Approfondir et débattre - France Catholique

Approfondir et débattre

Approfondir et débattre

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L’incident qui a provoqué l’annulation de l’intervention prévue de Fabienne Brugère, universitaire bordelaise, dans une session de formation à l’initiative de la Commission famille et société, m’a personnellement pris de court. Pour tout dire, je n’avais pas vu venir le coup et je découvre toute une polémique, répercutée par la presse nationale. Comme toute polémique, celle-là est au risque des simplifications commodes, des invectives et des propos définitifs. Je ne prétends nullement apporter un éclaircissement supérieur ou arbitrer un conflit. Plus modestement, je voudrais rapporter un point de vue un peu décalé.

Je ne suis pas choqué par le fait qu’on invite dans une instance déléguée par l’épiscopat une philosophe, même si elle exprime une pensée diamétralement opposée aux convictions de l’Église. J’ai, pour ma part, pratiqué couramment la confrontation avec l’adversaire, celui que Jean Guitton aimait appeler « son contraire », et je m’en suis toujours bien porté. C’est au contact de la pensée d’autrui que vous êtes à même d’approfondir un sujet, de considérer des arguments, d’apercevoir même des choses que vous n’aviez pas vues. Et ce n’est sûrement pas parce que vous engagez ce qu’au Moyen Âge on appelait une disputatio que vous vous trouvez par avance vaincu ou ligoté par la dialectique d’autrui. Il n’y aurait tout bonnement pas de vie intellectuelle possible si l’échange avec le contraire était interdit.

Par ailleurs, il ne faudrait pas confondre les domaines ou se tromper dans l’économie du temps. Il y a des moments pour débattre, il y en a d’autres pour approfondir ses propres convictions, surtout si elles se ressourcent à la grande tradition chrétienne. Au surplus, il serait vain de débattre si, au préalable, on n’avait pas soi-même étudié, médité, assimilé le corpus de la Tradition chrétienne, notamment là où il devrait être le plus sollicité aujourd’hui. Celui de l’anthropologie, dans ses racines bibliques et ses développements spéculatifs au cours des siècles. Reste à déterminer le temps de l’approfondissement et le temps de la confrontation.

Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 20 mars 2014.