Il n’y a pas que les grandes séries classiques de la bd à profiter de la vogue de la réédition. Des productions plus récentes, dont les auteurs continuent à sortir des albums, sont également affectées par ce phénomène qui, à l’amateur, offre l’avantage d’une présentation soignée, souvent complétée par des dessins originaux et des textes complémentaires très recherchés. On peut ainsi apprécier plusieurs travaux d’une excellente facture.
Voici déjà de nombreuses années que les éditions Le Lombard ont créé la collection Signé. Celle-ci permet à un auteur — ou à un couple d’auteurs, tant le binôme dessinateur-scénariste est productif — d’offrir une œuvre plus personnelle, plus forte, qui s’ajoute avec bonheur à des albums qui n’ont plus besoin d’être médiatisés. Trois excellents exemples nous sont proposés : Western, qui, malgré quelques lumineuses doubles pages, rappellent que Rosinski et Van Hamme se meuvent aisément dans les intrigues les plus noires ; effet semblable avec Caatinga : Hermann marie plus que rudement les teintes pastel et la violence du Nordeste brésilien ; quant au regretté Franz, on retrouvera son trait somptueux dans le double Irish Melody / Shamrock Song, et aussi dans les deux volumes de l’Intégrale Lester Cockney, évidemment publiée aussi par Le Lombard.
De leur côté, les éditions Dupuis avaient lancé Aire libre, qui compte aujourd’hui presque 90 titres. Lax — qui vient de donner par ailleurs une aventure malienne, La brousse ou la vie (Dupuis) et une belle adaptation de Pierre qui roule, de Donald Westlake (Casterman) — et Giroud y sortent une magnifique édition de leur chef d’œuvre Azrayen, évocation sensible de la guerre d’Algérie.
Dans la même collection, Servais publie Le jardin des glaces. Il réussit là le tour de force d’allier son Ardenne chérie au Grand Nord arctique dans une intrigue à la fois policière, sentimentale et écologique, qui prend cette fois un homme pour personnage principal. On connaît en effet sa faiblesse pour les femmes, que l’on retrouve avec bonheur dans deux intégrales publiées chez Dupuis : La belle coquetière et Les seins de café. Ces histoires de contrebandes, de brigandages et de passions amoureuses lui donnent l’occasion de montrer une fois de plus l’ancienne société rurale et le poids de la nature.
De Derib les éditions Le Lombard ressortent le No limits, histoire dure mais tendre et, surtout, optimiste : on peut toujours s’en sortir, comme le jeune héros de l’histoire. Profitons-en pour signaler, dans un genre finalement pas si différent, le 34e titre de sa série Yakari, scénarisée par Job : Le retour du lapin magicien est une merveilleuse initiation, pour les plus jeunes, à la vie des Amérindiens.
Enfin, dans le style glacé, hachuré et précis qui la caractérise, Chantal De Spiegeleer nous offre l’intégrale de Madila (Le Lombard), dont le cinquième titre est en fait un inédit.
