Le gouvernement moderne essaie depuis quelque temps de devenir une nouvelle église universelle. Il s’appuie sur deux grandes prétentions, l’une pratique, et l’autre, morale. Il donne l’impression de pouvoir tout procurer à chacun, du berceau au tombeau. Et il prétend accueillir toutes factions et toutes opinions. Toutes deux sont insensées, naturellement, et c’est de plus en plus évident. Il sera intéressant de vérifier si on peut en retenir quelque leçon, — ou si on continue à rouler vers le ravin.
Il faut bien voir de quoi il s’agit. On parle de « l’État-Nounou » comme s’il fallait faire la liste des interdictions concernant ce qui est mauvais, le tabac, les nourritures malsaines, l’environnement insalubre. Mais le gouvernement moderne est devenu bien pire qu’une vieille farfouilleuse au tablier amidonné. Cette Nounou se prend maintenant pour quelque chose approchant de la Sainte Mère l’Église.
À présent les gens ne font plus confiance au gouvernement. Mais ne nous trompons pas. Le manque de confiance est principalement dû à l’idée qu’il devrait tout régler. Si quelque chose ne marche pas, c’est quelque part la faute de quelqu’un. Naguère c’était une vérité toute nue que nous vivons dans un monde insaisissable, et que nous devrions nous méfier de ceux qui font des promesses intenables. Comme vous pouvez le constater, les campagnes électorales actuelles sont un concours de mirages.
Un exemple: les réactions à la crise économique actuelle. Les efforts gouvernementaux mal orientés pour encourager les gens à acquérir un logement et l’impuissance à maîtriser les échappatoires à ces prêts risqués — ajoutons les manœuvres louches dans le secteur privé — ne méritent pas qu’on y revienne. Et pourtant tout aurait pu être gérable si les décennies de dépenses gouvernementales et de promesses de futur rétablissement ne nous avaient laissés qu’avec une petite marge d’erreur.
La semaine dernière, par exemple, les comptes sociaux sont passés pour la première fois en trente ans dans le rouge, ce qui accentuera le déficit budgétaire déjà accablant. Les gens qui veulent raboter les prestations afin de préserver l’avenir du système au profit des véritables nécessiteux affirment souvent qu’il n’a jamais été conçu pour garantir un revenu à tous les anciens — et sûrement pas dans les vingt années ou plus à venir. C’était un système d’assurance pour les pauvres les plus âgés.
Il est difficile d’évaluer cette affirmation, mais quiconque a des parents assez âgés pour se souvenir ont probablement entendu une histoire différente. Presque tous sont persuadés que les politiciens leur ont promis un eldorado, financé par leurs propres cotisations. Je suis persuadé que la résistance chez les seniors aux changements de la Sécurité Sociale ne relève pas de l’égoïsme (les changements ne les toucheraient pas). C’est la réaction au mensonge qu’on leur a proféré.
Certains analystes pensent que tout se serait bien passé s’il n’y avait eu une implosion démographique chez nous comme dans d’autre pays développés, associée à l’allongement de l’espérance de vie. Peut-être. Mais les gouvernements de ces pays se sont aussi engagés dans une croisade contre le surpeuplement. Si vous pensez que le surpeuplement pose un problème, attendez de voir ce que le sous-peuplement fera en Amérique, et en Europe (sans compter la Chine, avec sa politique de famille à un seul enfant).
Se peut-il que pendant des décennies nul n’a remarqué la collision à venir entre ces deux grands projets publics? Ou, plus vraisemblablement, n’est-ce pas simplement que les politiciens démocratiques ont trouvé facile de promettre, et de laisser aux autres le soin de tenir les promesses?
Ces échecs, et bien d’autres, ne sont rien devant les efforts gouvernementaux pour s’ériger en une sorte d’église. Dans le domaine de la morale, l’état proclame l’ouverture, la tolérance, le multiculturalisme, l’humanisme. Tout çà sent bon sa neutralité, l’état y veillant d’en-haut et le contrôlant.
La question évidente — bien plus évidente que la collision entre promesses et dépenses — provient de ce que la neutralité n’est pas neutre. Un credo se cache derrière cette prétendue ouverture. Et ses dogmes appuyés sur le pouvoir ne sont pas généralisés, comme bien des chrétiens actuels le savent.
Le premier signe fut la légalisation de l’avortement. Avant la révolution culturelle des années soixante l’avortement était largement stigmatisé en Occident à cause de notre reconnaissance de la sainteté de toute vie humaine. Le premier devoir d’un état consiste à protéger tout le monde de menaces intérieures comme extérieures. C’est pourquoi l’emploi de la force est autorisé pour défendre l’innocent, par l’armée ou la police. Une fois certaines personnes exclues de cette protection — par convenance — un nouvel article est ajouté au credo. L’euthanasie et le suicide médicalement assisté ne sont pas loin.
Mais on va plus loin. Les institutions qui soutiennent la vie le plus directement — famille, mariage, religion — et qui, au moins en Amérique, sont encore en état de résister aux dogmes de l’état, sont soumises à un déferlement d’assauts. Famille et mariage sont joyeusement redéfinis sans la moindre référence à leurs racines, leur nature, leur raison d’être.
On parle avec ferveur des activités humaines menaçant de « fragiles écosystèmes », disant vouloir respecter la nature. Mais en ce qui concerne la nature de l’homme, on se croit autorisé à redéfinir le mariage et la famille, à se livrer à des expériences sur des embryons humains (c’est-à-dire sur notre propre descendance), à contredire ou falsifier notre histoire religieuse, le tout au nom de l’humanisme, de la tolérance, et du « respect de la science » — sans conséquences.
Une seule avancée de ce genre pourrait être prise pour un simple erreur à corriger. Mais nous voyons à présent émerger un dogme cohérent, avec son credo, et avec le soutien de la force publique pour mettre ces croyances en pratique. On a été habitué aux poursuites des autorités contre les « crimes de haine » et les « discours haineux ». Maintenant, même l’Armée américaine va s’occuper de rééduquer les soldats en faveur de l’homosexualité.
Les églises et les groupes laïques opposés à cette réorientation de notre vie publique — en certains cas la métamorphose de ce qui était criminel en un droit revendiqué agressivement — sont menacés et décrits comme sectaires défendant ce qui naguère était du simple bon sens. Et on va leur tordre le cou encore plus et plus.
Un État-Nounou ? On n’a jamais vu une nounou aussi dure — ou impitoyable.
Photo : Les poteaux indicateurs ne pointent pas dans la même direction.
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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/the-nanny-state-as-mother-church.html