« Le baptême est la porte du Salut » - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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« Le baptême est la porte du Salut »

Des milliers de baptêmes seront célébrés dans la nuit de Pâques. L’occasion pour les chrétiens de revenir aux sources du premier sacrement de la vie en Dieu. Entretien avec Mgr Guillaume Derville, de la prélature de l’Opus Dei, directeur du Centre sacerdotal Fontblin qui aide les prêtres diocésains à se sanctifier dans leur ministère pastoral.
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© Pascal Deloche / Godong

Quel est le lien entre Pâques et le baptême ?

Mgr Guillaume Derville : L’expression « mystère pascal » désigne la Passion, la mort, la Résurrection et l’Ascension du Seigneur. Dans le sacrement du baptême, l’eau, unie aux paroles du sacrement, nous libère du péché, en nous plongeant dans la mort et la Résurrection du Christ : nous mourons au vieil homme et ressuscitons avec le Christ. Cette vie nouvelle est préfigurée, dans l’Ancien Testament, par la traversée miraculeuse de la mer Rouge – symbole de mort – par les Hébreux fuyant l’esclavage des Égyptiens. Ce sacrement nous fait entrer dans l’Église et revivre spirituellement le mystère de Pâques, en passant
de la mort du péché à la vie de la grâce, par l’eau sanctifiée au baptême de Jésus.

Quand Jésus a-t-il institué le baptême ?

Il faut considérer trois moments. L’efficacité du baptême vient de la Passion du Christ, l’institution relève du baptême de Jésus au Jourdain et, après la Résurrection, de l’envoi des disciples en mission : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé » (Mt 28, 18-20). Il serait dommageable de retarder un si grand don sans nécessité : on ne peut pas « tout » savoir avant le baptême.

Le baptême est un appel à la sainteté et à l’apostolat. Le baptisé a le droit et, dans la mesure de ses forces, le devoir de témoigner de sa foi, son espérance, et son amour de Dieu et du prochain.

Le baptême est-il la porte du Salut ?

Oui, c’est pourquoi, si l’Eucharistie est le plus beau cadeau de Dieu à l’humanité, le baptême, qui nous y prépare, est un don merveilleux : il nous fait devenir fils et filles de Dieu, et donc héritiers de la gloire (cf. Rm 8, 17). L’Esprit Saint me fait appeler Dieu « Abba : Père ! » Ce sacrement nous fait entrer dans l’histoire du Salut, revivre mystérieusement toute la vie de Jésus : avec Lui, en Lui, comme Lui, nous vivons notre enfance, notre vie quotidienne, notre travail, notre montée à Jérusalem… Nous sommes Lazare, Marie-Madeleine… Dans l’Évangile, toute notre vie est écrite parce que, par le baptême, nous sommes devenus un autre Christ. Et Jésus est le modèle de notre vie.

Le baptême est-il le début de l’éternité ?

Absolument. Le Ciel, c’est Dieu, c’est aussi l’autre face du monde, transfiguré dans l’amour. Par le baptême, l’éternité commence donc déjà ici, en nous, en anticipation du Ciel. La vraie mort, c’est le péché. Grâce au baptême, nous pouvons répondre à l’invitation du Christ : « Vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 48). Dieu attend de chacun de nous un accomplissement : être et agir par Jésus, avec Lui et en Lui, pour sanctifier notre travail, notre vie familiale, la vie de tous les jours : laisser Dieu agir en nous, transformer le monde de l’intérieur, faire rayonner la joie des fils de Dieu.

Le baptême nous ramène-t-il à l’état de justice et d’innocence perdu par Adam ?

Pas du tout. Il efface en nous le péché originel mais ne nous ramène pas à l’état originel, dans lequel l’homme dialoguait avec Dieu au jardin d’éden. Avec le péché, l’homme perd les dons préternaturels [dons accordés par Dieu à l’homme en le créant, que nous avons perdus avec la Chute, NDLR], notamment l’immortalité. Mais l’Incarnation du Christ nous ouvre une possibilité nouvelle, inouïe : devenir comme des dieux ! Ce qu’Adam a voulu obtenir par une forme d’idolâtrie, qui consiste à décider du bien et du mal, en prenant la place de Dieu, nous l’obtenons au baptême par une identification au Christ : il s’est fait homme pour que nous devenions « participants de la nature divine » (2 P 1, 4). Par ailleurs, le paradis terrestre n’était pas le Ciel, ce n’était pas la plénitude de la vie divine. C’est le baptême qui nous ouvre les portes du Ciel.

De quelle manière le baptême nous fait-il entrer dans la vie de la grâce ?

La grâce est une participation à la vie de Jésus, dans laquelle le baptême nous fait entrer pour recevoir d’autres sacrements et ainsi vivre de sa vie dans tous les aspects de notre vie : l’Eucharistie nous emplit de l’amour de Dieu, le mariage nous donne la grâce de la charité conjugale, l’onction des malades nous fortifie dans la maladie… Comme les autres sacrements, le baptême est ordonné à l’Eucharistie, qui rend présent le sacrifice de la Croix et la Résurrection. En outre, le baptême nous permet de vivre le grand mystère de l’inhabitation : Dieu vient habiter en nous, par son Esprit Saint qui prend possession de notre être. Un bébé qui vient d’être baptisé est un tabernacle vivant !

Du mal de la chute, Dieu a tiré un plus grand bien finalement ?

En effet, on peut oser dire que la restauration apportée par le baptême est une nouvelle création, plus grande que la première ! Par ce sacrement, Jésus vit en nous : nous sommes divinisés et nous pouvons entrer dans l’océan d’amour du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Saint Thomas d’Aquin dit que nous devenons des « dieux par participation » ! Voilà pourquoi, dans la nuit de Pâques, nous chantons : « Bienheureuse faute qui nous valut un tel rédempteur » – « Felix culpa » – : c’est vertigineux ! Cela nous donne une dignité immense : « Chrétien, reconnais ta dignité et, participant désormais de la nature divine, refuse de retomber dans la condition méprisable de jadis par une conduite indigne », telle est l’exhortation de saint Léon le Grand.

Comment faut-il alors entretenir en nous ce nouvel état qu’offre le baptême ?

C’est la prière qui m’aide à tendre à une présence habituelle de Dieu. Porter une médaille, avoir un chapelet, mettre une représentation de la Vierge Marie dans sa chambre, poser un petit crucifix sur son bureau ou l’avoir toujours avec soi, autant de petites choses apparemment insignifiantes, mais qui sont liées au fait que je suis corps et âme, et qui me rappellent l’amour de Dieu, auquel je réponds en aimant mon prochain. J’ajouterais que tout catholique qui a fait des études supérieures devrait au moins lire ou avoir lu intégralement la Bible et le Catéchisme de l’Église catholique : la foi est un chemin de vie, mais elle a aussi un contenu, parfaitement cohérent qu’il faut comprendre avec l’intelligence. Tous les fidèles offrent leur existence entière dans le Christ et, par le Christ, ils exercent ainsi leur sacerdoce commun, reçu au baptême, et qui est distinct du sacerdoce ministériel.

Pour ne citer que trois autres sacrements, j’ajouterais d’abord que le baptême est complété par la confirmation, qui imprime un caractère : par l’onction, le baptisé reçoit le « sceau de l’Esprit Saint ». Le chrétien parvient à « la stature du Christ dans sa plénitude » (Ép 4,13), il peut affronter publiquement les puissances du mal. La confirmation donne une ouverture permanente et structurelle aux dons de l’Esprit Saint. L’Eucharistie, sommet de tous les sacrements, est une fin en soi : la glorification de Dieu ; et aussi le moyen le plus élevé de sanctification. Elle est centre et racine de la vie chrétienne. Enfin, le sacrement de pénitence redonne la paix et la joie, car il nous lave de nos péchés.

Le baptême suffit-il pour être sauvé ?

Il ne suffit pas d’être baptisé pour être sauvé ; encore faut-il vivre en cohérence avec sa foi. Le baptême est un don gratuit, mais nous devons choisir Dieu, en suivant la voie de notre conscience – donc en prenant les moyens de la former –, et saisir la main qu’Il nous tend, sans quoi sa grâce ne peut rien. Mais, même si nous commettons des péchés graves, nous ne perdons jamais ce sceau du baptême qui nous marque et nous fait ressembler au Christ. Le caractère baptismal demeure quoi que je fasse. Mais je suis libre, je peux oublier ma condition de fils de Dieu, oublier que Dieu est mon Père… Certes, Jésus est mort pour tous les hommes, mais Dieu a pris le risque de notre liberté : encore faut-il accepter pleinement son offre de Salut.

Peut-on être sauvé sans le baptême ?

Comme le dit saint Thomas, toute personne est « ordonnée » au Christ, qu’elle le sache ou non. Si un non-baptisé cherche à former sa conscience et tâche de vivre en accord avec elle, il sera sauvé dans le Christ, même sans le savoir. « Hors de l’Église point de Salut », disent les Pères de l’Église. Le Catéchisme de l’Église catholique explique que « cette affirmation ne vise pas ceux qui, sans qu’il y aille de leur faute, ignorent le Christ et son Église » (n. 847). Ainsi, même ces non-baptisés sont sauvés dans la mort et la Résurrection du Christ, qui seul sauve. Saint Pierre l’a dit aux chefs du peuple et aux anciens : « Il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés » (Ac 4, 12) que celui de Jésus.

S’il est possible d’être sauvé sans être baptisé, pourquoi la mission ?

Sans le baptême, la vertu est difficile car ce sacrement nous emplit de l’Esprit Saint. Nous aimons les gens en Dieu, donc nous les aimons mieux. Par ailleurs, la Bonne Nouvelle du Christ donne un sens à la vie : l’Évangile emplit le cœur de paix, de joie, de consolation. Sans oublier que rien n’est aussi fascinant que le fait historique du Christ : aucun enseignement n’est aussi élevé, comme celui d’aimer ses ennemis, par exemple ! Si vous me permettez une référence personnelle, une Égyptienne, musulmane, a reçu le baptême à l’âge de 18 ans, alors qu’elle était étudiante avec ma mère à la Sorbonne. Elle est devenue peu après ma marraine de baptême et m’a, plus tard, raconté son émerveillement d’avoir Dieu comme un vrai Père, l’immense désir qui l’habitait de recevoir Jésus dans l’Eucharistie, et sa joie de la prière chrétienne en famille.

Que dire aux baptisés qui n’ont plus la foi ?

Il y a des personnes qui disent avoir perdu la foi alors qu’en réalité, ce n’est pas le cas. Nous avons besoin de revenir à la maison du Père, comme l’enfant prodigue, par la contrition, la douleur d’amour, la confession. La douceur de la Vierge Marie nous ramène à Jésus. Quand la foi paraît éteinte, elle est comme la braise qui couve sous la cendre. Dieu respecte notre liberté, il dépend de nous que, par son amour, soit restaurée l’image de Dieu en nous. 

Histoire, mystère, sacrements. L’initiation chrétienne dans l’œuvre de Jean Daniélou, Mgr Guillaume Derville, éd. DDB, 2014, 830 pages, 34 €.