Jusqu’ici Sarah Palin gouvernait l’Alaska, en affichant ses convictions conservatrices. Respect de la vie, famille, bioéthique : sa nomination comme candidate républicaine à la vice-présidence des États-Unis ravit la « droite religieuse ». Mais les médias ont cru découvrir un pot-aux-roses : Bristol, sa fille de 17 ans, attend un heureux événement pour la fin de l’année…
Pour les uns, cette grossesse adolescente décrédibilise une femme politique chrétienne qui encourage l’abstinence sexuelle avant le mariage. Mais pour les autres, la future grand-mère de 44 ans réagit avec pudeur et en conformité avec ses convictions : « Notre merveilleuse fille Bristol nous a annoncé une nouvelle dont nous savions, en tant que parents, qu’elle la ferait grandir plus vite que nous l’avions prévu », affirme le communiqué des futurs grands-parents qui annonce un prochain mariage. Leur fille et son futur mari, âgé de 18 ans, « auront l’amour et le soutien de la famille entière ».
Les militants républicains qui découvrent en Sarah Palin une femme « comme les autres », cohérente et courageuse, semblent conquis. D’autant que certaines attaques ont manqué de finesse. Sarah Palin a accouché, il y a quelques mois, de son cinquième enfant et il se trouve que c’est un bébé atteint de trisomie 21. Et voilà qu’une rumeur vite démentie prétendait que cet enfant-là était aussi celui de sa fille. Des adversaires ont également ironisé sur une candidate « en campagne avec un tire-lait »…
Barack Obama se tient prudemment à l’écart de cette tornade médiatique. Pour le camp McCain, elle aura eu le mérite d’éclipser celle qui menaçait au même moment sur le sud du pays. Le retentissement de la convention républicaine de Saint-Paul a-t-il été sauvé par ces affaires privées dont le citoyen raffole ?
Les observateurs français ont beau ridiculiser les positions « morales » incarnées par le tandem McCain/Palin, aucun des deux candidats qui s’opposeront le 4 novembre ne peut négliger ces questions. Ainsi, chacun reconnaît l’ampleur du problème de l’avortement qui n’a rien perdu de son statut de sujet politique majeur aux États-Unis. Même le candidat démocrate, qui prône lui aussi des alternatives à l’avortement incluant le recours à l’adoption ferait figure de réactionnaire dans la classe politique française. Car, Outre-Atlantique, ce genre de débat n’est pas verrouillé. L’association féministe Women Count a ainsi lancé un message défendant Sarah Palin « contre les calomnies misogynes ».
C’est peut-être le choix de sa colistière qui a déjà permis à John McCain de rattraper son retard dans les sondages. Les forces conservatrices, dont l’influence politique est énorme aux États-Unis, sont en tout cas mobilisées.
Peu importe que l’intelligentsia française se dise horrifiée, à l’image de la politologue Nicole Bacharan, dénonçant, dans Le Figaro, avec l’arrivée de Sarah Palin « l’irruption de l’intolérance morale dans la campagne ». Pourquoi croit-elle devoir préciser : « Il ne s’agit pas ici de critiquer la décision d’une femme comme Sarah Palin qui a voulu, en toute connaissance de cause, mettre au monde un enfant trisomique » ? Une telle dénégation, par sa maladresse dénote le niveau d’incompréhension que peut susciter, dans certains milieux, le refus de l’avortement, quand un handicap est décelé. Sarah Palin n’a en rien « voulu » un enfant handicapé. Elle l’a accueilli. à la convention de Saint-Paul elle a déclaré : « Parfois même les plus grandes joies apportent leur lot de défis. Et les enfants avec des besoins particuliers inspirent un amour très très particulier ».
Vu de France on s’étonnera que Sarah Palin soutienne activement le lobby du port d’armes. La logique américaine est singulière. On peut aussi imaginer la stupeur des Américains voyant sur le vieux continent s’arrondir le ventre d’un garde des Sceaux célibataire… Rachida Dati est certes dans la norme hexagonale : la majorité des petits Français (51,7% en 2007) naît désormais hors mariage…
Tugdual DERVILLE