À Lille, une chapelle bientôt détruite - France Catholique
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À Lille, une chapelle bientôt détruite

Alors que l’Université catholique de Lille souhaite détruire l’ancienne chapelle du collège jésuite Saint-Joseph afin d’y construire un campus universitaire, des défenseurs du patrimoine se mobilisent pour sauver l’édifice. Plus de cent intellectuels ont signé une tribune dénonçant une « exécution patrimoniale ». Mathieu Lours, historien de l’architecture, enseignant à l’université de Cergy-Pontoise, est à l’origine de cette tribune. Entretien.
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La chapelle Saint-Joseph du collège Saint-Paul à Lille.

La chapelle Saint-Joseph du collège Saint-Paul à Lille.

Comprenez-vous la décision de la Catho de détruire cette chapelle ?

Mathieu Lours : C’est illogique : d’abord, c’est une université catholique qui veut détruire la chapelle ! Cela pose des questions. On pourrait se dire : détruire une chapelle du XIXe siècle pour en faire une dans le style XXIe, pourquoi pas… Mais ce n’est pas le cas . Il y a autre chose : l’architecte qui a construit cette chapelle, Auguste Mourcou, a aussi construit le Palais Rameau à deux pas de là. Or, le ministère l’a classé monument historique, mais pas la chapelle. Alors soit Mourcou est un grand architecte et on classe tout, soit on ne classe rien. Franck Riester, le précédent ministre de la Culture, l’avait bien compris, car il avait demandé un avis complémentaire sur l’opportunité de cette destruction… Cette fois-ci, nous n’avons pas l’impression que le ministère nous écoute.

Vous dites que le message envoyé est catastrophique…

Cette affaire est un très mauvais signe pour le patrimoine du XIXe : en gros, si vous arrivez avec un autre projet bien ficelé, vous pouvez détruire les chapelles du XIXe siècle ! Or il y en a un nombre considérable en France, notamment dans l’Ouest, où les ordres missionnaires féminins jadis florissants voient leurs vocations tomber, mettant ainsi en danger l’avenir des édifices.

Pourquoi voulez-vous conserver cette chapelle ?

D’abord car elle est un témoin important du XIXe siècle à Lille : dans le paysage urbain, elle est très importante. C’est l’un des rares cas où, à quelques centaines de mètres, se trouvent une œuvre profane et une œuvre sacrée du même architecte. Les deux édifices vont ensemble ! Ensuite, il y a le message que cette destruction envoie : à l’heure où l’on essaye de reconvertir les anciennes églises au lieu de les démolir, on aimerait un signe plus encourageant ! Et puis il y la patrimonialisation du XIXe : pour nous, il n’est désormais plus le « siècle dernier », mais avant-dernier ! Il est, pour les Français de 2020, ce qu’était le XVIIIe siècle pour ceux des années 70. Or, on le considère comme du toc, de la pacotille ! Alors que cette chapelle n’est ni néo-gothique, ni néo-romane : c’est du vrai XIXe

Quelle différence y a-t-il entre cette démolition et les démolitions d’édifices religieux qui ont eu lieu dans le passé ?

Les démolitions sont monnaie courante, dans toutes les périodes de l’histoire, notamment lorsqu’on estimait que tel ou tel édifice religieux n’avait plus d’utilité. Mais nous sommes le siècle du patrimoine ! Quand on faisait ça dans le passé, on s’arrangeait pour que la fonction cultuelle perdure : on transférerait les autels, par exemple. Contrairement au XVIIIe, nous avons désormais la notion de patrimoine : on ne peut en faire fi !

Le contexte est aussi plus difficile : la fonction cultuelle de cette chapelle n’est pas évidente. Cela s’inscrit dans une logique triste pour le diocèse : le séminaire a fermé, la chapelle va être détruite… C’est démoralisant. Si on est un catholique lillois, ça doit interroger !

Que révèle la mobilisation contre la destruction de la chapelle ?

Cette mobilisation de la communauté civile, pas simplement des catholiques, est un signe d’espoir : voir que des personnes qui ne sont pas forcément croyantes sont attachées à de tels édifices en disant « c’est notre patrimoine » montre que c’est une part de leur identité. Se dire qu’un édifice qui n’est pas classé monument historique, qui est un église, parle encore à ceux qui vivent autour, montre que les citoyens sont encore attachés aux églises.