Au commencement, il y a saint François d’Assise. « Le récit de la crèche de Greccio de saint François d’Assise n’appartient pas à la légende mais à l’histoire » rappelle Pierre Ripert (Des origines de la crèche provençale et des santons populaires, éd. Paul Tacussel, 1956)… Saint François, avait obtenu du Souverain pontife en 1223 d’aller célébrer Noël dans la ville de Greccio et « de convoquer ses frères et les populations d’alentour et de donner à cette fête un éclat inaccoutumé ». Sur place, un autel dressé en plein air, une crèche, un bœuf et un âne, dans une reproduction de l’étable de Bethléem. À la messe, saint François – qui ne fut jamais ordonné prêtre – remplit l’office du diacre et chanta l’Évangile avant de prêcher. La tradition rapporte qu’un miracle s’accomplit durant la messe : l’assemblée vit, dans la crèche, un véritable nouveau-né, que saint François prit dans ses bras.
Diffusion depuis la Provence
C’est après le concile de Trente et dans le mouvement de la Contre-Réforme que la crèche, qui depuis saint François était une crèche d’église, devint une crèche publique puis une crèche familiale. La période baroque qui suit la Contre-Réforme, sous l’impulsion des Jésuites et des Théatins – membres de l’Ordre des clercs réguliers fondé par saint Gaétan de Thiène –, fit de la Nativité un culte particulier. Ce mouvement eut beaucoup de succès en Italie et en Espagne, mais moins en France, où une certaine austérité désapprouvait « ces folies espagnoles et italiennes » qui faisaient rentrer dans les chapelles un peuple profane. Le mouvement gagna par la Provence et particulièrement par Marseille, où les évêques se montrèrent tolérants à l’égard de ces représentations qui étaient religieuses en même temps que régionalistes.
Les crèches étaient composées de petites figurines, sculptures habillées ou petits mannequins de fer et de bois dont seules la tête et les mains étaient sculptées. Cette représentation était assez coûteuse et les crèches publiques qui la présentaient étaient comme des spectacles auxquels on pouvait assister moyennant une petite redevance. C’est l’apparition des santons en glaise qui permit de les transformer en crèches privées ou crèches familiales. Les crèches publiques sont dans de nombreuses villes mais à partir de 1792 la crèche est remplacée par la prise de la Bastille et jusqu’au Consulat elles disparaissent.
Refuge chez les particuliers
Comme la persécution s’étend aussi aux églises, la crèche se réfugie chez les particuliers et on voit le développement des crèches familiales. Les crèches publiques réapparaîtront avec le Concordat, puis sous la Restauration, mais sans diminuer l’essor des crèches familiales. Les persécutions de 1905, consécutives aux lois de séparation des Églises et de l’État renforceront encore le développement des crèches familiales qui ne se limitera plus à Marseille et à la Provence mais s’étendra dans tout le pays. On y voit figurer de plus en plus des activités profanes et contemporaines, sur le thème constant des Noëls provençaux où c’est toute la population qui va jusqu’à la crèche.
Aujourd’hui les trois mouvements – crèche d’église, crèche publique et crèche familiale – se fondent dans une même popularité de la crèche souhaitée et célébrée par tous les Français. Une petite minorité cependant cherche par des moyens juridiques ou administratifs, issus de la loi de 1905, à restreindre le nombre des crèches publiques, sans pouvoir s’opposer aux crèches d’église ni aux crèches familiales. Malgré ces tentatives d’obstruction, la crèche publique s’installe dans de nombreuses régions. L’engouement pour les crèches, qui fut populaire dès le début, a gardé ce caractère.
