Dieu aime-t-il les nations ? - France Catholique
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« Les contemplatifs portent le monde »
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Dieu aime-t-il les nations ?

Dieu n’aime pas seulement chacun de nous. à l’encontre du globalisme qui détruit les cultures, il aime aussi les peuples et leurs traditions.
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© P. Deliss / Godong

Comme chacun sait, depuis les années 1970, l’expression latino-hébraïque « Deus Sabaoth » –  présente dans le Sanctus – n’est plus traduite par « Dieu des armées ». On dit plutôt « Dieu de l’Univers » ou « Dieu de la multitude ». On ne prie plus tellement non plus pour la France ; le Domine fac salvam Galliam (Seigneur, sauve la France) est passé de mode. Quant à la fête du Christ-Roi, elle est devenue la fête du Christ-Roi… de l’Univers. Comme si, entre Dieu et l’individu, il n’existait plus rien. Comme si la politique, c’est le cas de le dire, n’avait plus le droit de cité.

La plus pure doctrine chrétienne

L’individualisme moderne, couplé à la déchristianisation de l’Europe, a ainsi rendu complètement exotique l’idée que Dieu puisse s’intéresser à la vie des corps sociaux. Il s’agit là d’une concession malheureuse à l’esprit du temps. Car Dieu aime les nations. Entendez par là que Dieu n’aime pas seulement les personnes qui peuplent la Terre, prises une par une ; il aime aussi les peuples en tant que tels, les cultures et les collectifs politiques. C’est là la plus pure doctrine chrétienne, fondée sur l’Écriture, la Tradition, les Pères et des foultitudes de déclarations papales.

Et ce pour une raison bien simple, que la philosophie antique avait elle-même mise en évidence : l’homme est un animal politique. « La vie sociale, dit le Catéchisme (n° 1879), ne constitue pas pour la personne humaine quelque chose de surajouté, mais une exigence de sa nature. » Cette vérité anthropologique fondamentale s’illustre par la famille nucléaire originelle, les tribus, les villages, les cités et finalement par le corps social le plus vaste, le plus inclusif, le plus durable : la nation. Avoir une vie nationale, c’est-à-dire une culture commune, une langue, une certaine continuité historique, une mémoire et une identité, enfin une souveraineté collective sur ses propres affaires – ce sont là, pour parler comme Simone Weil, des besoins de l’âme humaine. Leur satisfaction est donc de droit naturel – ce dernier n’étant rien d’autre qu’une participation de la loi divine elle-même. Aussi Dieu ne bénit pas des foules indistinctes, il bénit des nations : « Je ferai de toi une grande nation, et je te bénirai […] et toutes les nations de la terre seront bénies en toi » (Gn 12, 1-3 ; 22, 18). « Louez l’Éternel, vous, toutes les nations ! » (Ps 117).

« Souveraineté spirituelle »

Jean-Paul II, parmi les récents papes, était intarissable sur le sujet : « Le droit à l’existence implique naturellement, pour toute nation, le droit à garder sa propre langue et sa culture, par lesquelles un peuple exprime et défend ce que j’appellerai sa “souveraineté” spirituelle originelle. L’histoire montre que, dans des circonstances extrêmes […], c’est précisément sa culture qui permet à une nation de survivre à la perte de son indépendance politique et économique » (discours du 5 octobre 1995).

Ici, toutefois, quelques questions viennent naturellement à l’esprit. Pourquoi les hommes ne dépasseraient-ils pas leurs différences pour constituer une seule immense nation ? Après tout, le Christ a révélé qu’il n’y avait plus « ni Juif ni Grec » (Ga 3, 28). Le sens du christianisme n’est-il pas, dès lors, d’abolir les chauvinismes résiduels et de faire l’unité finale ? Le nationalisme surmonté d’une croix ne serait-il pas une immense trahison ?

La Raison comme la Révélation ont déjà répondu à ces questions. Rappelez-vous la tour de Babel ! La diversité humaine est indépassable. Elle fait partie de notre condition. Au sein d’un territoire, au-delà d’une certaine taille, d’un certain niveau de diversité linguistique et culturelle, le sentiment d’appartenance commune et de loyauté s’estompe, se dilue, s’évanouit – et la possibilité pour les individus de s’identifier réellement au Tout devient inexistante. Les affects réels sont remplacés par des abstractions sans effet.

La langue universelle, le gouvernement mondial, le village global… Tous ces songes babéliens sont profondément contraires à la nature sociale des hommes car ils supposent, pour être mis en place, l’atomisation préalable du corps social, l’arrachement à l’héritage et la confusion des hommes en une sorte de matière humaine indifférenciée.

La nation contre l’empire


Assurément, en Christ, « il n’y a plus ni Juif ni Grec », mais il faut bien comprendre ce que cela veut dire. Pour cela, faisons un détour par la différence sexuelle. Dans le même verset, saint Paul dit qu’il n’y a plus « ni homme ni femme » : cela signifie que la différence de genre ne saurait légitimer la moindre hiérarchie en dignité devant Dieu. Il serait évidemment absurde d’en conclure que la différence sexuelle est un mal, qu’elle doit disparaître, qu’elle est un archaïsme à supprimer ! Eh bien, il en va de même pour les nations : il faut comprendre qu’il n’y a pas de hiérarchie entre les races, entre les peuples ; que tous sont égaux devant Dieu et appelés à son Salut. Mais cela n’implique pas que les peuples doivent disparaître, ni que l’existence nationale soit une calamité. On se rend compte, au passage, que le mondialisme et le « trans-genrisme » peuvent être à bon droit présentés comme des interprétations erronées de Galates 3, 28. C’est-à-dire comme des idées chrétiennes comprises de travers.

Oui mais voilà, Dieu, lui, comprend les choses à l’endroit. Et s’il annonce en permanence l’effondrement des empires – « colosses aux pieds d’argile » (Daniel 2, 31-45) qui tyrannisent leurs peuples –, c’est pour mieux affirmer la liberté des nations. L’Esprit Saint ne parle pas le globish, il « parle à chacun sa propre langue, sa langue maternelle » (Actes, 2, 5) et « les nations marcheront à sa lumière » (Ap 21, 24).