3038-L'embryon électoral - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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3038-L’embryon électoral

L’Eglise continue de se faire l’avocate de l’humanité de l’embryon au grand dam du lobby scientiste qui tente, en France, d’imposer sa loi à la faveur des débats pré-électoraux.
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Qu’on s’en éloigne ou qu’on s’en approche, un phare reste toujours un phare. Et les circonvolutions des leaders politiques de la planète à propos de la position du Vatican sur l’embryon ne font que confirmer l’influence de l’Eglise dans le débat. En France, le professeur Pierre-Louis Fagniez préconisait mi-juillet de légaliser le clonage à visée thérapeutique en le renommant « transfert nucléaire somatique ». Le député UMP affirmait ainsi vouloir dédramatiser le débat, tout en évitant d’entretenir l’illusion sur de prochaines perspectives thérapeutiques du clonage.

S’affirmant catholique, P.-L. Fagniez a bien cherché une caution dans l’Eglise de France, mais l’archevêque de Paris a réaffirmé logiquement l’humanité de l’embryon. Un simple constat scientifique que Jean-Yves Nau, spécialiste bioéthique pour Le Monde, persiste à analyser comme un point de doctrine. Comme des adolescents frustrés dans leurs revendications, on voit des chercheurs hésiter entre le déni et la négociation. Tantôt ils balaient du bras la légitimité de l’Eglise à prendre part au débat, tantôt ils font mine de l’amadouer. Ainsi lorsque la revue Nature leur laissa espérer fin août que la recherche sur les cellules souches embryonnaires allait enfin être débarrassée des résistances éthiques : on avait découvert qu’il était possible de l’effectuer à partir d’une seule cellule prélevée sur un embryon en contenant seize, sans détruire ce dernier.

Coup de froid dès le lendemain, quand le Vatican exprimait sa réserve sur la technique en rappelant que ce n’est pas respecter la dignité de l’embryon que de le traiter comme un cobaye. L’autorité morale que récusent les scientistes leur donne plus de fil à retordre qu’ils ne l’avouent en public. D’autant que l’opinion est échaudée par les dérapages scientistes.

Ceux du docteur coréen Hwang, forcé de reconnaître progressivement ses fautes et supercheries dans le domaine du clonage humain ont défrayé la chronique des derniers mois. Plus anecdotique, la récente révélation que des stars du football faisaient prélever des cellules du cordon ombilical à la naissance de leurs enfants, dans l’idée de se préparer des réserves thérapeutiques en cas de blessures sportives, a généré un autre malaise. (Jusqu’ici, on limitait de tels prélèvements – validés par l’Eglise – à la perspective de soigner l’enfant concerné.) Carine Camby, présidente de l’agence française de biomédecine, a fait part de sa désapprobation. Quant à l’annonce de la perspective d’utiliser des embryons humains pour « guérir » de la calvitie, après expérimentation sur la souris, il n’est pas certain qu’elle redore le blason de la recherche. Certes, alors que le président Bush avait osé annuler le 21 juillet, par un premier véto historique, la légalisation du
financement public de la recherche embryonnaire (cf. FC n°3035, août 2006), l’Union Européenne, cinq jours plus tard, approuvait le financement communautaire de telles recherches. Assortie de restrictions qu’on peut juger hypo-
crites (puisque seules les recherches sur les lignées de cellules souches déjà existantes pourront bénéficier de ce financement), cette position était aussitôt qualifiée de « macabre » par le Vatican, surtout soutenu en Europe, par la Pologne et Malte.

L’Allemagne continue également de s’opposer à la destruction sur son sol des embryons humains, même si elle a autorisé l’importation de cellules d’origine embryonnaire.

En France, jusqu’à preuve du contraire, le président de la République et son Premier ministre semblent s’être ralliés au clonage humain. Certes, Nicolas Sarkozy vient de marquer sa différence vis-à-vis des socialistes sur un autre sujet d’éthique épineux en se prononçant contre le mariage homosexuel – tout en plaidant pour un pacs qui y ressemblerait étrangement – mais on peut craindre qu’il ne soit tenté à son tour d’épouser les sirènes du scientisme. L’embryon, quoique sans voix, est devenu un enjeu électoral.

Tugdual DERVILLE