Pourquoi un tel titre, The Catholic Thing [NDT: j’ose traduire par Objet: catholique] pour notre site web ? Je n’ai jamais demandé à son subtil Rédacteur en Chef Robert Royal. S’agit-il de l’intitulé d’un ancien document? Je pense bien que Royal expliquerait clairement les raisons de son choix, mais je préfère m’amuser à deviner, au risque de me tromper.
Une idée: « Objet de votre démarche ? » . Une telle question appelle une réponse précisant à quoi on s’intéresse; ce qu’on fait; pourquoi on le fait; que cherche-t-on à nous faire prendre ? Une telle lubie s’explique-t-elle ?
Certains n’aiment pas le catholicisme. Pour d’autres, il est stupide, ou curieux, ou bizarre. D’autres encore le trouvent vieux-jeu, pas à la page. Mais quand quelque chose semble étrange, ou difficile à saisir, les gens, pour la plupart, pensent qu’il y a une bonne raison, même s’ils ne la voient pas.
Bien sûr, l’Église ne cherche pas à camoufler son objet. Les fondements du catholicisme ont toujours été rendus publics, dès les débuts avec les Apôtres. Ces douze personnages ont reçu pour directive « d’aller enseigner les nations », ce qu’ils s’empressèrent de faire, puis, après eux, leurs successeurs, même si rien de leur C.V. n’indiquait une prédisposition pour cette mission.
En fait, l’Église est « toujours ancienne, toujours nouvelle », pour rappeler une expression de Saint Augustin. Si un seul individu peut prouver que l’Église n’enseigne pas actuellement ce qu’Elle a enseigné dès l’origine, alors, on n’a plus qu’à plier bagage et se retirer. L’histoire intellectuelle de l’Église se lit dans ses rapports avec les penseurs, les religions, les gouvernements qui ont tenté d’en faire un instrument qu’elle n’avait nulle vocation à être depuis sa fondation par le Christ.
Alors, de toujours, il était évident que tout le monde, ayant eu vent de l’enseignement de l’Église, n’avait pas envie d’en entendre davantage. Des mesures sévères furent souvent prises (et sont encore prises) pour empêcher les croyances des catholiques et leur publication, et leur pacifique mise en pratique. Curieux, non ? Certains, comme Paul de Tarse, se contentaient de se boucher les oreilles pour ne pas entendre le témoignage de Saint Étienne au sujet de Jésus.
Pourtant, la première fois que j’ai vu le titre The Catholic Thing, je l’ai associé au titre du livre de Chesterton paru en 1929: The Thing : Why I Am a Catholic [Objet: pourquoi je suis catholique]. Cet ouvrage remarquable a été écrit sept ans après sa conversion de l’anglicanisme en 1922. Explication par Chesterton: « L’objet », c’est l’Église. Pourquoi donc cet « Objet » existe-t-il encore
Dès ma première lecture de ce livre j’ai été agréablement surpris par une des raisons invoquées par Chesterton. C’était l’époque où on se souciait davantage de ce qu’on appelle maintenant le droit-fil du protestantisme.
Chesterton enquêtait sur le sujet. Il découvrit qu’aucune de ces églises ne croyait encore à la théologie invoquée par les fondateurs pour se séparer de Rome. D’une façon ou d’une autre ils acceptaient le monde tel quel, ou le rejetaient. Par conséquent il se demandait pour quelle raison l’Église catholique ne suivait pas le mouvement. Réponse évidente, et tout autant extraordinaire: la Papauté.
La semaine dernière Hadley Arkes remarquait que, légalisant l’avortement, on avait rétabli le sacrifice rituel des enfants. En 1929 Chesterton écrivait:
« Mais pour les Catholiques il est un dogme de foi fondamental que tous les êtres humains, sans aucune exception, ont été créés, façonnés, pointés, tels des flèches lumineuses visant une cible, la Béatitude. Il est vrai que ces flèches sont empennées par le libre arbitre, et sont donc soumises à l’obscure faculté offerte par le libre arbitre; et donc que l’Église (connaissant de tous temps cette sombre face de la vérité, tout juste découverte par les nouveaux sceptiques) attire l’attention sur cette possibilité de choix tragique. Ce qui ne change rien à la possibilité de trouver la gloire. En un sens, c’en est un aspect, car la liberté est elle-même une forme de gloire.»
Voilà ce qu’est l’Objet Catholique. Je me régale d’entendre ces bons intellectuels m’expliquant notre cheminement sur terre : « Les hommes ne sont pas exceptionnels. Ils n’ont pas de libre arbitre. Leurs actes n’ont en définitive aucune conséquence. Ils n’ont pas de but personnel qu’ils seraient responsables d’atteindre. Ils ne sont pas dans la tragédie. Le péché n’est qu’illusion. »
Les tenants de telles tristes vues sont déjà présents dans l’Ancien et le Nouveau Testament, chez saint Augustin, saint Thomas d’Aquin, chez Platon et Aristote. Tout cela n’est que recette de désespoir, comme n’importe quel sceptique sensé le reconnaîtra.
Objet: catholique ? Gloire, liberté, vérité, dignité, voilà ce dont nous sommes dotés, ce n’est pas un objet concocté par nous.
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Photo : G.K. Chesterton à son bureau
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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/the-catholic-thing.html