2985-(filiation) chassez le naturel - France Catholique
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2985-(filiation) chassez le naturel

L’abandon par la France de la notion de naissance légitime, dans le cadre d’un mariage préalable, est-il une défaite ou une victoire pour les enfants ?
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Par ordonnance gouvernementale, la France a abandonné le 4 juillet la distinction entre enfant « naturel » et enfant « légitime ». Raison avancée : tenir compte de « l’évolution des mœurs » et des 46% de naissances hors mariage. Le statut inférieur de l’enfant adultérin ayant disparu depuis longtemps, des juristes expliquent qu’on touche davantage à un symbole qu’au droit. Juste une question de vocabulaire en somme, un trait tiré sur le mot « naturel », jugé infamant. Mais d’autres notent la force des symboles – et des mots – et leur influence sur les normes sociales et leur mise en pratique.

Président des Associations familiales catholiques, Paul de Viguerie, rappelle que « le mariage demeure la seule institution qui garantisse d’avoir un père et une mère » et conclut que « la réforme fragilise la situation de l’enfant, alors qu’elle prétend la renforcer.  » Son homologue de l’Association des familles laïques s’en réjouit au contraire comme d’ »un grand pas en avant » : « les enfants n’ont pas à être responsables de la façon dont ils ont été conçus. » Faudrait-il occulter que des enfants nés de couples précaires n’en demeurent pas moins victimes de ce mode de conception pénalisant, au point de s’en sentir responsables ? N’y a-t-il pas quelque chose d’utopique à imaginer régler l’injustice qui les frappe par une ordonnance ? Gommer les mots n’a jamais effacé les maux. On risque de remplacer la stigmatisation de ces enfants par le déni de leur souffrance.

Mais comment reconnaître ces deux besoins fondamentaux du petit d’homme si difficiles à combler : être inconditionnellement accueilli et aimé par ses deux parents et pouvoir longtemps constater qu’ils éprouvent de l’amour l’un pour l’autre ? L’exigence paraît démesurée pour qui se veut libre de tout carcan, et force est de constater l’écart croissant entre le besoin des enfants et la réalité.

D’un côté, on voudrait que la sexualité soit avant tout ludique et non engageante ; de l’autre, elle fait naître des enfants, dont beaucoup sont désormais privés des meilleures chances. On tente donc à peu de frais de déculpabiliser les adultes pour la défaillance de leur responsabilité, sans être en mesure de secourir les enfants qui en pâtissent, et au risque de banaliser les situations précaires.

Et les services sociaux sont impuissants à compenser ces manques originaux, facteurs d’errance affective, de désespérance personnelle et de violence collective.

C’est que, pour beaucoup de couples non-mariés, la procréation fonctionne comme un test de solidité précipitant soit l’engagement soit la rupture. Heureusement, une proportion importante des enfants conçus hors mariage traduisent – ou révèlent – par leur existence le « projet parental » qui conduira leurs parents à s’engager dans cette institution, et il y a là de quoi relativiser son désaveu. Mais pour tant d’autres, la grossesse provoquera la rupture du couple. L’homme refusera souvent sa paternité, se disant « piégé » par sa compagne ; elle avait rêvé que cet enfant projetterait leur amour dans la durée. De tels malentendus font de l’enfant la victime expiatoire des fragilités des adultes. C’est le prix de l’inversion chronologique entre mariage et procréation, voire de la scission entre sexualité et engagement. Car c’est de moins en moins le couple qui fait l’enfant : c’est l’enfant qui fait ou défait le couple, lourde responsabilité qu’on lui fait indûment porter, et payer. Des femmes considéreront même qu’elles n’ont pas le droit de mettre au monde « un enfant sans père » et recourront à l’avortement – suprême injustice – , à contrecœur.

Chassée de France, la filiation naturelle est revenue le lendemain… par Monaco dont le prince Albert a reconnu publiquement un enfant naturel né il y a deux ans d’une liaison. Le célèbre célibataire assumera ses responsabilités : Alexandre Coste n’a peut-être pas été conçu sous les meilleurs auspices, mais son père promet de ne pas le laisser tomber. Toutefois, pour ce qui concerne l’accession au trône de la principauté qui requiert un souverain issu d’un mariage, il respectera les règles de la filiation légitime.

Tugdual DERVILLE