Un pape jésuite - France Catholique
Edit Template
Pontificat de François - numéro spécial
Edit Template

Un pape jésuite

L’appartenance de François à la Compagnie de Jésus a marqué son pontificat.
Copier le lien
Le pape François au balcon de Saint-Pierre-de-Rome, au soir de son élection, le 13 mars 2013.

Élection du pape François, le 13 mars 2013. © thefourthlink / pixabay

L’étonnement suscité par l’élection du cardinal Jorge Mario Bergoglio au trône de Pierre provint surtout de son origine américaine. Le fait qu’il fût jésuite passa relativement inaperçu, même si fut souligné le caractère exceptionnel d’un tel choix dans l’histoire de l’Église. Ce n’est que peu à peu que se déploya la trame d’un tel parcours, avec, de plus, une formation sacerdotale reçue en plein cœur de la crise qui précéda et suivit le concile de Vatican II.

Vœu d’obéissance au pape

Saint Ignace de Loyola avait été clair dans les constitutions de la Compagnie de Jésus : les jésuites profès, donc des quatre vœux, dont le vœu spécial d’obéissance au Souverain pontife pour les missions, ne devaient en aucun cas prétendre à une charge de prélat ni à une dignité. Il précisait qu’ils devaient « refuser que leur personne soit choisie pour l’un quelconque de ces postes, autant qu’il dépendra d’eux, à moins d’y être contraints par l’obéissance à l’égard de ceux qui peuvent leur commander sous peine de péché » (n° 817). Malgré ses réticences, il fut malgré tout obligé de céder bien souvent aux demandes pontificales. Déjà très tiède pour accepter des nominations épiscopales jésuites, saint Ignace aurait été plus que surpris de voir un membre de la Compagnie élu au pontificat suprême, puisque l’ordre possède cette spécificité d’être avant tout au service du Saint-Siège pour les besoins de l’Église universelle.

Grave crise doctrinale

Le Père Jorge Mario Bergoglio, profès jésuite, fut donc investi des plus hautes charges dans ce contexte des aménagements arrachés à saint Ignace par la force de l’autorité. Au regard des controverses séculaires envers la Compagnie de Jésus, des critiques adressées aux jésuites – dès le vivant du fondateur – de rechercher en toute occasion le pouvoir, l’élection pontificale d’un jésuite, y compris à notre époque, demeure ainsi un signe de contradiction.

De plus, l’ordre connut, au moment où le jeune Bergoglio entrait dans ses rangs, la crise doctrinale la plus grave de son histoire, ceci à partir des choix opérés par certains jésuites influents dès le début du XXe siècle. Peu de commentateurs ont souligné le fait que le pape François fut le premier Souverain pontife à avoir été formé intellectuellement essentiellement durant la tempête des années 1970. Son « être » jésuite n’est plus le résultat d’un enseignement classique, en philosophie et en théologie, mais d’une formation fondée pour une grande part sur les sciences humaines, l’idéalisme allemand, la pensée marxiste, les théologies de la libération, l’abandon de la métaphysique thomiste, etc. Un tel retournement explique, au moins partiellement, les prises de position, les décisions et aussi la « sensibilité » du pape François durant son pontificat. Personne ne peut en comprendre l’origine sans les remettre dans ce contexte complexe et bouleversé. Ce pape fut le résultat éminent du tournant opéré par la Compagnie de Jésus sous le généralat du P. Pedro Arrupe (1907-1991) de 1965 à 1981, alors que ce dernier confia peu après son élection, dans ses Notes de retraite d’août 1965, à propos des jésuites réticents à suivre les changements, qu’il ne fallait pas craindre « de perdre ceux qui ne s’adaptent pas ».