L’assassinat de Charlie Kirk, proche de Donald Trump, plonge à nouveau les États-Unis dans un climat redoutable de violence. Beaucoup ont évoqué à ce propos l’exemple de Martin Luther King, avocat des droits civiques, assassiné en 1968 à Memphis par un partisan de la ségrégation raciale. Certes, il s’agit de personnalités très différentes, aux convictions contrastées. Mais c’est leur notoriété considérable qui oblige à les rapprocher, tant l’un et l’autre s’identifient à des causes qui mobilisent l’opinion publique. Tous les représentants autorisés du pays, notamment les anciens présidents, ont condamné le meurtre de Charlie Kirk, soulignant avec Barack Obama « que ce genre de violence n’a pas sa place dans notre démocratie ». « Mon cœur se brise à la nouvelle de l’assassinat de Charlie Kirk, a déclaré l’évêque du Nebraska, Mgr James Conley. Il a dit la vérité et était un guerrier pour le Christ. En tant que chrétiens, nous savons que le Christ a vaincu la mort, et que la vérité ne peut pas être tuée. Je pense qu’on peut dire que Charlie était un martyr de la vérité. »
Surchauffe idéologique
Force est pourtant de remarquer que l’heure n’est pas à l’apaisement, bien au contraire. Les polémiques font rage, attestant d’une surchauffe idéologique, alimentée de part et d’autre. Donald Trump a mis en cause une dialectique d’extrême gauche dont la violence est « directement responsable du terrorisme auquel nous assistons dans notre pays ». Mais ses adversaires n’hésitent pas à lui reprocher d’être lui-même à l’origine de la tension qui s’est emparée du pays, depuis qu’il s’est engagé dans sa carrière politique… Il suffit de suivre les débats sur nos propres chaînes d’information pour constater que la virulence des échanges a pris une dimension internationale et qu’elle recoupe ainsi nos propres différends idéologiques.
Il conviendrait de prendre quelques distances avec cette violence pour mieux discerner les questions de fond, pour se déterminer en esprit de vérité, sans renoncer à ses convictions. De ce point de vue, il faut rendre cet hommage à Charlie Kirk qui s’est toujours distingué par la puissance de sa rhétorique et sa démarche résolue pour convaincre, sans craindre d’affronter les arguments contraires. C’est une des raisons qui explique le ressentiment dont il était l’objet. L’extraordinaire succès obtenu auprès de la jeune génération a produit un véritable renversement jusqu’au cœur des universités acquises à la gauche progressiste et à ce que l’on désigne généralement comme le wokisme. Cela explique notamment l’élection de Donald Trump pour son second mandat à la Maison-Blanche.
Charlie Kirk n’a obtenu ses succès que par la force de son verbe, celle de ses arguments, ne craignant jamais de faire appel à ses adversaires pour ce qu’à l’époque médiévale on aurait appelé une disputatio. Il demandait qu’on recoure aux meilleurs des libs – des libéraux, la gauche américaine – pour qu’ils lui apportent la réplique. D’évidence, une telle confiance en soi n’était possible qu’en vertu de la solidité de ses convictions. Appartenant à la mouvance évangélique, il ne craignait pas d’affirmer sa foi étroitement associée à ses choix politiques avec tout ce qui en résultait sur les questions sociétales : avortement, fin de vie… Certes, on lui reprochait de relayer certaines fake news du camp trumpiste, ainsi que d’avoir obstinément défendu la vente libre des armes à feu. Cela correspond, il est vrai, à une culture américaine qui nous est étrangère.
Les leçons à tirer
Plus généralement, il convient de revenir aux enjeux de fond qui expliquent la division de l’Amérique en deux camps. Car ces enjeux ont une portée intellectuelle et même spirituelle dont on se rend compte, ne serait-ce qu’en s’intéressant aux discours du vice-président J. D. Vance. Récemment converti au catholicisme, ce dernier ne craint pas de se référer à saint Augustin et à René Girard. Et il n’est pas le seul dans ce cas. On commence à s’intéresser chez nous à tout un travail politique et doctrinal mené aux États-Unis depuis plusieurs dizaines d’années. Nous ne saurions lui être indifférents, d’autant qu’il rejoint nos propres interrogations et nos propres engagements. Autant que cela s’opère en toute lucidité, et, si possible, dans le refus des luttes civiles.