Comment expliquer l'augmentation du nombre de catéchumènes ? - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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Comment expliquer l’augmentation du nombre de catéchumènes ?

Analyse. +45% cette année, +166% en dix ans... À quoi peut-on attribuer le phénomène ?
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© Philippe Lissac / Godong

Avec 31 %, l’augmentation du nombre de baptêmes d’adultes entre 2023 et 2024 était déjà impressionnante. Les chiffres, publiés le 10 avril par la Conférence des évêques de France confirment cette tendance : avec 10 384 adultes baptisés lors de la Vigile pascale, le taux bondit à 45 %.

Effet de rattrapage pour une génération qui n’a été que peu baptisée enfant ? Influence des réseaux sociaux ? S’il est encore trop tôt pour dresser une liste de tendances au long cours, certains constats commencent à prendre forme. « Il me semble que l’épisode du Covid a joué un grand rôle », estime l’abbé Damien Verley, curé de la paroisse des étudiants de Toulouse (Haute-Garonne), qui baptisera 30 jeunes adultes cette année – et 88 l’année prochaine. « Cette période a été vécue de manière quasiment eschatologique, en plongeant de nombreux jeunes adultes dans une telle détresse qu’ils se sont posé la question du Salut. » C’est le cas de Nina, qui entame à 24 ans sa première année de catéchuménat. Il y a un an, la jeune femme est tombée en dépression. « En pleine crise, je me suis dit que je n’étais pas faite pour souffrir, mais pour être aimée. J’ai tout de suite pensé à Dieu, me suis intéressée à la religion, ai découvert cette paroisse et ai demandé le baptême » égrène-t-elle, citant également la mémoire de sa grand-mère qui, si elle ne l’emmenait pas à la messe, lui « lisait la Bible pour enfants quand j’étais petite ».

« Beaucoup de catéchumènes témoignent simplement du fait qu’ils se sentent en paix lorsqu’ils viennent à la messe ou à l’église », souligne Don Grégoire-Marie Daniault, curé de Garges-lès-Gonesse (Val-d’Oise), qui baptisera 9 adultes cette année et 25 l’année prochaine. « Cela peut paraître simpliste, mais la paix reste un fruit de l’Esprit Saint ! » Parmi les jeunes catéchumènes de sa paroisse, Christelle témoigne volontiers de cette paix. À 31 ans, cette jeune femme issue d’une famille bouddhiste qui sera baptisée à Pâques 2026, raconte comment elle est un jour entrée dans une église à côté de son travail, lors de sa pause-déjeuner. « Une fois à l’intérieur, j’ai ressenti quelque chose d’unique, se souvient-elle. Il y avait une puissance que je n’expliquais pas, comme si un voile que je ne voulais pas ouvrir jusqu’à présent s’était soudainement ouvert. » Elle s’y rendra quotidiennement, avant de demander le baptême.

Retour du religieux

La hausse du nombre de baptêmes pourrait également être la conséquence d’un contexte plus général de retour du religieux. « L’affirmation de plus en plus ouverte de l’islam pousse un nombre croissant de jeunes à se demander : à quelle tradition est-ce que j’appartiens ? », avance ainsi l’abbé Thierry Laurent, curé de la paroisse parisienne de Saint-Roch, qui baptisera cette année 47 adultes. Reste l’épineuse question du faible nombre d’anciens musulmans dans les nouveaux baptisés : ils n’étaient que 350 en 2024.

Sans doute l’une des raisons pourrait être l’ampleur du changement de vie qui leur est demandé, le statut d’apostat rimant, le plus souvent, avec exclusion de la communauté. « Je sais que ce baptême implique que je finisse renié », explique posément Badre. Le jeune homme de 31 ans, qui sera baptisé à Garges-lès-Gonesse cette année, a fait part de sa volonté d’être baptisé à ses amis – pour la plupart musulmans. Mais il ne l’a tout simplement pas encore annoncé à sa famille, souhaitant y aller « progressivement ». « Cela s’apparente à un suicide social. Mais je suis prêt à le supporter, car j’aurai montré à ma famille qu’il existe une autre voie possible. Eux sont assoiffés tandis qu’avec Jésus, j’ai à boire. Comment pourrais-je leur cacher que je connais une source d’eau qui ne se tarit pas ? »

Différents profils se dessinent. Non pas un schéma type, mais une aspiration profonde et un besoin de formation, qui se retrouvent dans la fréquentation d’influenceurs catholiques sur les réseaux sociaux, avant ou après la décision de demander le baptême. « Le rôle des réseaux sociaux est énorme, confirme l’abbé Damien Verley. Mais il faut garder en tête qu’ils ne sont qu’un élément parmi d’autres, comme les amis ou encore les grands-parents. »

Dans tout ce foisonnement, les différents prêtres interrogés s’accordent pour rappeler que le baptême n’est qu’un début. « La vie chrétienne n’est pas d’abord dans les chiffres, mais dans les actes : parmi nos catéchumènes, combien vont persévérer ? » s’interroge Don Grégoire-Marie, qui revendique « être prudent » sur la hausse du nombre de baptêmes. Le baptême ne serait-il qu’un effet de mode ? « Quand bien même ça le serait, ce n’est pas grave : si c’est le cas, nous devons répondre présent pour les enraciner dans la foi » estime le curé de Garges-lès-Gonesse.

Intégrer une communauté

À écouter les catéchumènes, la question de « l’après » est à intégrer dès le début de la formation, tant l’aspiration à intégrer une communauté est grande. « En tant que catéchumène, j’ai déjà l’impression d’appartenir à un groupe, explique ainsi Christelle. Alors une fois baptisée… »

Au-delà des réjouissances, la hausse du nombre de catéchumènes, si elle se confirme, est un défi pour l’Église : qui pour les accompagner, à l’heure de la raréfaction des prêtres et de la lourde responsabilité des laïcs qui les forment ? « Il faut se tenir prêt et se préparer à ce que le nombre de demandes de baptême grossisse tellement qu’il sera impossible de répondre à la demande comme aujourd’hui… » avertit l’abbé Thierry Laurent. La hausse du nombre de baptêmes paraît donc être un sujet brûlant dont l’Église doit se saisir pour ne laisser personne sur le parvis.

Une hausse spectaculaire

La Conférence des évêques de France a publié, jeudi 10 avril, les résultats de l’enquête sur les baptisés de Pâques de 2025. Avec 10 384 adultes baptisés cette année, la hausse par rapport à 2024 s’élève à 45 % et à plus de 166 % par rapport à 2015. 2025 marque également le rajeunissement des adultes baptisés : les 18-25 ans sont maintenant les plus représentés (42 %) devant les 26-40 ans (39 %). Une grande majorité de catéchumènes sont des femmes (63 %) et la plupart vivent en zone urbaine (74 %). Le rajeunissement des catéchumènes va de pair avec l’augmentation du nombre d’étudiants (27 %), même si la plus grosse part provient du milieu ouvrier, technicien et employé (36 %). Un catéchumène sur deux (52 %) a grandi dans une famille « de tradition chrétienne », 18 % dans une famille « sans religion » et 4 % dans une famille musulmane. 19 % des catéchumènes n’ont pas répondu. Enfin, il faut relever qu’aux 10 384 adultes s’ajoutent 7 404 adolescents, qui doivent eux aussi être baptisés à Pâques. Ces chiffres ne sauraient toutefois faire oublier la tendance générale à la baisse des baptêmes d’enfants entre 0 et 7 ans : de 380 093 en 2000, ils ont chuté à 170 290 en 2023.