A propos de Vincent Lambert : déchéance humaine et détérioration sanitaire - France Catholique
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A propos de Vincent Lambert : déchéance humaine et détérioration sanitaire

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Je m’étonne que tous ceux qui sont fermement contre la peine de mort ne soient pas en première ligne pour soutenir le combat mené par ses parents pour le maintien en vie de Vincent Lambert, malgré le diagnostic formulé par le CHU de Reims sur son état de santé : « état végétatif chronique irréversible « , et la décision conséquente d’arrêter les soins – décision prise par deux fois par le CHU de Reims et entérinée par le tribunal Administratif, le Conseil d’Etat, la Cour Européenne des Droits de l’Homme…, mais dernièrement suspendue par la Cour d’Appel de Paris.

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La raison qui s’oppose à la peine de mort, rappelons-le, est la dignité absolue de toute personne humaine, quels que soient les crimes que cette personne ait commis. Même fortement amoindrie et détériorée par des actes odieux et totalement répréhensibles à caractère moral, cette dignité humaine n’est pas abolie, et subsiste fondamentalement la valeur absolue intrinsèque de la vie humaine – son « caractère sacré  » disent les croyants, rejoints par beaucoup d’autres.

Le préjudice que le criminel a causé à ses semblables doit être justement châtié, celui-ci doit être mis hors d’état de nuire et expier sa faute ou ses fautes, être induit au repentir – pour autant que la peine à laquelle il est condamné peut l’obtenir. Mais son droit à la vie demeure : celui-ci est au-delà ou en-deçà des prises humaines, il transcende… en dépit de la déchéance dans laquelle il s’est plongé. Ce droit, pourrait-on dire, est inhérent à la vie humaine, il est d’ailleurs, c’est un donné intangible, qui s’impose et nous mesure.

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Dans le cas d’un être humain lourdement handicapé, il peut y avoir une humanité certes fortement détériorée, non plus sur le plan moral cette fois, mais sur le plan physique, psychologique, intellectuel…, mais il n’y a pas déchéance coupable. La culpabilité reconnue au criminel – biais par lequel son élimination du cercle des hommes pouvait s’introduire autrefois par la légitimation de la peine de mort et son acceptation – n’existe pas dans le cas du handicapé. Il s’ensuit que son droit à la vie demeure, quelle que soit la gravité de son état, pour autant qu’on le considère comme un sujet vivant de la nature et de l’espèce humaine, ce qu’il est en réalité.

Une juste anthropologie juge que son âme humaine, sa vie, certes inhibée dans son émergence et ses manifestations sensibles, psychologiques, intellectuelles et spirituelles… est et demeure présente, tant qu’il n’est pas mort, c’est à dire inanimé (et il existe des cas de récupération inattendue et miraculeuse ; on aimerait que le Bon Dieu nous confirme plus souvent cette appréciation…).

Et, pour autant que sa vie dépend de son entourage, la personne handicapée ou gravement malade a le droit de l’exercer, et nous l’obligation de lui venir en aide, en proportion des moyens dont nous disposons. Et ceci d’autant plus que son amoindrissement n’est pas, comme chez le criminel, une déchéance morale.

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D’où cet axiome inscrit sur la banderole de ceux qui manifestaient dimanche 17 mai à Paris, à l’appel des parents de Vincent Lambert : « la qualité d’une civilisation se mesure au respect qu’elle porte aux plus faibles ». Qu’il soit entendu que cette prise de position devrait parcourir tout l’éventail des grandes faiblesses ou grandes précarités et pauvretés humaines; qu’elle ne doit pas s’en tenir, comme c’est souvent le cas, aux cas extrêmes souvent emblématiques du début et de la fin de la vie… L’abbé Pierre, Jean Vanier, Jérôme Lejeune, Mère Teresa, ceux qui se donnent à fond pour la cause du développement des peuples et le secours aux victimes de catastrophes ou de misère structurelle… sont également exemplaires en humanité.

Ce que je dis de la personne handicapée doit être affirmé avec encore plus de force de l’embryon à peine conçu qui appartient à la nature humaine : il est porteur d’un droit inaliénable à la vie, le premier de tous les droits, et n’est pas disponible à autre que lui-même. Il y a une grande continuité et homogénéité dans la défense de la vie humaine, depuis sa conception jusqu’à la mort naturelle.
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La déchéance morale vers laquelle une personne coupable de crimes s’est orientée et dans laquelle elle a succombé ne la place-t-elle pas, sur une échelle du Bien, à une position inférieure, considérablement plus négative et déshumanisée que ne l’est une personne victime de graves détériorations de son état physique ou mental ? Comment se fait-il que des opposants détermnés à la peine de mort puissent accepter sans broncher diverses sortes d’euthanasie ? Quelle est leur logique ?

Platon, comparant le mal commis consciemment et délibérément par quelqu’un et la souffrance subie et endurée innocemment par une autre personne victime de ce mal, disait déjà que celle qui commet le mal envers autrui est plus à « plaindre » que celle qui le supporte. C’est le premier qui se trouve le plus éloigné des Sources de la Vie…

Je disais donc en commençant que si l’on est opposé à la peine de mort pour une personne coupable de crimes, on devrait a fortiori s’abstenir de condamner à mort ou de laisser mourir une personne malade ou gravement handicapée, exempte de culpabilité.

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Il reste cependant que dans une société et un Etat laïques où la force des principes en consonance avec le christianisme, mais de soi naturels, ne s’impose pas à la conscience de tous, on fait le voeu, certes difficile à mettre en place, que chacun dans un état encore satisfaisant de santé et de conscience ait la possibilité de se prononcer moyennant « des directives anticipées » sur la façon dont il désire être traité en cas de détérioration particulièrement grave de son état : vie indéfiniment soignée et entretenue, ou bien abrégée par suspension de quelque acharnement thérapeutique.

C’est la proposition de Jean Léonetti, co-auteur de la loi sur la fin de vie, respectueuse et équilibrée, et qui plaide pour « penser sa mort et désigner une personne de confiance pour éviter que de pareilles situations ne se reproduisent. » (1) Il est déjà possible de remplir un formulaire dans lequel chacun peut donner des consignes faisant connaître sa volonté sur cette éventualité le concernant.

Les parents de Vincent Lambert font valoir toutefois que l‘hydratation et l’alimentation artificielle de leur fils sont distincts de ce qui serait à proprement parler de l’acharnement thérapeutique.

(1) Voici un extrait de la déclaration de Jean Léonetti : « le drame que vit depuis 6 ans une famille déchirée ne doit pas être exploité dans une surexposition médiatique et dans des polémiques partisanes. La situation est suffisamment complexe pour que chacun évite d’ajouter dans ses déclarations de la violence au malheur. Même si la procédure médicale est conforme au droit et à la loi, elle engendre inévitablement une situation de grande tension au sein de la famille, de l’équipe médicale et de l’opinion (…) Le dialogue et le temps n’ont pas réussi à dégager des solutions sereines et apaisées, comme notre législation le permet le plus souvent dans des situations analogues »(…)