3014-Le suicide des adultes - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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3014-Le suicide des adultes

Six mille adultes de 30 à 60 ans se suicident chaque année en France, constate l’Union nationale de prévention du suicide (Unps) qui dénonce une quasi indifférence générale.
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L’Unps réclame la création d’un « observatoire épidémiologique » pour affiner les trop rares campagnes de prévention contre le suicide des adultes. Pour son président, le professeur Michel Debout, du CHU de Saint-Etienne : « le suicidé fut longtemps considéré comme un criminel – crime contre lui-même – puis comme un aliéné. Il ne faut pas qu’aujourd’hui il soit simplement un oublié ».
L’Unps fait remarquer que l’insécurité routière, qui mobilise à juste titre les énergies, fait moins de morts mais plus de bruit que le fléau mortel de la détresse individuelle. Les chiffres du suicide hexagonal sont alarmants : avec 160.000 tentatives répertoriées et 10.162 décès, tous âges confondus, la France est devenue l’un des pays les plus suicidaires derrière l’Autriche et la Hongrie.

Ce sont les hommes qui en sont principalement victimes avec 73 % des décès (pour 56 % des tentatives). Certes, la prévention chez les jeunes a donné des résultats spectaculaires depuis 1993 avec une baisse de 40% des suicides des 15-24 ans et, dans la même période, le suicide des personnes âgées a régressé de15%, mais le taux de suicide des « adultes » n’a toujours pas baissé. Il est même la première cause de décès chez les 24-35 ans.

Ce suicide est longtemps resté tabou. Certains pensaient que le silence était nécessaire pour éviter la contagion par le mauvais exemple. Par une compréhensible délicatesse, on évite traditionnellement de « parler de corde dans la maison d’un pendu ». Il n’est pas certain que ce soit la solution.

C’est d’ailleurs pour sortir ce drame du silence, mieux le prévenir et en consoler, que l’Unps récolte depuis plusieurs années des « messages pour la vie » auprès du public. Elle les distribue ensuite à des personnes suicidaires. Une opération qui vise à retisser le lien de solidarité entre le désespéré et toute la chaîne humaine : « un simple mot, un regard, un geste, une image, quelques notes, une photo, un film, une chanson, un livre peuvent éviter l’irréparable », estime l’Unps sur son site internet (www.infosuicide.org).
L’association conduit cette campagne avec la Mutuelle d’assurance des commerçants et industriels de France (Macif) qui développe par ailleurs un réseau de soutien pour les familles de ses sociétaires endeuillés par le suicide. Ces disparitions sont toujours atrocement brutales et culpabilisantes pour l’entourage. Les proches d’un suicidé ont besoin d’aide pour dépasser le traumatisme psychologique. Et doivent apprendre à ne pas résumer la vie de l’être proche au drame injuste et intime qui y a mis fin, et découvrir que le suicide ne traduit pas la volonté la plus authentique et la plus libre d’un désespéré.

A voir comment on banalise, dans les nécrologies, la « décision » de « tirer leur révérence » de certaines personnalités, l’indifférence risque cependant de se répandre et, avec elle, la culture du suicide. On entend de plus en plus professer que mettre un terme à ses jours est une liberté individuelle, la « dernière liberté » selon le livre-plaidoyer de François de Closet en faveur de l’euthanasie. Certains adversaires de l’euthanasie légale, comme Bernard Debré, affirment même dans les débats publics qu’il existerait un « droit au suicide ». Faudrait-il baisser les bras au lieu de dépenser tant d’énergie pour sauver quotidiennement, dans tous les services d’urgence de l’hexagone des centaines de désespérés ?

« Le suicide n’est pas une fatalité », réagit l’Unps. A entendre le témoignage de ceux qui, un jour, sont « passés à l’acte » et en ont survécu, on découvre à la fois la profondeur du désespoir qui a pu les étreindre – au point qu’a posteriori, ils peuvent avoir du mal à comprendre leur geste et s’y retrouver – mais aussi leur capacité de résilience. Ainsi cet homme que le désespoir a récemment conduit à se jeter d’une falaise de bord de mer dans sa voiture, un geste dont il a réchappé. Ejecté au premier tonneau aérien de son véhicule, il a été retrouvé par les gendarmes au milieu des ronces à peine égratigné. Et heureux d’avoir la vie sauve.

De tels témoignages incitent à s’engager auprès des personnes en détresse pour les sauver. Et quand il semble être « trop tard » les chrétiens ont encore de bonnes raisons de croire que « rien n’est perdu » lorsqu’ils éclairent le mystère du suicide par celui de la miséricorde infinie du maître de la vie.

Trugdual DERVILLE