La patronne des missionnaires - France Catholique
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Le journal de la semaine

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La patronne des missionnaires

Le cloître n’a pas empêché sainte Thérèse de rayonner jusque dans les missions d’Extrême-Orient, dès le début du XXe siècle. Des missionnaires français témoignent du rôle qu’elle joue toujours dans leur foi et leur ministère.
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L’église de la paroisse Sainte-Thérèse-de-Lisieux de Chomnaom, au nord-ouest du Cambodge.

L’église de la paroisse Sainte-Thérèse-de-Lisieux de Chomnaom, au nord-ouest du Cambodge.

© P. Vincent Chrétienne

Lorsque Pie XI déclare en 1927 que sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus rejoint saint François-Xavier comme patronne des missions, il exprime sa profonde dévotion pour la jeune carmélite, dont la béatification puis la canonisation auront été les premières de son pontificat. Mais, au-delà de son affection pour sainte Thérèse, le pape consacre ainsi un mouvement plus profond qui voyait, depuis une quinzaine d’années, la dévotion à la religieuse se répandre dans les missions catholiques du monde entier. Elle explose littéralement à partir de la décision pontificale, suscitant des vocations et portée par sa réputation de sainte faiseuse de miracles.

À l’origine de nombreuses vocations

Un siècle plus tard, l’engouement spirituel que suscite la carmélite de Lisieux chez les missionnaires n’a pas cessé. Beaucoup doivent leur vocation à sainte Thérèse, comme le Père Damien Fahrner, missionnaire des Missions étrangères de Paris (MEP) envoyé au Cambodge en 2011. Alors séminariste du diocèse de Strasbourg, il lit quelques mois avant son ordination diaconale la correspondance de Thérèse avec des prêtres, parmi lesquels figure le Père Adolphe Roulland, des MEP (lire encadré). « En la lisant, mon cœur a fondu et j’ai compris que Thérèse me poussait vers les MEP, se remémore le missionnaire. La simplicité avec laquelle elle parlait d’être missionnaire et d’annoncer le Christ par toute la terre m’a retourné, au point que je me suis dit : “Voilà ma vocation”. »

Il reste un apparent mystère : comment une jeune religieuse, cloîtrée derrière les grilles d’un carmel normand, peut-elle être la patronne de missions à l’autre bout du monde ? « Sainte Thérèse voulait être envoyée au carmel de Saïgon, mais sa santé l’en a empêchée et l’a contrainte à rester à Lisieux. Ainsi, elle reflète les deux extrémités de la mission, relève le Père Fahrner. D’abord, la mission intérieure, qui consiste à évangéliser autour de soi. Ensuite, l’extérieure, qui consiste à quitter son pays. Elle incarne ainsi cette contradiction toute chrétienne : le catholique conjugue le local et l’universel. »

Le Père Vincent Chrétienne, curé de la paroisse Sainte-Thérèse-de-Lisieux de Chomnaom, au nord-ouest du Cambodge, n’hésite pas non plus à témoigner de sa dévotion pour sainte Thérèse. Là-bas, l’église, ornée d’un grand portrait de la carmélite, est l’une des plus anciennes du Cambodge : elle a été érigée il y a plus de quatre-vingt-dix ans. Signe du dynamisme de la dévotion thérésienne, la moitié des filles baptisées sur place se prénomment Thérèse !

« Quand j’ai été nommé dans ma paroisse, j’ai immédiatement cherché des reliques de sainte Thérèse pour faire élever un autel. Lors de mon premier séjour en France, le carmel de Bordeaux, que je connais bien mais à qui je n’avais jamais mentionné ce désir, m’a offert… des reliques de sainte Thérèse », s’amuse le Père Chrétienne. Depuis l’autel est élevé. « J’en témoigne : c’est sainte Thérèse qui est venue vers moi » affirme-t-il.

Au-delà de son caractère providentiel, cette anecdote souligne pour le Père Chrétienne la complémentarité essentielle entre action et oraison, entre mission et prière de consacrées : « Quand on est missionnaire dans un village très isolé, sans abbaye, sans beaucoup de prêtres, nous avons besoin de la prière des religieuses pour avancer, reconnaît-il. Sainte Thérèse représente la prière, c’est-à-dire le poumon qui permet au missionnaire d’effectuer son travail. »

Soutien des missionnaires d’hier et d’aujourd’hui, sainte Thérèse sera-t-elle aussi à l’origine des vocations de demain ? Le 2 mai, les reliques de la jeune carmélite arriveront aux Missions étrangères de Paris pour 24 heures. Une messe, une veillée de prière, puis une nuit d’adoration se tiendront, afin de susciter des vocations, notamment de missionnaires. La venue des reliques, qui constitue toujours un événement, se double cette fois-ci d’un caractère particulièrement émouvant. Dans la grande chapelle des MEP, les reliques de sainte Thérèse seront proposées à la vénération des fidèles à quelques mètres de celles d’un missionnaire mort en martyr, saint Théophane Vénard, dont sainte Thérèse disait : « Mon âme ressemble à la sienne. »

CORRESPONDANCE
« MISSIONNAIRE PAR L’AMOUR »

« Je me sens bien indigne d’être associée spécialement à l’un des Missionnaires de notre Adorable Jésus, mais puisque l’obéissance me confie cette douce tâche, je suis assurée que mon Céleste Époux suppléera à mes faibles mérites – sur lesquels je ne m’appuie aucunement – et qu’il exaucera les désirs de mon âme en fécondant votre apostolat. Je serai vraiment heureuse de travailler avec vous au salut des âmes ; c’est dans ce but que je me suis faite carmélite ; ne pouvant être missionnaire d’action, j’ai voulu l’être par l’amour et la pénitence comme sainte Thérèse ma séraphique Mère… Je vous en supplie, mon Révérend Père, demandez pour moi à Jésus, le jour qu’il daignera pour la première fois descendre du Ciel à votre voix, demandez-lui de m’embraser du feu de son Amour afin que je puisse ensuite vous aider à l’allumer dans les cœurs. […] Si je ne craignais d’être indiscrète, je vous demanderais encore, mon Révérend Père, d’avoir chaque jour au Saint-Autel, un souvenir pour moi… Lorsque l’océan vous séparera de la France, vous vous rappellerez en regardant la pale que j’ai peinte avec tant de bonheur, que sur la montagne du Carmel une âme prie sans cesse le Divin Prisonnier d’Amour, pour le succès de votre glorieuse conquête. »
Lettre de sainte Thérèse de Lisieux au Père Roulland, 30 juillet 1896