Cardinal Bustillo : « Les catholiques ne sont pas morts ! » - France Catholique
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Cardinal Bustillo : « Les catholiques ne sont pas morts ! »

Dans son dernier livre, Réparation (Fayard), l’évêque d’Ajaccio partage le constat lucide d’une société en miettes, mais aussi son espérance liée au message salvateur de l’Évangile.
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© Antoine Mekary / Godong

L’Église a-t-elle selon vous les clés de cette « réparation » de la société que vous souhaitez ?

Cardinal François Bustillo : Quand on regarde la société, on ne peut que constater qu’elle est abîmée… mais elle n’est pas perdue ! Dans la réparation, il y a une espérance. Et l’Église a son rôle à jouer par son génie et son patrimoine propres, et par sa capacité à voir les failles et les difficultés, à partir de l’Évangile. Un chrétien ne peut pas se limiter à critiquer et à se lamenter, parce que les chrétiens sont des fils de la Résurrection. Ils ne sont pas dans une logique triste et fataliste par rapport à la société, mais active et créative, pour trouver des passages face aux situations de blocage.

La situation que vous décrivez est-elle due au fait que notre pays s’est éloigné de Dieu ?

C’est un fait : la société s’est éloignée de Dieu. Dans les années 1960-1970, on rêvait d’un monde meilleur, peace and love… Mais pour les enfants et petits-enfants de cette génération, tout est devenu beaucoup plus compliqué et dur. Il y a 60 ans, on clamait : « Ni Dieu ni maître ! » On avait évacué Dieu. Mais est-on devenu plus évolué et pacifié ? Je ne le pense pas. Après des années à avoir, pardonnez-moi le terme, « bouffé du curé », nous vivons une situation critique, sans boussole, sans valeurs ni principes.

Voyez-vous des signes de renouveau dans ce contexte plutôt morose ?

Moins de la moitié des Français aujourd’hui se disent catholiques (49 %), et 4 % se disent pratiquants. Dieu, par nature, ne s’impose pas. Comme dans le livre de l’Apocalypse, « il se tient à la porte et il frappe ». Il frappe à la porte de notre liberté. Je constate cependant qu’il y a une quête, dans le monde politique, économique, du sport et de la culture… On se pose de plus en plus des questions sur Dieu. En apparence, la réalité de l’Église est fragile. Mais nous ne sommes pas morts ! Je crois beaucoup à la théologie du « petit reste d’Israël », dont la fidélité est magnifique. C’est pour ça que je ne crains pas d’être minoritaire, baigné dans un milieu plus ou moins hostile. L’Église est capable d’apporter une parole qui répare les liens abîmés.

Les nouvelles générations veulent-elles désormais un Dieu et un maître ?

Les jeunes veulent un guide. Ils ont connu le vide spirituel, mais ils ne sont pas hostiles à l’Église, parce qu’ils sont ignorants – je le dis sans mépris. Ils ont une saine curiosité pour connaître la religion, sa tradition. Pourquoi les églises ? Pourquoi les curés ? Un prêtre qui célèbre la messe dans une église est devenu quelque chose d’exotique… Il ne s’agit pas de chanter victoire, mais c’est un appel à la responsabilité, en sachant qu’au-delà de nos stratégies, c’est l’Esprit Saint qui guide l’Église.

Face à cette soif spirituelle, quelle peut être la réponse de l’Église, dans la mesure où l’éducation a été délaissée par les clercs depuis des décennies ?

La société nous provoque, au sens noble du terme. L’Église doit apporter sa vision de l’homme, en particulier aux familles, parce que l’éducation commence dans la famille. Le but est de transmettre une solidité et une identité aux enfants, dont beaucoup ont besoin d’une formation qui leur apporte une colonne vertébrale humaine et spirituelle. Sinon, ils vont naviguer en eaux troubles. L’Église doit y répondre en apportant, comme Jésus, le chemin, la vérité et la vie. Car ce que Jésus propose n’est pas une idéologie, mais un idéal.

Je suis plein d’espérance pour cette belle jeunesse, qui a une liberté et une fraîcheur qui nous surprennent. À l’aéroport, un jeune de 19 ans, croyant mais peu pratiquant, m’a posé en aparté beaucoup de questions sur la mort et l’au-delà, en vingt minutes, d’une manière très directe.

La formation et l’éducation de la jeunesse doivent-elles devenir la priorité des prêtres ?

Je le crois. Si nous savons leur donner le meilleur de nous-mêmes, la rencontre peut être féconde. Beaucoup de jeunes cherchent à comprendre leur propre vie. Ils ne veulent pas forcément des coachs, avec des conseils techniques et extérieurs à eux-mêmes, mais des indications pour leur bonheur, pour l’être, d’une manière gratuite, en visant leur bien. Le but d’un accompagnement spirituel n’est pas de dominer ou de manipuler, mais d’orienter une personne vers son bonheur et sa liberté.

La réparation est un des messages principaux des apparitions du Sacré-Cœur à Paray-le-Monial. Vous avez été le légat du Pape pour la conclusion de ce Jubilé. La réparation de la société réside-t-elle dans ce Sacré-Cœur de Jésus qui a tant aimé les hommes ?

La réparation, la vraie, commence par l’intérieur : le cœur. C’est le siège de l’identité et de l’unicité de l’être humain. Pour réparer la société, il faut d’abord réparer le cœur de l’homme. Et Jésus est le modèle, par son Cœur resté ouvert qui donne la vie. Pour cela, il faut que nous ayons des cœurs de chair, et non de pierre, pleins de compassion, de miséricorde, avec des comportements aimables, comme le Cœur de Jésus.

Est-ce la raison pour laquelle vous avez de nouveau consacré la France au Sacré-Cœur à cette occasion ?

Nous avons consacré la France non pas parce qu’il y a un danger, comme cela a pu être le cas par le passé, mais parce que nous voulons un bénéfice spirituel et humain, pour le bien du pays et des peuples.

Cette fin d’année verra les cent ans de l’instauration de la fête du Christ-Roi. Faut-il que le Christ règne sur les intelligences, sur les cœurs, et sur les sociétés, pour réparer la société et obtenir la paix, comme le souhaitait le pape Pie XI ?

1925, c’est aussi l’année de parution de Mein Kampf, livre-programme d’une idéologie qui voulait dominer sans Dieu. Rien de nouveau donc… Avec cette encyclique, Quas primas, l’Église et le Pape rappelaient ainsi que le Christ est le Roi des rois, face aux tentations de messianisme souvent totalitaires. Mais le propre du règne de Dieu, c’est l’amour qui libère les consciences et les intelligences. Saint Grégoire de Nazianze parlait de Dieu comme d’« un Père et un pilote ». C’est très beau. Dans notre vie humaine et chrétienne, on a besoin d’un pilote, d’un GPS intérieur pour aller de l’avant et pour laisser le Christ prendre possession, si j’ose dire, de notre vie, pour que nous soyons libérés.

Réparation, cardinal François Bustillo, Fayard, octobre 2025, 162 pages, 21,90 €.