L’actualité, à quelques jours près, nous a donné deux témoignages poignants sur la possibilité de pardonner à des criminels coupables des actes les plus odieux. Le premier, on peut dire que la planète entière a pu l’entendre, puisqu’il était d’Erika, la veuve de Charlie Kirk, s’exprimant dans le stade d’Atlanta devant une centaine de milliers de personnes, mais aussi face aux caméras qui répercutaient son témoignage au-delà des océans. Onze jours après le meurtre de son mari, elle a eu l’indicible courage de pardonner à l’assassin : « Ce jeune homme, je lui pardonne parce que c’est ce que le Christ a fait et ce que Charlie ferait… La réponse à la haine n’est pas la haine. La réponse de l’Évangile est l’amour… pour nos ennemis et ceux qui nous persécutent. »
L’offrande du Christ
Il ne fait aucun doute que pareil langage se rapporte au christianisme intégral et aux paroles même du Notre Père : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. » Toute la doctrine développée depuis les épîtres de saint Paul s’ordonne autour des thèmes du pardon, de la pénitence et de la rédemption, qui eux-mêmes renvoient à l’unique amour de Dieu pour ses créatures, celui qui est à l’origine de l’offrande du Christ sur la Croix.
Est-ce à dire qu’il s’agit de notre part d’une démarche facile qui relève d’une sorte d’automatisme ? Sûrement pas ! Plus la blessure provoquée par l’offense reçue atteint au plus profond, plus cette démarche est onéreuse. Ainsi que le note Laure Mandeville dans Le Figaro (23 septembre) : « Ce pardon est sorti difficilement de sa gorge, dans la douleur, avec une sorte de grimace qui pour une seconde a déformé son beau visage. » En contraste, le président Donald Trump a affirmé de son côté son impossibilité à pardonner, réclamant le châtiment suprême pour l’assassin. C’était, il est vrai, pour concéder tout de même : « Peut-être Erika arrivera-t-elle à me convaincre. »
L’horreur du crime
Le second témoignage, qui émane aussi d’une chrétienne profonde, la maman de Philippine, cette jeune fille violée et massacrée il y a un an dans le bois de Boulogne, pourrait a priori être opposé à celui d’Erika Kirk. Interrogée par Christine Kelly, sur CNews, elle a affirmé son impossibilité d’accorder son pardon. Comment ne pas la comprendre ? L’homme qui a tué sa fille a commis l’acte le plus abject possible. D’ailleurs, un tel acte n’est pas pardonnable en soi. Son auteur peut l’être dans la mesure où il est capable d’un retour sur lui-même. Mais, dans le cas précis d’une éventuelle conversion, la maman d’une jeune fille ainsi martyrisée ne saurait oublier l’horreur du crime. Et il serait des plus indiscrets d’intervenir dans sa conscience pour lui donner un conseil.
La prière de sainte Thérèse
L’attitude qui apparaît la plus conforme à l’esprit de l’Évangile est celle qui amène à prier pour la conversion des pécheurs. Ce fut celle de la petite Thérèse Martin qui se mit au défi de prier ardemment pour obtenir la conversion du criminel Pranzini, auteur d’un triple meurtre. On sait qu’elle l’obtint au moment de l’exécution du meurtrier, quand celui-ci embrassa le crucifix présenté par l’aumônier de la prison.
Ce qui apparaît dans le cas des témoignages d’Erika Kirk et de la maman de Philippine, c’est le même appel à la Providence et le même témoignage de foi. Il ne convient nullement d’opposer l’une à l’autre, chacune accomplissant son propre cheminement au sein de son plus profond chagrin. L’une et l’autre sont accompagnées par la présence de l’être cher auprès d’elle-même et auprès de Dieu. « Pensez à elle et qu’elle vous protège » est-il inscrit sur la stèle posée à l’endroit où Philippine trouva la mort.