Une rue de Chambéry porte son nom et son œuvre, la fondation du Bocage, existe toujours. Camille est né en 1841. Il est le cinquième enfant de la famille – six naîtront après lui, mais deux mourront en bas âge. Son père, le marquis Pantaléon Costa de Beauregard, fut l’un des artisans de la réunion de la Savoie à la France. Sa mère, Marthe de Saint-Georges de Vérac, est issue d’une grande famille de la noblesse française. Ensemble, ils éduquent leurs enfants dans une foi catholique fervente mais teintée de jansénisme. Le jeune garçon suit sa scolarité chez les jésuites avant de revenir chez lui, à 14 ans, continuer son instruction auprès de l’abbé Chenal. Celui-ci travaillera par la suite, avec lui, auprès des orphelins. De santé fragile, Camille souffre déjà de problèmes de santé – migraines, douleurs abdominales, acouphènes – qui le poursuivront toute sa vie.
« Il a choisi la dernière place »
À 22 ans, il se convertit derrière un pilier de la cathédrale de Chambéry et reçoit son appel à devenir prêtre. Après son séminaire à Rome, il se met au service de l’évêque de Chambéry et, par humilité, demande le poste de dernier vicaire de la cathédrale. « C’est ce qui me touche le plus : il est connu non pas par son rang social mais parce qu’il a choisi la dernière place, s’est fait pauvre au service des petits », témoigne Louis Costa de Beauregard, descendant d’un des frères de Camille.
L’histoire le happe dès le début de son ministère. Une épidémie de choléra ravage la ville, des centaines d’orphelins se retrouvent à la rue. Camille en accueille un, puis deux dans son appartement qui devient rapidement trop petit : celui que l’on appellera le « Père des orphelins » accueillera 100 à 150 enfants et adolescents, de 2 ans à 21 ans ! L’orphelinat du Bocage est né.
Le Père Camille les garde jusqu’à l’âge adulte pour en faire des hommes de foi solides et de bons pères de famille. Il choisit de les former au métier de jardinier pour les écarter des usines et leur permet ainsi d’être employés dans des familles aisées du réseau qu’il a constitué : Camille n’aura de cesse de s’appuyer sur sa famille, ses relations, ses confrères, son évêque – et le Seigneur ! – pour supporter les soucis liés aux problèmes financiers de l’orphelinat, aux attaques d’une République anticléricale, et à ces jeunes, blessés par la vie.
« Donner sa vie en détail »
L’Évangile sera sa boussole et l’amour des petits son credo. « On peut donner sa vie de deux manières, dit-il. Ou bien d’un seul coup, en se faisant tuer pour ceux qu’on veut sauver, ou bien en détail, jour par jour, en usant ses forces et son temps, tout ce que l’on a pour ceux qu’on aime. C’est cette dernière manière que j’ai choisie » – des paroles rapportées par Ernest Costa, son neveu prêtre et successeur au Bocage, dans Une âme de saint.
Ses trois maîtres spirituels vont l’accompagner toute sa vie : saint François de Sales, saint Vincent de Paul et saint Benoît-Joseph Labre, l’ermite-pèlerin et ami des pauvres. Pour offrir la meilleure pédagogie possible à ses garçons, il va d’abord accomplir un véritable tour de France des maisons recevant des orphelins.
C’est dans ce cadre qu’il rencontre Don Bosco, son aîné de vingt-six ans. Les deux hommes se retrouvent dans la pensée de saint François de Sales : « Tout par amour, rien par force. » Comme Don Bosco, le Savoyard déploiera une énergie folle pour offrir à ces jeunes, si souvent en manque de confiance et d’affection, des distractions qui leur permettront d’apprendre en douceur : promenades, goûters, grands jeux, cours de théâtre, chorale, fanfare…
La prière quotidienne du soir avec les pensionnaires et sa dévotion immense à Jésus Eucharistie porteront sa mission. Dès qu’il acquiert un nouveau site, il donne au Sacré-Cœur la première place en installant une grande statue. Sur son lit de mort, en 1910, son visage rayonne et déjà il semble contempler les cieux ouverts. Sa tombe, au cœur du Bocage, lui permet de rester pour toujours parmi les enfants. « Sa mémoire, que les générations garderont, restera vivante, nimbée de l’auréole de la gloire attestant quel chef-d’œuvre de bonté est un homme de Dieu qui a greffé sur la noblesse du gentilhomme la sainteté du prêtre » (Camille Costa de Beauregard. La noblesse du Cœur, Françoise Bouchard, Salvator).
Le Bocage, à Chambéry
Une œuvre toujours active
Le Bocage s’est adapté aux réalités de notre époque mais ses préoccupations restent celles de son fondateur. L’orphelinat, devenu maison d’enfance à caractère social, accueille des enfants de la région placés. La maison des grands, lycée professionnel, forme les jeunes au métier de jardinier-paysagiste. Les salésiens, dont l’œuvre dépendait depuis la mort d’Ernest Costa, le neveu de Camille, sont partis en 2017. Mais « nous continuons à accompagner les jeunes avec douceur et générosité pour qu’ils puissent cultiver leur foi ou découvrir dans nos murs une vie intérieure », souligne le directeur de la fondation du Bocage, Xavier de Roissart. Qui espère retrouver une présence permanente de prêtres sur place car « les jeunes sont toujours touchés par des prêtres qui donnent leur vie pour eux. Cela permet une véritable alliance si chère à Camille ».
M. C.
« Rigueur et douceur »
Descendants de Camille, Alexis et Juliette Costa de Beauregard témoignent.
Quelle a été votre réaction à l’annonce de la béatification de Camille Costa de Beauregard ?
Une grande joie ! Certes, nous disions la prière d’intercession du diocèse de Chambéry mais nous ne pensions pas que cela se ferait si vite ! Nos enfants sont heureux et fiers d’avoir un bienheureux dans la famille.
Quels aspects de sa personnalité retenez-vous ?
Sa discrétion et sa grande humilité. Par son rang et ses relations, il aurait pu devenir évêque très jeune mais il a choisi de rester caché. Quand l’évêque le nomme chanoine, Camille est furieux ! Il a réussi à conjuguer la piété et la rigueur reçues de ses parents avec beaucoup de tendresse et de douceur.
À son exemple, que voulez-vous transmettre à vos enfants ?
Nous essayons d’être pour nos enfants « pleins de douceur et d’oubli de soi, toujours à leur écoute, constamment soucieux de leur formation humaine, chrétienne et professionnelle », comme le demande la prière d’intercession du diocèse. M. C.