Déclin du principe de nationalité. - France Catholique
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Déclin du principe de nationalité.

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Un jour, feu le Frère Richard Neuhaus a ouvert un débat sur la question de savoir si un athée pouvait être un « bon citoyen ». Mais demander ce qu’est un « bon citoyen » ou un bon membre de la communauté politique nous ramène à la question initiale: qu’est-ce que la cité (polis), ou la collectivité?
Serait-ce plutôt comme un hôtel où résident les habitants? Dans ce cas il n’y a aucune obligation morale si ce n’est de payer la note et de respecter les règles de l’établissement. Ou la cité est-elle plus vraisemblablement, comme Aristote nous l’enseigne, une association morale: un lieu où les gens partagent certains concepts sur ce qui est bien ou mal; où ils acceptent de se soumettre à des procédures qu’ils considèrent en gros comme équitables; et où ils prennent à cœur de cultiver ce sens de la justice les uns envers les autres par les leçons tirées des lois?

Le Frère Neuhaus ne doutait pas qu’un athée puisse être un bon citoyen dans une collectivité moralement réduite à la fonction d’hôtel. Mais, selon ses arguments, un bon citoyen était quelqu’un vraiment capable de prendre la défense morale du régime auquel il avait consciemment adhéré. Et là, il pensait que l’athée qui tenterait de remettre en question les bases de nos jugements moraux serait nettement désarmé et hors jeu.

Bien sûr, tous les athées ne sont pas comme ça. Mais l’argumentation du Frère Neuhaus concernerait bien cette cohorte de sceptiques ou relativistes qui encombrent l’intelligentsia américaine de nos jours. Mais je laisserai cette question de côté pour considérer la question de la nationalité qui se pose de plus en plus et en divers domaines dans notre politique.
Voici quinze jours on a entendu des protestations à propos de la mort d’ Anwar Al-Alwaki au Yémen. Anwar Al-Alwaki était une personnalité éminente d’El-Qaida, ayant trempé dans plusieurs attaques contre des Américains, dont la tuerie de Fort Hood. Mais, né aux États-Unis, et selon les normes retenues par les cours de justice, il était citoyen américain. Cependant rien de ce qu’il avait commis n’avait pu détruire ce lien particulier de la nationalité, et de l’avis de nombreux juristes et juges, aucun de ses actes ne pourrait le priver de la protection particulière accordée par la loi à un citoyen, le distinguant des criminels ayant agressé des Américains.
L’affaire Hamdi contre Rumsfeld : il y a sept ans, Yaser Hamdi avait été fait prisonnier en Afghanistan, un fusil d’assaut à la main, et en flagrant délit de combat aux côtés des Taliban. Selon son père, le jeune Hamdi menait une « mission humanitaire », agissant de son propre chef. Pour le juge Scalia, la nationalité américaine de Hamdi avait une importance considérable. Le Congrès n’avait pas suspendu la loi d’Habeas Corpus [NDT: interdiction de maintenir en détention sans jugement], il pensait donc que Hamdi devrait être jugé pour trahison, ou relâché.

La Cour souhaitait pour le moins une révision des informations ayant justifié la détention de Hamdi. Mais Clarence Thomas s’éleva contre le désir des juges de s’octroyer le droit de réviser les actes commis sur le champ de bataille, et il alla encore plus loin: Comme il nous l’a rappelé, les « droits à la vie » dépassent les « droits à la liberté ». S’il fallait qu’une Cour révise la décision de garder prisonnier un citoyen se comportant en combattant ennemi, ne serait-il pas encore plus impérieux de revoir la décision de tuer cet homme sur le champ de bataille? Thomas faisait allusion à la mise à mort d’un tel citoyen avec un drone de la CIA. Il anticipait ainsi la controverse qui s’élèverait dans le cas Al-Alwaki.

Mais l’administration Obama a trouvé le « trou de souris » par où s’échapper. Elle ne veut pas détenir des combattants ennemis à Guantanamo, prison qu’elle déclare abominable; elle ne veut pas non plus obtenir les informations utiles qu’ils pourraient avoir à l’aide d’interrogatoires — comment dire? — musclés. Alors, l’équipe Obama soulage ses scrupules moraux en ordonnant la mise à mort de ces gens à l’aide de drones.
C’est à juste titre que le commandement biblique « tes père et mère honoreras » ne s’applique pas exclusivement aux parents biologiques. L’enfant né d’un viol devrait-il honorer celui qui a commis ce crime? Cette obligation ne peut concerner que ceux qui ont exercé la fonction morale de parents — ceux qui ont été présents pour protéger et nourrir.
Nous avons alors reconnu qu’il existe des limites morales s’appliquant même à une collectivité aussi naturelle que la famille. C’est ainsi qu’un individu peut être expulsé de la famille — rejeté et déshérité — s’il a brisé les liens moraux qui le rattachent même à ceux qui l’ont mis au monde.

Qu’y a-t-il alors de si étrange à considérer que la collectivité est en droit de rompre les liens découlant de la nationalité pour ceux qui en sont venus à rejeter les principes propres à leur pays et font preuve d’une volonté d’agression mortelle contre leurs concitoyens? Prétendre que ces liens sont indissolubles sans le consentement du citoyen lui-même, c’est dire que la collectivité n’a aucun caractère moral, aucune règle morale susceptibles d’être rompus.

C’est dire que nous ne sommes guère meilleurs que les co-résidents d’un hôtel.

Photo : Yaser Hamdi: un précédent légal.


Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/the-fading-sense-of-citizenship.html