Dans quel état est cette œuvre ?
Didier Rykner : Elle n’est pas en bon état en raison de la fragilité du tissu de lin et de son âge : elle a 1 000 ans. Elle présente des déchirures, des trous et des plis qui risquent de se transformer à leur tour en déchirures. Jusqu’à l’annonce du chef de l’État, tous les spécialistes ayant travaillé sur cette tapisserie s’accordaient pour dire qu’elle ne pouvait pas être transportée sans risques de nouvelles déchirures et de chutes de matière, irréversibles. Il y a huit mois, la conservatrice des monuments historiques de la DRAC Normandie affirmait elle-même, sur le site YouTube de la préfecture, que même un transfert vers un atelier de restauration hors de Bayeux était exclu. C’est pourquoi l’État avait décidé de la faire restaurer sur place.
Pourtant le directeur du musée affirme que le transport est sans risque…
Il disait l’inverse il y a sept ans, mais le maire de Bayeux est favorable au prêt. C’est une question entièrement politique et diplomatique. Emmanuel Macron ne veut absolument pas écouter les experts. Je trouve cela très méprisant pour les scientifiques et pour le patrimoine.
La polémique enfle même en Angleterre…
Les journalistes commencent à s’intéresser au problème en raison du succès de la pétition que j’ai lancée : elle a recueilli près de 70 000 signatures. Mais ce qui est honteux, c’est que le British Museum accepte ce prêt, alors qu’il y a trois ans, quand le Louvre voulait faire venir la pierre de Rosette – en granodiorite, une pierre granitique– pour l’exposition Champollion, ce musée avait dit qu’elle était intransportable. Or la tapisserie de Bayeux est infiniment plus fragile !