Pourquoi déclarer la guerre au Prince de la Paix ? - France Catholique
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Le journal de la semaine

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Pourquoi déclarer la guerre au Prince de la Paix ?

Depuis une dizaine d’années, dès le début de l’Avent, la présence d’une crèche dans l’espace public est dénoncée par les partisans d’une laïcité très stricte. Pourtant, les représentations de la Nativité n’ont jamais été autant plébiscitées par les Français et défendues par certains élus.
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© Fred de Noyelle / Godong

À quelle révolution assistons-nous de nos jours ? Plus de temps de l’Avent désormais sans passes d’armes au sujet de la tenue d’une crèche, voire de l’emploi du mot « Noël » ! Cent vingt ans après la loi de 1905, la laïcité n’est pas comprise de la même façon par un catholique ou un élu de La France insoumise, et depuis la loi « séparatisme » adoptée en 2021 pour conforter le respect des principes de la République et contrecarrer les effets de l’islamisme, le contrôle de l’État sur les associations cultuelles ou diocésaines s’est renforcé.

Dans ce climat de défiance, la polémique a commencé cette année à Bruxelles où la municipalité a installé sur la Grand-Place une création contemporaine. Victoria Maria Geyer, l’architecte d’intérieur choisie, par ailleurs se disant de confession catholique, a conçu des mannequins en tissu sans visages « pour laisser libre cours à l’imagination ». Le curé-doyen de la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule, Benoît Lobet, a donné son assentiment à une telle représentation en estimant qu’elle plongeait au cœur du message chrétien en représentant « des précaires, des gens qui ont été refusés de partout ». Certes, le Christ est né dans la pauvreté, mais il n’est pas né sans visage. Le fait de représenter une crèche désincarnée qui va à l’encontre du mystère même de l’Incarnation est spirituellement dérangeant. Par ailleurs, dans une Belgique gangrenée par la prégnance d’un islam conquérant, le fait de représenter la Sainte Famille sans visage renvoie à l’interdit de l’image dans la religion arabo-musulmane. Cette crèche n’est-elle pas la métaphore de l’effacement du beau message chrétien de Noël en Belgique ?

L’exemple de Béziers

En France, chaque année dorénavant, la crèche installée au sein de la mairie de Béziers incarne la riposte à la contestation des membres de la Ligue des droits de l’homme et de ceux de la Libre-pensée. Depuis son élection en 2014 et jusqu’en 2024, le maire Robert Ménard a été condamné huit fois par le tribunal administratif de Montpellier. L’ordre lui a été donné de retirer sa crèche de l’enceinte municipale pour l’installer à l’extérieur de la mairie. Depuis 2016 s’applique une jurisprudence du Conseil d’État : une crèche est interdite dans un bâtiment public, siège d’une collectivité publique ou d’un service public, « sauf si des circonstances particulières montrent que cette installation présente un caractère culturel, artistique ou festif ». Par ailleurs, les magistrats ont décidé que « dans les autres emplacements publics, compte tenu du caractère festif des installations liées aux fêtes de fin d’année, l’installation d’une crèche de Noël est légale, sauf si elle constitue un acte de prosélytisme ou de revendication religieuse ».

Que faut-il comprendre par « circonstances particulières » ? Comment reconnaître « un acte de prosélytisme » ? Chacun peut donc voir la crèche à sa façon, mais il faut retenir qu’aux yeux du législateur, elle est légale si elle présente un caractère festif ou culturel, et paradoxalement illégale si elle représente la naissance du Christ.

Le 4 décembre dernier, Robert Ménard a gagné une bataille. Le tribunal administratif de Montpellier a rejeté un référé porté par un ancien candidat LFI aux législatives. Certains élus cependant payent cher leur obstination. À Beaucaire, le maire RN, Nelson Chaudon, a été condamné à payer 103 000 euros en février 2025 pour non-application d’une décision de justice, à savoir le retrait de la crèche provençale de la mairie, sous peine d’une astreinte de 1 000 euros par jour réévaluée à 5 000 euros. En ce mois de décembre, le maire de Beaucaire a trouvé la parade pour ne plus être attaqué : la Sainte Famille a été installée à l’extérieur, à côté de l’entrée de la mairie, tandis que les scènes pastorales avec les santons s‘offrent au regard des visiteurs dans la cour du bâtiment public. De son côté, à Asnières (Hauts-de-Seine), le maire Manuel Aeschlimann (LR), après avoir hésité face aux menaces judiciaires, a décidé de maintenir la tradition datant d’il y a onze ans : la crèche a été installée dans le hall de l’Hôtel de Ville.

L’exception corse

Seule la Corse est épargnée par la discorde au nom de sa « saine laïcité » vantée par le pape François lors de son déplacement sur l’île en décembre 2024. L’installation chaque année d’une crèche dans le hall de la mairie d’Ajaccio ou sur le rond-point de la commune de Biguglia suscite l’adhésion de tous tant Noël est une fête aux racines chrétiennes assumées. Que faire donc pour désarmer chaque mois de décembre les adversaires de la crèche ? Le député ciottiste Gérault Verny (Union des droites pour la République) souhaite une proposition de loi pour les inscrire au patrimoine immatériel des traditions culturelles françaises. Quant au sénateur Stéphane Ravier (non-inscrit), il a proposé de modifier la loi de 1905 afin d’autoriser l’exposition des « appellations et symboles traditionnels de Noël comme les santons, les crèches, les sapins et les illuminations temporaires afférentes ». Pas sûr que cela suffise. Le combat n’est-il pas spirituel ? Ce que nous donnent à voir les santons, ce n’est rien de moins que le Salut du monde.

Consensus politique pour l’installation de crèche en mairie

Selon un sondage CSA paru le 7 décembre 2025 pour CNews, Europe 1 et le JDD, 79 % des personnes interrogées approuvent la présence de crèches de Noël dans les mairies. 20 % y sont opposés. 1 % ne se prononce pas. L’idée selon laquelle la crèche serait rejetée par une gauche allergique au religieux est battue en brèche. La France Insoumise est favorable à 63 %, le Parti socialiste à 71 %, et même les écologistes sont pour à 60 %. Le parti présidentiel Renaissance approuve à 68 % tandis qu’à droite c’est un plébiscite : la défense de la crèche en mairie monte à 86 % chez les républicains et grimpe à 94 % d’adhésion chez les électeurs du RN et de Reconquête.