Non aux sermons à l'eau de rose ! - France Catholique
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Chœurs d'enfants : Chanter c'est prier deux fois
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Non aux sermons à l’eau de rose !

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Un adolescent du nom d’Eutychus, assis sur le rebord de sa fenêtre au troisième étage, se laissa gagner par un profond sommeil pendant que saint Paul discourait toujours. Il tomba et mourut. Saint Paul le ressuscita. (Ac , 20:9).

Que des paroissiens puissent subir le sort d’ Eutychus, s’endorment et tombent de leur siège est d’évidence le poison distillé par de nombreux prédicateurs catholiques qui se lancent dans des sermons ou homélies interminables cherchant à distraire, régaler ou amuser.

Un jour, j’assistais à une messe où la première lecture (Jr, 20:9) citait « un feu dévorant enfermé dans mes os. » Le sermon qui suivait traitait du succès de la crème glacée dégustée lors d’une réunion paroissiale. Je glissai dans le creux de l’oreille de mon épouse : « Le feu de Jérémie vient d’être éteint avec de la crème glacée. »

J’ai bien peur que des anecdotes de même eau se multiplient. Un curé m’a dit, comme son diacre, s’assurer qu’après ses sermons, les paroissiens sortaient de l’église « tout joyeux ». Un autre trouvait dans le montant de la quête une relation avec la qualité du sermon, « avec la suggestion implicite que son rôle consistait à charmer assez l’auditoire pour récolter une bonne somme. »

Rien de cela ne correspond aux directives qu’on trouve dans le Sacrosanctum Concilium où il est précisé que le sermon doit « traiter à partir du texte sacré les mystères de la foi et les normes de la vie chrétienne » (§ 52).

Il semble qu’ Eutychus ne risquerait rien de nos jours : il n’aura peut-être pas le temps de somnoler, mais ne ratera pas grand’chose du sermon s’il s’endort.
Saint Paul demandait aux Romains, à nous aussi ; « Mais comment l’invoquer sans d’abord croire en Lui ? Et comment croire sans d’abord l’entendre ? Et comment entendre sans prédicateur ? » (Rm 10:14). Le message d’origine, cependant, devient de moins en moins populaire, il dégénère en un message contre-culturel, rabougri, insupportable.

Les rares fois où Eutychus entend un prêche authentique, il peut ne pas s’endormir ; mais il peut aussi ne pas apprécier le sermon qui l’appellera à se convertir, à centrer sa vie sur le Christ, et défier la culture en portant témoignage, du geste et de la parole, à la foi transmise par les Apôtres.

Les sermons sirupeux et pleins d’anecdotes sont inutiles car laissant de côté les crises spirituelles actuelles de nos existences. Le Livre des Lamentations dénonce de telles homélies insipides ; « Tes prophètes ont eu pour toi des visions d’illusion et de clinquant. Ils n’ont pas révélé ta faute pour changer ton sort. » (Lm, 2:14).

C.S. Lewis fait une remarque du même genre : « Si un homme cherche d’abord à deviner ce qu’attend l’auditoire, puis le prêche en tant qu’expression chrétienne parce que conforme à l’attente du public, il se comporte à la fois en insensé et en malhonnête. »

«Des millions de catholiques ne connaissent pas l’enseignement de leur Église… et ne savent pas pourquoi… l’Église enseigne.» déclare le Père Kenneth Baker, S.J. dans son ouvrage Doctrinal Sermons on the Catechism of the Catholic Church. [Sermons relatifs à la doctrine selon le Caréchisme de l’Église Catholique]. L’homélie n’est pas destinée à remplacer de vigoureux programmes orthodoxes de la paroisse pour l’enseignement des adultes, mais un soutien et un complément par une instruction plus ciblée.

Bien sûr, tous les curés ne sont pas Saint Jean Bouche d’Or ni serviteurs de Dieu comme l’Archevêque Fulton J. Sheen. Pourtant, la première tâche du curé, après avoir célébré le Saint Sacrifice de la messe consiste à prêcher. Ce qui implique des heures de préparation.

Dans le roman de Brian J. Gail Fatherless [Sans Pères], le Père Sweeney, un brave curé, retient constamment ses coups dans ses — disons — distrayantes homélies jusqu’au moment où il prend conscience de sa responsabilité reposant sur des prêches durs à entendre, précisément sur des sujets qui nous mettent mal à l’aise. Après tout, les prophètes consolaient les affligés, et affligeaient les gens béats.

Le Père Sweeney se rend alors brusquement compte qu’il n’a pas prêché brutalement «car, dit-il, j’avais peur de monter mes paroissiens contre moi.» Mais il constate que s’il persistait à faire des sermons adoucis «Dieu le tiendrait pour responsable de leurs péchés… Il me demanderait des comptes chaque fois qu’un de mes paroissiens, après avoir commis un de ces graves péchés, consommerait indignement le Corps et le Sang, torturant à nouveau le Corps Sacré du Sauveur.»

Aucun prêtre ne devrait «aimer la gloire des hommes plus que la gloire de Dieu.» (Jn, 12:43). C’est exactement ce qui arrive, pourtant, avec les sermons à la saccharine bien distrayants mais vides de parrhésia (vérité toute crue du Nouveau Testament).

Nous vivons une époque de chaos moral. Nos pensées, nos paroles, nos actes, sont souvent influencés, si ce n’est guidés par la confusion. Nous glissons inconsciemment dans l’obscurité au lieu de jaillir dans la lumière.

Brian Gail insiste, nous avons tous besoin de pères, mais par « pères » il entend des prédicateurs qui prônent la vérité ; des prêtres — des pères — dont les sermons soient de vigoureux témoignages de la vérité chrétienne dans un monde qui rejette l’Évangile parce que nous devons nous conformer à l’enseignement de ce Saint Évangile. Pour lui, ce sont des pères qui, avec une patience paternelle vont «proclamer la parole, insister à temps et à contretemps, réfuter, menacer, exhorter.» (2Tm, 4:2).

S.S. Benoît XV, dans la brillante Encyclique de 1917 Humani Generis Redemptionem écrivait : « Il apparaît donc qu’on ne doit pas approuver ces prédicateurs qui, de crainte d’ennuyer leurs auditeurs, n’osent traiter certains points de la doctrine chrétienne. »

En pleine guerre mondiale il accusait les sermons médiocres du déclin de la morale et du glissement de la civilisation vers le paganisme. S.S. Benoît XV est décédé en 1922. Que dirait-il du paganisme actuel et des sermons qui devraient combattre le paganisme au lieu de se laisser si souvent infecter ?

23 octobre 2016.

Illustration : Saint Paul ramène Eutychus à la vie. Taddeo Zuccaro, vers 1550. Metropolitan Museum of Art à New York

https://www.thecatholicthing.org/2016/10/23/against-syrupy-sermons/