Vu depuis Rome - France Catholique
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Le journal de la semaine

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Vu depuis Rome

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Permettez-moi de vous soumettre une observation incongrue :


« Par rapport à nos démocraties infaillibles, nos infaillibles académies de médecine, nos astronomes infaillibles, nos juges infaillibles, nos parlements infaillibles, le Pape est à genoux dans la poussière à confesser son ignorance devant le trône de Dieu -, demandant seulement que sur certaines questions historiques pour lesquelles il dispose visiblement de plus de sources d’information que qui que ce soit, ses affirmations soient considérées comme la référence ultime. »

Savez-vous qui a écrit cela ? Non pas Newman, ou Chesterton, ou tout du grand apologiste anglais moderne. C’est George Bernard Shaw — un incroyant, un nietzschéen, et un observateur attentif. Shaw, à tort, a forcé le trait du clergé célibataire conseillant les gens sur les questions sexuelles, mais il savait qu’il y avait des raisons, de bonnes raisons, pour lesquelles un croyant voudrait accorder une attention particulière au Vicaire du Christ.

Il diffère en cela, bien sûr, de nombreux catholiques américains modernes. Ce n’est pas vraiment nouveau, mais il est bon de se le rappeler lors d’un conclave papal. Ce que les gens pensent de ce qui se passe à Rome a été bien couvert par la presse. Il y a aussi un point de vue intéressant à partir de Rome.

Par exemple, je viens de lire récent article de Stephen Prothero à CNN décrivant comment une de ses étudiantes catholiques à l’Université de Boston est venu le voir et lui a dit qu’elle ne se soucie pas savoir qui sera le nouveau pape. Car cela ne changera rien dans sa vie.

Il n’est pas surprenant qu’une étudiante américaine immature dise une telle chose. Ce qui aurait été surprenant c’est qu’elle ne le fasse pas. Ce qui est plus surprenant c’est la réaction de Prothero : il lui a dit que le Pape ne devrait de toute façon rien changer à sa vie

Prothero est un éminent professeur de religion en Amérique et admet qu’il est « religieusement confus » dans ses propres engagements de foi. Mais quel espèce de professeur est-il pour dire à une étudiante qu’elle n’a pas à se soucier de qui sera le prochain pape ? Ou, même, le prochain dalaï-lama, ou le successeur de Hugo Chavez… parce qu’ils n’ont pas d’importance dans sa vie ? Enseigner consiste-t-il à ouvrir les étudiants à de nouveaux horizons ou à les confirmer dans leurs préjugés de jeunes membres d’une société privilégiée ?

Je pose la question parce que c’est souvent ce que les professeurs américains nous disent qu’ils font. Le regretté Allan Bloom, auteur du livre bien connu sur « La clôture de l’esprit américain », a entendu une fois un collègue de l’Université de Chicago lui dire que leur tâche en tant que professeurs devraient être d’extirper les valeurs avec lesquelles les étudiants étaient venus sur le campus.

Bloom avait vivement répondu que s’ils ne faisaient que cela, ils n’auraient très vite plus rien à faire. Il y aurait plus de « préjugés » à déraciner. Alors, il prenait le chemin inverse, leur inculquer une meilleure compréhension de certaines des idées que leurs parents, les églises et les institutions voulaient qu’ils comprennent.

Stephen Prothero considérerait probablement l’internationalisme libéral ordinaire d’un organe mondial comme les Nations Unies comme digne d’attention — malgré sa grande irresponsabilité dès qu’il y a quelque chose de vraiment important à faire. En revanche, une institution beaucoup plus internationale qui, en outre, a survécu à la montée et la chute de civilisations entières — sans parler du péché et de la folie de ses propres dirigeants et sujets — semble aujourd’hui compter pour rien dans les institutions d’enseignement supérieur.

Il n’y a pas si longtemps que Lord Macaulay, un des plus grands historiens modernes de langue anglaise (et un non-catholique), a écrit dans un passage célèbre :

« Il n’y a pas et il n’y a jamais eu sur cette terre un travail d’homme politique qui mérite autant d’être examiné que celui de l’Église catholique romaine. L’histoire de cette Église réunit les deux grandes époques de la civilisation humaine. Aucune autre institution n’est encore debout qui transporte l’esprit à l’époque où la fumée du sacrifice sortait du Panthéon, et quand les girafes et les tigres étaient parqués dans l’amphithéâtre Flavien. Les plus grandes fiertés des maisons royales sont d’hier par rapport à la ligne des Souverains Pontifes. Nous remontons la ligne, dans une série ininterrompue, du pape qui a couronné Napoléon au XIXe siècle au pape qui a couronné Pépin au huitième siècle, et bien au-delà du moment où l’auguste dynastie de Pépin s’origine, jusqu’à se perdre dans le crépuscule de la fable. »

Macaulay a été clairement handicapé par le fait de ne pas avoir reçu une éducation universitaire américain, parce qu’il a continué à longueur de temps dans la même veine ignorante :

La papauté reste, non pas en décadence, non pas comme une simple antiquité, mais pleine de vie et de vigueur juvénile. Le nombre de ses enfants est plus grand que dans n’importe quel autre âge. Ses acquisitions dans le Nouveau Monde ont plus que compensé ce qu’elle a perdu dans l’Ancien. Son ascendant spirituel s’étend sur les vastes pays qui se situent entre les plaines du Missouri, et le Cap Horn, des pays dont il n’est pas improbable qu’ils contiendront d’ici un siècle une population aussi importante que celle qui habite maintenant en Europe. Nous ne voyons aucun signe qui indique que le terme de sa longue domination est proche. Elle a vu le commencement de tous les gouvernements et de tous les établissements ecclésiastiques qui existent aujourd’hui dans le monde, et nous nous sentons aucune assurance qu’elle n’est pas destiné à voir la fin de tous. Elle était grande et respectée avant que le Saxon ait mis le pied en Grande-Bretagne, avant que le Franc n’ait le Rhin, quand l’éloquence grecque fleurissait encore à Antioche, quand les idoles étaient toujours adorées dans le temple de la Mecque. Et elle pourrait bien exister encore avec une vigueur intacte le jour où un voyageur de Nouvelle-Zélande s’installera, au milieu d’une vaste solitude, sur un arc brisé du London Bridge pour dessiner les ruines de la cathédrale St Paul.

Des choses étranges se produisent dans l’histoire et il y a peu de garanties d’aucune sorte dans la vie. Mais même en laissant de côté les questions de la foi, pour le moment, si vous suivez le Conclave, où que vous vous trouviez, examinez qui de Macaulay ou d’un diplômé supérieur américain, est un meilleur guide en ce qui concerne la papauté.

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Robert Royal est rédacteur en chef de The Catholic Thing, et président de l’Institut Foi et Raison, à Washington, DC.

Photo : Thomas Babington Macualay

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/the-view-from-rome.html


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