait un groupe de gens à bord d’un TGV, à une date plus avancée que la date prévue, le référendum décidé par Vladimir Poutine pour le rattachement de la Crimée à la Russie s’est déroulé tambour battant avec des résultats aux allures de triomphe impérial.

93% des suffrages exprimés par une population majoritairement de souche russe se sont déclarés favorables à l’annexion par Moscou de cette presqu’île déjà conquise militairement en 1770 par l’impératrice germano-russe Catherine II sur l’empire ottoman… et attribuée à la légère à la République soviétique d’Ukraine en 1954 comme un cadeau empoisonné par Nikita Khrouchtchev, alors maître de l’URSS ultra-centralisée, puis intégrée à l’Ukraine théoriquement indépendante d’après 1991…

Plusieurs faits gênants font souffler des nuages sombres sur la victoire de Poutine : un nombre non négligeable d’habitants de cette région déjà autonome d’Ukraine a préféré s’abstenir. Parmi eux, tout particulièrement la minorité ethnique des Tatars de Crimée, environ 12% de la population totale… Encore mal remis du souvenir des déportations massives en Asie centrale ordonnées par Staline en 1944 et d’un retour problématique pour les survivants, les Tatars ont largement suivi une consigne de boycott de ce scrutin. Un scrutin décidé et effectué sous la tutelle pesante d’une armée russe de 30.000 soldats débarqués avec leurs blindés à travers tout le pays, bien au-delà de la base navale de Sébastopol…

Des milices de « volontaires » serbes sont venues manifester leur « solidarité avec leurs frères orthodoxes » russes en dressant des barrages sur les routes, méthode déjà éprouvée en ex-Yougoslavie… Les médias ukrainophones locaux ont été bloqués, et des antennes paraboliques de chaînes de télévision redirigées vers le territoire de la « Mère Russie » aux oreilles attentives. Aucun observateur international de l’OSCE et de l’ONU n’a été admis. Un prêtre catholique de rite byzantin de Sébastopol a été enlevé puis relâché par des hommes en armes. Et d’après le Ministère de la Défense de Kiev, une tentative de pénétration des forces armées russes sur le territoire de la région – ukrainienne – de Kherson voisine de la Crimée, a dû être repoussée samedi par des unités ukrainiennes…

Dans ce contexte quelque peu menaçant, ce référendum à la hussarde a été jugé illégal tant par le nouveau gouvernement ukrainien de Kiev que par les instances de l’Union européenne et au-delà. Ce « turbo-référendum » pourra-t-il ainsi être durablement profitable à la Russie ?

Malgré l’authenticité du passé russe de cette région autonome de Crimée, la façon de procéder du nouveau maître du Kremlin donne une impression fâcheuse : celle d’une pression globale peu compatible avec la liberté de l’ensemble des citoyens concernés par cette affaire, qui relève plus d’une expédition politico-militaire que d’une transition effectuée dans le respect du droit international. Une occasion gâchée ? Dommage, dans ce cas…
Denis LENSEL