En quoi consiste « l'infaillibilité pontificale » ? - France Catholique
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Ces Papes qui ont fait l'histoire
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En quoi consiste « l’infaillibilité pontificale » ?

De tous les dogmes catholiques, le plus étranger à la mentalité contemporaine est assurément l’infaillibilité pontificale.
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© Philippe Lissac / Godong

Écartons d’abord quelques idées fausses. Quand l’Église affirme que le Pape est infaillible, cela ne veut pas dire qu’il s’agit forcément d’un saint, encore moins d’un surhomme ou d’un demi-dieu. Le Pape n’est ni omniscient ni impeccable. Mais alors ? Que veut dire « infaillible » ? Tout simplement ceci : quand le Pape s’exprime solennellement, sur des questions de foi et de mœurs, c’est-à-dire des questions qui ont une grande importance pour le salut, il est préservé de toute erreur par le Saint-Esprit. Non seulement il ne dit pas de bêtise sur ces questions-là, mais il ne peut pas en dire. Parce que, dans cette circonstance, et sur ces sujets seulement, il reçoit l’aide de Dieu pour ne pas faillir.

Sujets profanes

Cette infaillibilité doctrinale n’est donc pas exclusive de toutes sortes d’erreurs sur ce qui ne relève pas de la foi et des mœurs. Sans parler bien sûr des écarts de conduite, qui sont une autre affaire. En d’autres termes : les avis du Pape sur les sujets profanes, comme l’astronomie, l’esthétique, la pédagogie, l’économie, les régimes politiques n’ont pas de caractère infaillible, et tout catholique est libre d’en penser ce qu’il veut. Et même sur les questions de foi et de mœurs, l’avis du Pape n’est infaillible que dans les circonstances précises définies par l’Église. Cela veut dire – par exemple – que si le Pape s’exprime dans l’avion, au milieu de quelques journalistes, sur une question de mœurs, ses paroles ne sont pas infaillibles. N’en concluons pas que les Papes passent leur temps à dire des choses loufoques, hormis les moments où ils font des déclarations solennelles ! Mais enfin, la chose est, à la limite, concevable…

La définition de Vatican I

Le mieux est encore de citer la définition donnée par le concile Vatican I : « Le pontife romain, lorsqu’il parle ex cathedra, c’est-à-dire lorsque, remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de sa suprême autorité apostolique, qu’une doctrine, en matière de foi ou de morale, doit être admise par toute l’Église, jouit par l’assistance divine à lui promise en la personne de saint Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que fût pourvue l’Église, lorsqu’elle définit la doctrine sur la foi ou la morale. Par conséquent, ces définitions du pontife romain sont irréformables de par elles-mêmes et non en vertu du consentement de l’Église » (Pastor æternus, chap. IV).

Voilà qui est clair. Le champ d’application de l’infaillibilité pontificale est précis. Il n’est nullement question de présenter le Pape comme un homme hors du commun. L’infaillibilité n’appartient pas à sa personne, mais à sa fonction. Bien sûr, si l’infaillibilité ne fut proclamée officiellement qu’en 1870 par le bienheureux Pie IX, elle qualifie rétroactivement tous les actes d’enseignement obligatoire et universel antérieurs à cette date. On considère généralement que, depuis cette date, l’infaillibilité ne fut engagée explicitement que par Pie XII sur l’Assomption de Marie et par Jean-Paul II sur l’avortement, l’euthanasie et la masculinité du sacerdoce.

Une condition nécessaire

Il reste à comprendre pourquoi il en est ainsi. En fait, l’infaillibilité doctrinale du Pape est une condition nécessaire de la mission confiée par le Christ à l’Église et à son chef. Disons, pour rappeler l’essentiel, que la mission de l’Église – sur le plan doctrinal – est de conserver la parole du Christ et de trancher les éventuels conflits d’interprétation qui ne manquent pas de survenir. Le Christ ayant voulu la bonne réalisation de cette mission « jusqu’à la consommation des siècles », et ayant pris personnellement les moyens de la faire aboutir, nous sommes tenus de croire qu’elle ne peut pas échouer. De l’Église, le Christ dit bien que les « portes de l’Enfer ne prévaudront pas contre elle ». Il faut donc que les successeurs de Pierre – qui sont chargés de trancher en dernière instance – ne disent rien qui puisse abîmer le dépôt de la foi.

Or, pour que les papes n’enseignent jamais rien de faux sur la foi, il faut qu’ils ne le puissent pas. Car s’ils le pouvaient, ils le feraient fatalement à un moment ou à un autre. On doit donc conclure qu’ils doivent être infaillibles. Et comme les chefs de l’Église sont des hommes faillibles – à l’image de Pierre lui-même – il est nécessaire que leur infaillibilité soit fondée sur une assistance extérieure de Dieu : « Pierre, j’ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille pas, et toi, quand tu seras converti, affermis tes frères » (Lc 22, 31-32). « Enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit […] je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20).

Comprenons bien : cette aide n’est pas une inspiration particulière, encore moins une source de révélations nouvelles, car la Révélation est close. Elle est simplement un empêchement de prononcer solennellement des erreurs. Si ce don n’existait pas, les successeurs de Pierre pourraient prononcer des erreurs ; nous pourrions avoir tort de croire ce qu’ils disent, alors même que le Christ a voulu que nous les croyions. La promesse du Christ ne serait pas accomplie.

Le Pape, interprète suprême

Le cardinal Newman, anglican converti au catholicisme précisément parce qu’il avait perçu la convenance imparable de l’infaillibilité papale, résumait le tout en disant : « De même que la Création implique la conservation, la Révélation implique l’infaillibilité. » Autrement dit : une fois que l’univers est créé, il faut encore que Dieu le maintienne en permanence dans l’existence ; de même, une fois que la Révélation a été faite, il faut encore que Dieu veille à ce que les hommes la conservent, la comprennent et en approfondissent continûment la signification. Cela suppose qu’un interprète suprême soit garanti de toute erreur par une grâce divine particulière.

Cela suppose aussi, bien sûr, que les Papes conservent fidèlement toutes les vérités infaillibles déjà proclamées par leurs prédécesseurs : « Le Pape, disait Benoît XVI, n’est pas un souverain absolu dont la pensée et la volonté font loi. Au contraire : le ministère du Pape est la garantie de l’obéissance envers le Christ et envers sa Parole. Il ne doit pas proclamer ses propres idées, mais se soumettre constamment, ainsi que l’Église, à l’obéissance envers la Parole de Dieu, face à toutes les tentatives d’adaptation et d’appauvrissement » (Homélie du 7 mai 2005).