A propos du célibat consacré - France Catholique
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A propos du célibat consacré

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ORDINATIONS DIACONALES

28 mars 2009

Homélie de Monseigneur Nicolas Brouwet
Evêque auxiliaire de Nanterre


Dans quelques instants je vais vous ordonner diacres, de sorte que votre cœur soit sacramentellement configuré au Christ serviteur, venu non pour être servi mais pour servir. De sorte que votre cœur de prêtre – puisque, si l’Eglise confirme votre appel au sacerdoce, vous serez bientôt ordonnés prêtres – de sorte que votre cœur de prêtre soit d’abord un cœur qui sert, un cœur habité par le désir de servir, un cœur qui soit modelé par une véritable attention aux autres, et en particulier aux plus insignifiants.

Mais avant de recevoir l’ordination, vous allez vous engager au célibat à la suite du Christ célibataire, afin de garder votre cœur dans une attitude de disponibilité ; afin de garder un cœur ouvert à tous ceux auxquels le Seigneur vous envoie.

Vous le savez, il ne s’agit pas simplement d’une disponibilité de votre agenda ; il s’agit d’une disponibilité du cœur afin de pouvoir être libre et à l’écoute de tous ceux qui se présenteront à vous, et en particulier aux pauvres.

L’amour conjugal exige une exclusivité pour être tout à l’époux ou à l’épouse. Le célibat consacré est un amour qui se vit dans l’universalité, sans exclusivité, pour pouvoir être à tous. C’est un charisme qui vous est donné par le Seigneur, mais pour le bien de tous, pour l’édification de toute la communauté. C’est donc à nous tous qu’il revient de prendre soin de ce charisme en respectant des cœurs qui sont consacrés, par notre attention, notre délicatesse, par une juste mesure dans les relations : en sachant entourer ceux qui ont consacré leur vie dans le célibat, mais en sachant aussi respecter leur solitude afin que grandisse leur union au Seigneur.

1) Il peut arriver, en effet, qu’on remette pratiquement en cause sa promesse de célibat et le vœu religieux de chasteté au cours de son existence. En plus, on peut le faire pour mille raisons compréhensibles (en disant compréhensibles, je ne dis pas qu’on puisse les justifier ; je dis qu’on peut les comprendre, en comprendre la genèse).

a- Un sentiment extrême de solitude et même d’abandon.

Quand, après avoir pris des initiatives pastorales, on n’est pas suivi.
Quand un conflit a éclaté dans une communauté et que personne ne nous soutient.
Quand on est en conflit avec son supérieur.
Quand on ne se plaît pas dans une nouvelle mission (on connaît mal la langue du pays. On est mal intégré dans la nouvelle équipe…)

 Tout cela peut nous amener à vouloir trouver du réconfort moral, psychologique, auprès de quelqu’un.

b- On peut remettre en cause son appel au célibat en revenant sur son passé.
Pensant qu’on a manqué de liberté en entrant en religion, qu’on manquait d’expérience.

Pensant que nos parents ont eu la vocation à notre place.
Réalisant qu’on a des blessures d’amour qui n’ont jamais été reconnues, travaillées et guéries : jamais d’affection à la maison, une éducation très rigide où les sentiments n’ont jamais eu de place, méconnaissance totale des femmes, parce qu’on a grandi dans un milieu exclusivement masculin.

c- On peut rêver d’une autre vie.
Face à la lassitude, au train-train, aux problèmes de gestions, aux conflits.

Face à une certaine déception sur le ministère.
On perd une vision surnaturelle de la mission, un regard d’espérance sur l’Eglise et sur nos communautés concrètes et on finit dans une forme de déprime, de désespérance, voire de cynisme.

 Dans ces moments-là, on peut imaginer trouver son bonheur – et même un certain accomplissement de sa vie chrétienne – en fondant un foyer dont on se dit qu’il sera chrétien.

d- Enfin, il y a aussi le manque de prudence, une certaine naïveté qui fait que l’on se retrouve dans des situations impossibles dont on n’arrive plus à se sortir : une relation pleine d’ambiguïtés avec quelqu’un ; par exemple quelqu’un qu’on a voulu aider, soutenir, porter à bout de bras… Et puis c’est un entraînement dans une relation qu’on finit par ne plus maîtriser.

2/ La vertu d’espérance nous fait croire fermement que le Seigneur nous donne toujours les moyens d’assumer la mission qu’il nous a confiée.
Mais la grâce se reçoit activement. Il faut y collaborer.
« Redoublez d’efforts pour confirmer l’appel et le choix dont vous avez bénéficié ; en agissant ainsi, vous ne risquerez pas de tomber. » 2 P 1, 10.

Comment ?

a) Tout d’abord dans l’humilité :

* en reconnaissant notre faiblesse, notre péché, notre pauvreté, surtout dans le domaine de la chasteté, parce que c’est un lieu fragile de notre organisme spirituel. Pourquoi fragile ? Parce qu’il touche à notre relation à l’autre ; à ce qu’il y a de plus important pour nous : à l’amour : l’amour de l’autre, l’amour de soi.

* C’est un lieu de fragilité parce que c’est un lieu de grandeur, grandeur de l’amour pour l’autre, grandeur du désir de se donner à l’autre, grandeur de l’amour dont nous sommes aimés.
Ce qui touche à notre vocation la plus profonde, la vocation à aimer à l’image de Dieu, est aussi le lieu de plus grandes fragilités et de plus grands combats.

* L’humilité consiste d’abord à reconnaître ses fragilités. Mais surtout à oser mettre les mots dessus :
– dans le sacrement de la réconciliation.
– dans l’accompagnement spirituel.

Or, dès qu’on en parle, dans l’ouverture du cœur à son confesseur ou son accompagnateur, on doit reconnaître devant l’Eglise sa faiblesse et sa pauvreté. On est ainsi amené à confesser son inaptitude, son manque d’ajustement à l’appel reçu.

Et c’est difficile. Parce que c’est comme si on disait à l’Eglise qu’on n’est pas à notre place. Comme si on donnait à l’Eglise des arguments pour remettre en cause la mission reçue.

* C’est là qu’intervient le démon muet. Le démon qui te presse de ne rien dire, de minimiser ce qui s’est passé : « Personne ne te comprendra », « Ne dis rien ; c’est ta vie qui va en être bouleversée ». « Ne parle pas ; personne ne peut rien pour toi. On te fera la morale et tu n’y gagneras rien ».

Mais voilà : il y a des moments, dans une vie consacrée, où tout doit être remis entre les mains de Dieu par le ministère de l’Eglise.

On n’échappe pas à ces moments-là.

A prendre le risque de tout confier, sans savoir ce qui nous sera répondu, le conseil ou l’ordre qui nous sera donné.

Ce sont les moments les plus intenses de notre vie de foi quand, dans l’humilité, nous nous dépossédons de tout pour confesser notre peu d’aptitude à continuer à servir.

Nous y faisons l’expérience de nous dessaisir de tout pour apprendre à nous laisser saisir, à la suite de Paul : « J’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus. Je ne pense pas l’avoir déjà saisi. » (Ph 3, 12-13)

C’est dans l’humble confession de notre faiblesse que nous apprenons à accueillir la grâce qui, seule, peut nous ajuster à l’appel de Dieu,
qui, seule, peut nous donner de répondre à notre vocation.

C’est là où l’on comprend que nous ne sommes que des serviteurs ; que nous n’avons pas d’abord été choisis parce que nous correspondions mieux que les autres à la mission ; mais parce que le Seigneur nous a demandé de nous mettre à son service.

b) Tous les moyens que nous pouvons prendre pour répondre de manière juste et généreuse à l’appel au célibat sont inutiles s’il n’y a pas l’humilité d’abord. Sinon, c’est un combat qu’on livre tout seul, appuyé sur ses propres forces, et donc dans un état de toute-puissance qui nous enferme sur nous-mêmes et qui nous ferme donc à la grâce.

Les moyens nous les connaissons, ce sont vos formateurs qui vous les enseignent. J’aimerais juste souligner la nécessité de la pureté d’intention.

Dans les relations, y compris pastorales, il peut y avoir la tentation de posséder l’autre, de s’en rendre maître, de l’avoir sous sa coupe.

Dans une relation d’autorité qui n’est pas bien assumée,
Dans une relation de séduction – en particulier avec les jeunes et avec les femmes.
Dans une relation de chantage affectif.
Dans une relation en concurrence.
Dans une relation de dépendance.

La chasteté commence dans une grande clarté vis-à-vis de soi : sur le type de relation qu’on met en place. La pureté d’intention, c’est la conscience vive de ce qu’on est en train de faire et des conséquences que cela induira dans notre comportement.

Il n’y a que dans la lumière de l’Esprit que l’on peut faire la vérité sur soi-même et sur ses intentions. L’Esprit de feu qui éclaire ce que nous voudrions, consciemment ou non, laisser dans l’ombre. L’Esprit de feu qui purifie ce qu’il peut y avoir de recherche de nous-mêmes dans les relations et les projets que nous construisons. L’Esprit de feu qui nous aide à discerner au moment des décisions et des choix à poser selon Dieu. L’Esprit de feu qui embrase notre cœur de l’amour du Seigneur et qui nous fait nous dépenser gratuitement, dans le don total de nous-mêmes pour la gloire de Dieu et le salut du monde.

C’est cet Esprit du Christ que nous demandons pour vous aujourd’hui. Afin qu’il fasse de vous des serviteurs totalement livré à Dieu ; libres de tout attachement à vous-mêmes.
« Fais croître en eux les vertus évangéliques, dit la prière d’ordination :
Qu’ils soient animés d’une charité sincère,
Qu’ils prennent soin des malades et des pauvres,
Qu’ils fassent preuve d’une autorité pleine de mesure,
Et d’une grande pureté de cœur,
Qu’ils s’efforcent d’être dociles à l’Esprit ».

Oui, nous demandons pour vous aujourd’hui au Seigneur cette grâce : d’être toujours dociles à l’Esprit. Amen.