Quand avez-vous, pour la dernière fois, fait attention à la luminosité qui vous entoure ?
Peut-être était-ce lors d’un coup d’œil lancé par la fenêtre, ou simplement en remarquant la lumière inondant une pièce. Pour la plupart d’entre nous, j’imagine, cette luminosité parait juste se confondre avec tout le reste. Parfois, cependant, même si nous laissons errer notre regard, nous ne pouvons pas la manquer.
Une expérience récente : j’étais seul et faisais un tour dans les collines côtières du nord de la Californie. C’était l’hiver, aussi le soleil était-il bas. La pluie venait de cesser et les rayons de soleil ont alors commencé à illuminer tout le paysage, à tel point que chaque brin d’herbe folle et chaque feuille (toutes si harmonieuses) des arbres qui couvraient la pente, se sont mis à briller comme s’ils étaient parés de joyaux. Ce qui m’a fait encore mieux apprécier ce spectacle, c’est que je venais de lire quelques lettres de Sainte Hildegarde de Bingen. Là, cette mystique du XIIe siècle – proclamée dernièrement Docteur de l’Eglise – m’a fourni l’interprétation de ce que je regardais : Dieu le Père est lumière et cette lumière brille au-delà de toute imagination. Beaucoup de personnes essayent de séparer Dieu de sa lumière. Ils voient sa lumière tout autour d’elles dans la beauté de sa création, mais elles ne lui attribuent pas cette beauté. Cette lumière est l’amour du Père. Tout, dans nos existences, est donné par son amour et nous sommes embrassés par son amour. Cela ajoute de la valeur à notre environnement – et de quoi réfléchir, la prochaine fois qu’une telle luminosité vous frappera.
Une des grandes joies de la lecture se trouve dans la rencontre d’une pensée comme celle-ci, quelque chose qui sonne juste – qui se détache par sa luminosité, si on peut le dire ainsi. En voici une autre sur laquelle je suis tombé récemment, dans La Paix de l’Âme de Fulton Sheen : « Les plaisirs de la chair sont toujours plus grands dans l’attente que dans la réalisation, mais les joies de l’esprit sont toujours plus grandes dans la réalisation que dans l’attente. » Il est dommage que cette sorte de livre — qui traite de psychologie et, de façon beaucoup plus cruciale, du bonheur humain — ne soit pas consultée par l’énorme appareil de psychologues auxquels nous confions désormais, comme leur nom l’implique, le soin de l’âme humaine. Il y a une foule de passages, comme celui ci-dessus, qui valent la peine qu’on s’y arrête du fait de la justesse de l’anthropologie de Sheen — sa compréhension est théologiquement informée de sorte qu’elle illumine profondément ce qui caractérise l’homme.
Je suppose que l’on considère les ouvrages comme le sien comme des œuvres religieuses plutôt que comme des travaux de psychologie « scientifique ». Mais cela ne signifie pas que les psychologues n’ont pas leur propre anthropologie. La question la plus fondamentale et la plus urgente est la suivante : qui a une vision de l’homme correcte, plus nourrissante, plus libérante ? Et que recherchent profondément les gens en si grand nombre : quelqu’un à qui parler, ou la guérison de leurs âmes ? Ou alors, à notre époque, la réponse est « les deux », dans bien des cas.
Prenez « Parents à louer », une autre expression éclairante que j’ai rencontrée récemment. Cela doit être un des sous-produits les plus tristes de l’effondrement démographique qui concerne maintenant une si grande partie du globe. Il y a partout des statistiques qui donnent à réfléchir au sujet de cet effondrement et elles sont bien tristes aussi… Mais au Japon, actuellement, on recourt maintenant à « des parents à louer » — pour les mariages ou d’autres événements particuliers à l’occasion desquels des membres de la famille proche ou éloignée jouaient toujours un rôle important. C’était leur présence, autant que l’événement lui-même, qui marquait une fête. Seulement actuellement il n’y a plus assez de frères, de cousins, de tantes ou d’oncles pour organiser une fête convenable. Donc vous louez quelques parents pour remplir le vide. Parents à louer : une idée qui jette la lumière sur ce mal qui a atteint l’Amérique aussi.
J’ai fait un tour en voiture pour voir quelques Églises catholiques dans les environs de la ville où je vis en Californie. Et j’ai été frappé par une banderole noire bien visible qui en barrait les murs. En l’occurrence, le déploiement de cette banderole fait partie d’une initiative œcuménique. On y lit : « La torture est mauvaise. » La structure grammaticale de la banderole est extraordinaire de simplicité : X = mal. C’est tout. Aucune réticence à moraliser, ce qui, généralement, est mal vu. Pouvez-vous imaginer le « mot M » – mauvais – ouvertement appliqué à tout ce qui touche la vie quotidienne ? Mon propos n’est pas ici de dire que la torture est juste, ni même à présent de discuter en profondeur sur l’interrogatoire de terroristes déterminés dans leur barbarie sans limites exercée sur des gens vulnérables. Mais je dois ici dire que la banderole, quoiqu’elle soit éthiquement idéale, me frappe surtout comme une déclaration politisée.
A-t-elle été conçue pour persuader, pour inspirer ? Pour témoigner de vérités dont la population des environs ne serait pas déjà convaincue ? Peut-être. A moi cela semble être assez peu la proclamation d’une vérité éblouissante et s’apparenter davantage à un exercice d’autosatisfaction.
Si nous sommes vraiment concernés par la condamnation de comportements inhumains – et par le fait de retrouver le goût du respect de la loi – d’une façon « œcuménique », il serait beaucoup plus stimulant, je pense, de reprendre le constat lumineux d’Aristote : « L’homme sans loi est inférieur aux bêtes. »
Le passage entier de sa Politique (Livre I, 1253. a31), ne pourrait pas aisément être reporté sur une banderole : « L’homme, quand il est affiné par la loi et la justice, est meilleur que les animaux, mais quand il en est séparé, il est le pire de tous ». Alors, voilà qui éclaire vraiment, cela fait appel à une pensée et un jugement réels.
Et si nous sommes devant un débat, comme celui d’Alasdair MacIntyre dans son oeuvre de 1981, Après la Vertu, entre Aristote ou Nietzsche – à savoir entre le respect de la loi naturelle et la morale objective d’une part, et la volonté de puissance nihiliste de l’autre, je pense que quelque chose comme cela éclairerait bien davantage n’importe quel passant. « Dieu le Père est lumière ». Et cette lumière est tout autour de nous, si nous avons des yeux pour voir.
Matthew Hanley est, avec Jokin d’Irala, M.D., auteur de l’Amour face au SIDA: Ce que l’Afrique Peut Enseigner à l’Ouest, paru en français aux éditions de l’Œuvre, qui a récemment reçu le prix du meilleur livre de l’Association de la Presse Catholique.
Son dernier ouvrage : HYPERLINK « http://www.cts-online.org.uk/acatalog/info_EX38.html » The Catholic Church & The Global AIDS Crisis ( l’Église catholique et la Crise mondiale du SIDA) est maintenant disponible à la Catholic Truth Society, éditrice du Saint-Siège au Royaume -Uni
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/god-the-father-is-brightness.html
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Photo : Statue de sainte Hildegarde de Bingen (retable de la chapelle St-Roch à Bingen am Rhein en Rhénanie-Palatinat, Allemagne).