De nouvelles études sont publiées régulièrement ces jours derniers, qui contredisent ce qui était largement – et jusque tout récemment – considéré comme bénéfique pour la santé. Qui peut encore savoir quelle quantité de café, de cholestérol et d’exercice physique est idéale ? Cette situation pourrait conduire à la sainte indifférence que Saint Ignace de Loyola conseillait envers les biens de ce monde, santé comme richesse. Mais l’indifférence à l’égard des autorités de santé publique manque généralement de ce sublime.
Une récente édition du New England Journal of Medicine (NDT : revue médicale) incluait un article pouvant être classifié comme la dernière salve dans les « guerres de la mammographie ». Il concluait essentiellement que la suppression du programme de mammographies de dépistage serait préférable au status quo parce qu’elles font actuellement plus de mal que de bien. Une commission médicale indépendante suisse est arrivé à cette préconisation après un examen approfondi des preuves.
La première chose qu’ils ont noté, c’est que les débats actuels gravitent autour de soucis dépassés. Les traitements se sont considérablement améliorés durant les dernières décennies, balayant les modestes gains attribués à la mammographie.
Deuxièmement, il y a les méfaits involontaires de la procédure, surtout ceux découlant du surdiagnostic. Ce terme médical fait référence à un cancer dormant, ou à un état pré-cancéreux, détectés par la mammographie mais ne présentant pour le moment aucune menace.
Une autre enquête récemment parue, canadienne, englobant 32 ans de suivi, a découvert que près de 22 pour cent des cancers détectés par mammographie étaient des surdiagnostics qui ont débouché sur des traitements inutiles, incluant de la chirurgie, de la radiothérapie, de la chimiothérapie ou une combinaison d’entre elles. Les chercheurs canadiens ont également conclu que les mammographies annuelles ne contribuaient pas à réduire la mortalité.
Ces conclusions vont probablement en suffoquer certains, surtout depuis que les femmes, en général, tendent à surestimer le bénéfice protecteur d’un dépistage mammographique. Une vaste étude a découvert que les femmes surestiment – de 80% ! – les bénéfices de l’examen ; elles pensent également que le taux de décès par cancer du sein chez celles qui ne se font pas dépister est 32 fois plus élevé qu’il ne l’est en réalité.
L’équipe suisse a noté que les résultats de ses recherches ont été accueillis avec une certaine hostilité, à laquelle ils ont répondu que, oui, « un des arguments était que le rapport troublait les femmes, mais comment pouvions-nous éviter de troubler les femmes face à l’évidence des preuves ».
Tout le monde n’est pas d’accord. Le débat fait rage. Il semble juste de dire que si un certain bénéfice a pu être imputé à la mammographie, il apparaît maintenant comme au mieux marginal. Pour les femmes des tranches d’âge concernées et leurs médecins, le dilemme est là. Des compromis doivent se faire, en considérant le bénéfice possible face aux dommages possibles, tout le monde ne fera pas les mêmes choix.
Selon l’affiche publicitaire de Malboro : « Avant de me réprimander maman, tu devrais plutôt allumer une Malboro ». Et d’insister : « Oui, vous ne vous sentirez jamais enfumée, c’est le miracle Malboro. »
Il y a une chose sur laquelle les différents camps s’accordent, car chacun formule explicitement ses arguments de la façon suivante : les femmes méritent l’information la plus fiable. Une exception à ce principe est quand même accordée, quand il est question d’un facteur qui, contrairement à la mammographie, a le pouvoir d’infléchir notablement la courbe de fréquence : la relation entre les avortements provoqués et un cancer du sein ultérieur.
Quelle base pour cette affirmation ? La plus grande majorité des études, certaines remontant à 1957, ont montré une corrélation. Chacun des résultats statistiquement significatifs indique une corrélation, alors que ceux niant cette corrélation ne sont pas statistiquement significatifs.
Une méta-analyse très importante, compilations de trente-six études réalisées dans quatorze provinces de Chine jusque 2012, a récemment livré des résultats de grande portée. Les femmes ayant un antécédent d’avortement ont un risque 44% plus élevé de développer un cancer du sein que celles n’ayant pas eu d’avortement. Voilà ce que cela signifie : supposons que le risque de développer un cancer du sein soit de 10%, provoquer un avortement ferait monter ce risque à 14,4%.
Cette étude chinois corrobore une méta-analyse similaire effectuée en 1996 qui avait trouvé une augmentation du risque de plus de 30%. C’est même plus clair encore : non seulement le risque augmente sensiblement, mais un « effet de dose » émerge. Cela signifie que le risque augmente en même temps que l’exposition au facteur de risque. L’existence d’un effet de dose est regardée comme accréditant une théorie plausible. Les études ont montré que le risque augmente jusque 76% pour les femmes ayant subi deux avortements et jusque 89% pour les femmes ayant subi trois avortements.
Aussi solides que soient ces résultats, ils ne peuvent à eux seuls constituer une preuve. Il faut aussi un mécanisme physiologique. Mais nous le connaissons aussi. Il est essentiellement dû à l’exposition aux oestrogènes : plus elle est grande, plus le risque augmente. Au premiers stades de la grossesse, une femme est exposée à des quantités massives d’oestrogènes, ce qui déclenche une prolifération de lobules mammaires sensibles au cancer. C’est pourquoi une femme accouchant prématurément (c’est à dire avant 32 semaines) fait face à deux fois plus de risques de cancer du sein. Ce n’est que dans les dernières semaines d’une grossesse normale que d’autres hormones agissent pour transformer les lobules vulnérables en lobules résistant au cancer. Mettre un enfant au monde, cela personne ne le conteste, a un effet protecteur.
Tout épidémiologiste digne de ce nom verrait que cette association de facteurs mériterait d’être prise au sérieux. Faisant fi de toute honnêteté intellectuelle, les autorités ont oeuvré sans relâche pour dissimuler cette relation. Un des moyens employés a été de confondre les avortements provoqués avec les fausses couches spontanées, qui ne présentent pas de facteur de risque.
Pour que les femmes ne soient pas perturbées, plutôt que déguiser la vérité, il serait préférable de rémédier à cette parodie en cours. L’institut national du cancer trompe les femmes quand il déclare que l’avortement, c’est comme le fumeur de Malboro « qui ne risque pas plus le cancer du poumon que le non-fumeur ».
Y a-t-il un doute sur qui a le plus d’influence : le Grand Tabac ou le Grand Avortement ? Les autorités de santé ont osé s’opposer à une seule de ces deux industries, totalement indifférentes aux dommages que l’autre cause à la vie et à la santé.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/mammograms-induced-abortion-and-the-marlboro-man.html
Matthew Hanley est un membre important du centre catholique national de bioéthique. Avec Jokin de Irala, il est l’auteur de Affirmer l’Amour, éviter le sida : ce que l’Afrique peut enseigner à l’Occident, qui a remporté le prix du meilleur livre décerné par l’association de presse catholique. Les opinions exprimées ici sont celle de M. Hanley et non celles du centre catholique national de bioéthique.