Faut-il être parfait pour être saint ? - France Catholique
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Le Christ-Roi : Que son règne vienne !
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Faut-il être parfait pour être saint ?

L’éclairage de Mgr Guillaume Derville, de la prélature de l’Opus Dei, directeur du centre sacerdotal Fontblin (Paris).
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La Création d’Adam (détail), 1508-1512, Michel-Ange, chapelle Sixtine, Vatican.

La Création d’Adam (détail), 1508-1512, Michel-Ange, chapelle Sixtine, Vatican.

« Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait », dit le Christ dans l’Évangile selon saint Matthieu (Mt 5, 48). Cette invitation est enchâssée dans un discours d’une rare beauté, qui proclame les béatitudes et exhorte à l’amour des ennemis. La vraie perfection est la perfection de la charité. Quoi qu’on fasse, rien ne sera jamais parfait ; il convient d’ailleurs de fuir le perfectionnisme, et laisser que d’autres puissent améliorer ce que nous avons fait. Seule l’humanité du Christ est parfaite, seules ses actions le sont vraiment : ce sont les œuvres de Dieu. Quant à nous, nous sommes toujours ouverts à une croissance, surtout en charité, qui va de pair avec notre union à Jésus et une imitation de sa vie. C’est ainsi que nous pouvons réellement devenir toujours plus des fils et filles de Dieu dans le Fils éternel. La sainteté est cette plénitude de filiation, et donc de fraternité humaine : « Celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas » (1 Jn 4, 20). L’amour de Dieu et du prochain conduit au témoignage de la foi : sainteté et apostolat vont de pair.

C’est au fil du temps que Dieu nous rend saints. À nous de bien exercer notre liberté, ce grand don du Créateur qui nous appelle à la seule vraie liberté, la liberté de l’amour. Cela passe par un chemin de perfection, qui est un combat spirituel où la Croix, la paix et la joie s’entremêlent. Une ancienne et toujours actuelle prière liturgique évoque ce jeu de la grâce et de la liberté : « Que ta grâce inspire et précède notre action […], qu’elle la soutienne et l’accompagne, pour que toutes nos activités prennent leur source en toi et reçoivent de toi leur achèvement » (Missel romain, collecte du jeudi après les Cendres).

La sainteté dans l’ordinaire

La sainteté se déploie dans les vertus que l’on exerce dans la vie quotidienne. Un procès de canonisation comporte l’examen des vertus, qui doivent être reconnues comme héroïques. Ce ne sont pas des exploits qu’il faut accomplir, mais plutôt accepter de laisser Dieu agir en nous, en famille, dans la profession, en société. Pour l’immense majorité des chrétiens, la vie ordinaire est leur chemin de sainteté. Lorsqu’il était évêque au Pérou, le futur pape Léon XIV enseignait que « le travail ordinaire est un lieu de rencontre avec Dieu, un lieu de sanctification pour soi-même et pour les autres. Trouver Dieu dans nos tâches professionnelles quotidiennes exige donc d’accomplir notre travail avec la plus grande exigence et perfection, pour l’offrir au Seigneur comme une offrande agréable. De cette manière, les acteurs et les bénéficiaires d’un travail sanctifié favorisent leur développement humain et surnaturel. Cela accomplit ce que rappelait saint Josémaria : sanctifier le travail, se sanctifier dans le travail, sanctifier les autres par le travail » (Homélie, Chiclayo, 26 juin 2022).

Cette sanctification, « rendre saint » quelque chose, signifie tout faire par amour. Saint Paul appelle la charité « plénitude de la Loi » (Rm 13, 10) et « lien de la perfection » (Col 3, 14). L’amour est le lien qui unit les croyants entre eux et unifie la vie de chacun comme un fil assemble les perles d’un collier. Ce triomphe de l’amour innerve tout le message chrétien. « Tout acte de vertu parfaitement chrétien n’a pas d’autre origine que l’Amour et pas d’autre terme que l’Amour » (CEC, n. 25 ; Catech. R. préface 10).

La sainteté devient réalité comme perfection de la charité : la vie de l’Esprit Saint en nous, la plénitude de la filiation divine dans le Christ. La sainteté est en nous le règne de l’amour de Dieu, amour qui habite et purifie toute pensée et toute action. Toute grâce nous vient par la médiation de la Vierge Marie, qui accepta amoureusement au pied de la Croix que Jésus nous aime « jusqu’au bout » (Jn 13, 1). 

À LIRE

Devenir fils de Dieu. Introduction à l’anthropologie théologique, Guillaume Derville, Éd. Le Laurier, 2020, 374 pages, 20 €.

Un seul cœur pour aimer, Guillaume Derville, Éd. Le Laurier, 2021, 382 pages, 20 €.