3008-La valse des idoles - France Catholique
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3008-La valse des idoles

Le lynchage médiatique du docteur Hwang est à son comble. Le scientifique coréen, est le bouc émissaire de toute une nation et de l’ensemble d’une profession. L’effondrement planétaire du chercheur ne procède-t-il pas du même phénomène que l’ascension hexagonale de la figure de Marie Humbert ? Dans une société en mal de repères, on adore et on brûle ses idoles avec la même frénésie.
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Quand s’arrêtera l’interminable chute du docteur Hwang ? Son gouvernement l’a déchu le 11 janvier du titre de « scientifique suprême ». La distinction reçue en 2005 lui assurait pendant cinq années une rente de 3 millions de dollars. La veille, la prestigieuse revue Science annonçait aux Etats-Unis une exceptionnelle « rétractation officielle » de deux études du pseudo-pionnier du clonage humain jugées « frauduleuses ». Après avoir été porté au pinacle le chercheur « se trouve cloué au pilori » précise l’Agence France Presse qui a elle-même largement participé à la promotion du savant dans l’hexagone.

En Corée, il faisait l’objet d’un véritable « culte national ». On le présentait comme un surhomme, capable d’un travail acharné, se privant de week-ends et de sommeil pour découvrir, guérir et sauver. Le héros s’est mué en « honte de la Corée ». Ses pairs lui en veulent particulièrement. Dix-sept mille d’entre eux font circuler une pétition sur le net pour s’en désolidariser. Il est devenu le bouc émissaire d’une grande désillusion. Car – paradoxe éthique – on ne lui reproche pas d’avoir cloné un être humain, mais ne pas y être parvenu, et d’avoir menti. C’est d’abord le fonctionnement sectaire de son laboratoire où l’on manipulait à huis clos qui a été démasqué. Lorsque les premières critiques sont tombées sur son mode de recueil des ovocytes (il lui a été successivement reproché de les prélever sur ses collaboratrices, puis de les rémunérer pour cela et enfin de les y obliger) des milliers de Coréennes
avaient annoncé leur désir d’offrir gracieusement leurs précieuses cellules à celui qu’elles adulaient encore. Mais il a fallu se rendre à l’évidence : il ne reste plus aujourd’hui au crédit du docteur Hwang que la modeste copie conforme d’un… chien !

Pour les personnes auxquelles il avait fait miroiter la perspective d’une guérison par ce clonage « thérapeutique », il faut comprendre combien ce retournement est douloureux. « Je pense que je ne vais jamais plus pouvoir marcher et je veux tout simplement mourir » a déclaré un paraplégique dans un journal coréen. Il explique : « J’avais placé tous mes espoirs dans le docteur Hwang ». Le légitime désir des malades d’échapper à la souffrance tend à anesthésier toutes les consciences. Et le désir des chercheurs de « trouver » a ajouté à l’aveuglement planétaire. Car ce ne sont pas seulement les faibles d’esprit qui ont été abusés, ce sont les plus hautes sommités de la science mondiale qui ont montré leurs limites au point que Donald Kennedy, rédacteur en chef de leur plus prestigieuse publication évoque pour Le Monde du 12 janvier « une forme de désastre qui dépasse de loin la seule revue Science mais qui atteint désormais l’ensemble de la communauté scientifique ». Le professeur Axel Khan ajoute que de nombreux pays, sur la foi des découvertes du Dr Hwang, s’apprêtaient à faire volte-face en faveur du clonage. Le mot « thérapeutique » fonctionne comme un sésame magique, alors qu’il n’est que poudre aux yeux. A ce titre, les scientifiques français ne sont pas en reste : beaucoup enviaient ouvertement le renom planétaire du Dr Hwang, se lamentant que la France ne leur donne pas la même liberté.

Rappelons que le chercheur sud-coréen devait recevoir à Paris, le 21 novembre dernier, le titre d’ « Homme de l’année 2005 » aux cours de la cérémonie des Victoires de la médecine. Et qu’en cette occasion, il devait vanter aux côtés de son homologue français Marc Peschanski les vertus du clonage « thérapeutique ». Une opération visant à accélérer sa légalisation en France, mais qui a dû être précipitamment annulée. (cf. FC nos 2968, 3001 et 3006). Coup dur pour le chercheur hexagonal qui tablait sur le modèle coréen pour affranchir les lois bioéthiques françaises des quelques entraves qu’elles continuent de lui imposer. Comme beaucoup de ses pairs qui rongent leur frein, il les attribue à ce qu’il reste en France de la culture judéo chrétienne et à son ingérence indue dans le champ scientifique.

Marc Peschanski déclarait carrément le 12 mars 2003 dans La Croix : « La science est l’activité sociale d’une communauté mondiale et, en ce sens, elle ne peut être freinée par l’expression de positions philosophiques, politiques, religieuses ou autres que l’on regroupe sous le thème d’éthique (…). La recherche scientifique est en elle-même, une valeur éthique, car elle a pour vocation l’acquisition de connaissances destinées à améliorer la société humaine ». Une profession de foi érigeant en somme la science en religion.

Autre chercheur français de renom, également promoteur du clonage et de l’effacement de maintes entraves éthiques aux recherches sur l’embryon, le professeur René Frydman a été lui aussi honoré il y a quelques années du titre d’ »Homme de l’année », mais cette fois par un magazine féminin qui, par ailleurs, le trouvait particulièrement « sexy ». La Fondation pour la recherche médicale qui l’a choisi comme lauréat en 2003 vante son impact dans les débats « citoyens », et on retrouve le « père » du premier bébé éprouvette français en tête de gondole du rayon livres, d’où il entend apprendre aux Français à « Devenir père » par son best-seller éponyme.

Comment l’aura de certains scientifiques ne leur ferait-elle pas perdre la tête ? Le professeur Hwang confiait avant sa disgrâce : « Quand de nombreuses personnes du monde entier viennent applaudir ce que je leur montre, je ressens une fierté nationale ». René Frydman, dans sa Lettre à une mère (éd. L’iconoclaste, 2003) affirme quant à lui, à propos des couples demandeurs de procréation artificielle : « Je manipule le désir, je l’emmène très loin, par des voies médicales qui n’ont rien de paradisiaques ». Pour vanter le diagnostic embryonnaire pré-implantatoire, il se livre par ailleurs à une étonnante confession prométhéenne : « Je ressens la même excitation qu’hier, le besoin toujours de tenir tête au destin. Observer un embryon de quelques dixièmes de millimètres, prélever une cellule, y repérer une drôle de couleur, l’annonce d’un enfant figé, déformé et souffrant, ce n’est rien d’autre que lire l’avenir et regarder en face le handicap de celui qui n’est même pas encore né. Faudrait-il laisser courir la maladie incurable qui le fauchera, cette fatalité que je me suis toujours promis de combattre ? Pouvoir effacer cette image, c’est comme dire lève-toi et marche, c’est aller, c’est vrai, au-delà du champ de la médecine, c’est changer pour lui, ses amours, son métier, ses voyages. C’est croire en l’homme et en sa force mais je me laisse aller à vous parler de moi, de mon orgueil, de ce qui me préoccupe et ne vous concerne pas. »

Le scientifique admiré se pose en dieu créateur, au point de reprendre à son compte les paroles même du Christ, mais au prix d’une inversion de leur sens. Car, ici, il n’est pas question de guérir mais bien d’éliminer le malade. Comment ne pas voir que point une dérive totalitaire et sectaire dont les victimes sont – la science ne peut l’ignorer – des êtres humains ? Au début de leur vie, mais aussi à son terme : cette même peur de souffrir, exploitée et manipulée, a déjà abouti en France à la « canonisation laïque » – et médiatique – d’une femme à l’issue du geste infanticide qu’elle revendique avec, elle aussi, un syllogisme meurtrier : « Je lui ai donné la vie, j’ai le droit de lui donner la mort ». L’auréole a toutefois été attribuée à Marie Humbert sans procès, la voix des témoins gênants ayant été ignorée (cf. FC n°3007). La malheureuse, précipitée dans une spirale qu’elle n’avait certes pas souhaitée, est devenue l’emblématique mère courage qui n’a fait qu’  » aider son fils « , par amour. Sa statue médiatique est vitrifiée. Non seulement on l’encense sans aucun recul, mais encore l’AFP censure ses contradicteurs de Berck-sur-Mer.

Le déboulonnage inéluctable des icônes laïques des régimes totalitaires nous rappelle cependant que la pensée unique, avec ses saints imposés et ses dogmes inversés, ne peut longtemps fonctionner comme succédané de religion. La chute risque d’être plus dure, quand les mensonges de l’affaire Humbert seront découverts et révélée la dérive sectaire dans laquelle la mort de Vincent s’est scellée, à huis clos. Pour le moment, c’est à Madame Humbert qu’il revient paradoxalement de juger pour l’opinion, les faits d’euthanasie. A propos d’une nouvelle affaire qui vaut à une infirmière et à un médecin de Dordogne d’être renvoyés devant les Assises, elle persiste : « Je ne vois pas l’illégalité quand on aide quelqu’un à mourir dans l’intimité. Et quand on le fait, on le fait quand on a un cœur gros comme ça ! » Un discours que l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD) tenait, à peu de choses près, sur Christine Malèvre, à la fin des années 90, avant que le profil de cette infirmière accusée de six euthanasies ne soit davantage dévoilé. Cette « sainte de la compassion » ayant été rétrogradée en « tueuse psychopathe », les lobbyistes de l’euthanasie ont jeté leur dévolu sur une autre cible. Ils ont fourni à Madame Humbert les barbituriques dont l’administration à Vincent lui a valu une mise en examen pour empoisonnement avec préméditation, puis une perspective de non-lieu.

La pauvre femme endeuillée est condamnée à s’identifier à la cause qu’on lui fait porter, comme pour prolonger la vie de son fils. Ce dernier, pourtant, finissait son livre en réclamant qu’on laisse sa mère vivre tranquille « le semblant de vie qui lui reste à vivre ». L’idole est au plus haut, exposée à la vénération publique. Mais pour combien de temps ?

Tugdual DERVILLE