3028-La famille, valeur refuge - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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3028-La famille, valeur refuge

La grande préoccupation affichée par le monde politique, à un an des élections présidentielles, est la famille. Voilà un retour de flamme qu’il faudrait apprécier à son juste prix.
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Le ministre de la Famille a annoncé l’élargissement de la vieille carte famille nombreuse SNCF. Effet d’annonce ? La réforme annoncée confirme en tout cas que ce mot « famille » est passé du statut de suspect n°1 à celui de valeur refuge. Philippe Bas a insisté sur le surcoût lié au troisième enfant qui impose « de changer la machine à laver ». La carte devrait ainsi ouvrir droit à des réductions dans le domaine « des services locaux, des musées mais aussi dans la grande distribution ». Craignant une mesure plus symbolique que tangible, des associations suspectent d’ailleurs le gouvernement de renommer ce qui existe déjà. Mais le symbole pourrait avoir un facteur entraînant.

A gauche, Ségolène Royal a choisi le thème de la famille pour ses premières propositions. Dans la précampagne présidentielle, les éléphants du PS lui reprochaient de ne s’en tenir aux idées générales. Réagissant aux nouvelles émeutes urbaines, l’ancien ministre de la Famille du gouvernement Jospin veut que les allocations familiales soient mises sous tutelle pour les ayant-droit jugés fautifs dans leur éducation, et « mettre au carré » ces familles, quitte à faire appel aux compétences éducatives de l’armée ! La défaillance des parents est regardée par elle comme cause de traumatisme, de désinsertion voire de délinquance. C’est donc qu’on considère la famille comme fondement de la société et condition de la paix sociale. Voire du dynamisme économique.

Le ministre délégué au Tourisme vient ainsi d’annoncer la création d’un nouveau label national intitulé “Familleplus ». Léon Bertrand explique que des communes vont être évaluées selon des critères en rapport avec les « besoins croissants des familles, notamment en matière de sécurité et d’accueil ». Une façon de proclamer que la France se veut accueillante aux enfants des touristes. Cent millions sont concernés en Europe, estime le ministre qui les considère comme « des prescripteurs mais aussi de futurs consommateurs ».

A constater la vitalité relative de la démographie hexagonale, on peut se féliciter d’une politique familiale qui maintient la France à flots en comparaison de ses voisins. Mais apparaissent quelques paradoxes, au nombre desquels figure l’abus de certains qualificatifs. Re—composée, monoparentale, voire homoparentale : suffit-il de dire « famille, famille » – tout en la déconstruisant – pour prétendre servir les enfants ? Leurs besoins sont souvent occultés. Admettant le désir des Françaises d’avoir en moyenne un enfant de plus, Philippe Bas a avancé : « le travail des femmes n’est pas l’ennemi de la natalité ». Une formule qu’on peut juger incantatoire lorsqu’on écoute les intéressées. La peur de l’employeur ou le souci de la carrière, sans oublier la réalité des tâches domestiques, qui incombent le plus souvent aux femmes, transforment souvent leur conciliation entre vie professionnelle et vie familiale en exercice d’équilibriste. En réponse, le ministre de la Famille annonce davantage de crèches tandis que François Hollande suggère, au nom du PS, d’étendre la scolarisation des enfants dès 3 ans… La socialisation précoce pourrait-elle suppléer la famille ? Le déficit d’amour, de stabilité et de présence peut-il être compensé par un dispositif étatique ?

Et la même limite s’impose à l’autre bout de la vie : la solitude et l’abandon des personnes âgées dans les institutions manifestent une distension des liens familiaux. Un « plan quinquennal solidarité grand âge » vient d’être présenté par le gouvernement combinant augmentation du nombre des places en maisons de retraite et développement des services de soins à domicile.

Il reste que les « transferts de ressources » effectués au sein des familles (argent mais surtout temps de service gratuit) constituent un amortisseur de crise plus puissant que tous les dispositifs publics. Nulle raison de s’en étonner : Benoît XVI rappelle en substance dans sa première encyclique qu’aucun Etat ne peut se faire pourvoyeur de l’essentiel qu’est l’amour.

Tugdual DERVILLE