2- EDOUARD HERRIOT NE L'AVAIT PAS IMAGINEE... LA FRANCE CATHOLIQUE - France Catholique

2- EDOUARD HERRIOT NE L’AVAIT PAS IMAGINEE… LA FRANCE CATHOLIQUE

2- EDOUARD HERRIOT NE L’AVAIT PAS IMAGINEE… LA FRANCE CATHOLIQUE

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I

ÉDOUARD HERRIOT NE L’AVAIT PAS IMAGINÉE… LA FRANCE CATHOLIQUE

« La France Catholique du premier type ? Ah ! Quelle est loin ! Moins chronologiquement que culturellement au demeurant. À telle enseigne que l’on pourrait étudier les France Catho suivantes en négligeant cette première version.

Cependant, il y aurait quelque ingratitude à cela. Probablement, en effet, que dans cette première publication, les autres n’auraient pas eu d’existence. En outre, le surgissement de la Fédération Nationale Catholique (FNC) dont la France Catholique fut la « Correspondance hebdomadaire » d’abord, ses combats ensuite, les tensions – et davantage – dont elle fut l’occasion à l’intérieur du «  monde catholique » français, voire romain, présentent davantage qu’un intérêt historique. Il y a là, souvent, une invitation à réfléchir sur les rapports de «  l’idée républicaine » et de l’Église catholique, sur les relations du catholicisme et de la «  modernité ».

Aussi, pleins feux sur 1924 et la suite !

L’ÉTRANGE RETOUR DU COMBISME :
ACTE D’ESPOIR OU DE DÉSESPOIR ?

Dans la mémoire politique française, 1924, c’est le Cartel ! Le fameux Cartel des Gauches ! De fait, La France Catholique est née des œuvres d’Édouard Herriot !

En effet, quand il devint chef de la coalition des radicaux et des socialistes qui, au cours de la campagne pour les législatives s’opposait au «  Bloc National » (la majorité sortante) et au «  Bloc Ouvrier et Paysan » (le nouveau PC), Édouard Herriot, figure emblématique de ce moment de la Troisième République, donna une place de choix à la «  question religieuse ». À la veille du scrutin, le samedi 10 mai 1924, dans Le Quotidien, ce journal créé pour soutenir la campagne du Cartel, il proclama haut et fort :
«  Voici l’heure de la bataille… Luttons-nous pour le pouvoir ? Non certes. Nous luttons radicaux et socialistes coalisés pour redonner à la République l’idéal dont elle fut privée par quatre années d’un empirisme sans générosité et sans grandeur.
«  Et d’abord nous luttons pour la laïcité. Non pas, entendez-vous bien, adversaires qui nous calomniez pour des doctrines d’intolérance et de fanatisme dont nous vous abandonnons l’usage. En ces jours de combat, occasion trop rare de concentration sur soi-même, je relisais l’admirable livre de Lamartine sur Le Passé, le Présent et l’Avenir de la République.
«  Eh oui, il faut remonter aux sources.
Contre une faction catholique, contre des «  licteurs déguisés en apôtres », nous défendons la séparation, œuvre essentielle de la République, et l’école laique, petit temple de la concorde élevé au centre de chaque village, symbole de liberté et de fraternité… »
Ensuite, seulement, venait la lutte «  contre la tutelle (des) puissances économiques », la lutte pour «  l’égalité fiscale ». Une proclamation de réformisme : «  Nous voulons des réformes sociales… J’ai cité Lamartine. Je vais maintenant faire appel à Jaurès », la promesse de «  l’émancipation du peuple par l’instruction » et enfin, l’affirmation : «  Et puis nous la préparation de la prochaine dernière guerre. La paix avec tous. »
Discours électoral ? La suite prouva que non. Après ce «  11 mai 1924, date du triomphe d’Édouard Herriot » (Daniel Halévy) – triomphe en sièges à exactement considérer car, en voix, dans le pays, le Cartel était légèrement minoritaire – qui fit un choc énorme dans l’opinion, provoquant des espoirs fous chez les uns, la panique chez les autres, celui-ci récidiva dans sa «  déclaration ministérielle » du 17 juin.

Après avoir annoncé son objectif de « donner à ce pays dans le travail et le progrès social la paix qu’il a si noblement méritée », il précisa :

« La paix morale, d’abord. Si nous sommes décidés à ne pas maintenir l’ambassade près le Vatican et à appliquer la loi sur les congrégations ce n’est en aucune façon dans un but de persécution ni d’intolérance. Nous prétendons seulement assurer la souveraineté de la législation républicaine ainsi que la distinction nécessaire entre le domaine des croyances et celui des affaires publiques.

« L’idée de laïcité telle que nous la concevons nous apparaît comme la sauvegarde de l’unité et de la fraternité nationale » (Le Quotidien 18/6/1924).

Ces propos tenus du haut de la tribune par le Président du Conseil étaient clairs et nets. Il y eut des acclamations. Normal. Dès le 17 juin 1923 un appel du Grand Orient avait signalé le « grand danger : « L’Église cherche par tous les moyens à établir aujourd’hui son pouvoir sur la direction des affaires publiques de notre pays ». Il y eut de la perplexité : « L’ambassade auprès du Vatican, les autorisations accordées à certaines congrégations sont-elles de nature à assurer ou à troubler la paix morale ?.. La question est-elle bien posée ? C’est rapetisser ces deux grands problèmes que de les mesurer à l’aune de la politique intérieure » (Le Temps 20/6/1924). Surtout, s’ensuivirent des manifestations de masse des catholiques.

Oui était cet Édouard Herriot ? Pourquoi et comment commit-il cet « écart d’imagination » – selon la qualification indulgente de Michel Winock, pour imaginer qu’en 1924-5, le combisme pouvait servir d’idéal à la République du XXe siècle ? pour se laisser aller à croire que le combisme pouvait, encore être populaire ? Pas un génie ! Personne ne l’a jamais cru. Pas un homme d’État ! Peut-être, eut-il pu accéder à ce rang, en 1910 – comme l’a prétendu François Goguel. Alors un politicien moyen ? Avec les traits qu’en énumérait, à l’époque, Daniel Halévy : « Cerveau vide, main rapide, larynx agile, vous êtes bon pour faire carrière ».

Excessif mais pas faux. Le diagnostic est à la fois confirmé et nuancé par Léon Daudet :
« Très 1792 aussi Herriot, citoyen laborieux, rond et subtil, orateur-né, même tribun, se frappant la poitrine à tour de bras, chaleureux et sans mémoire, et dantonnisant à tout propos. Mais un vivant parmi les spectres d’un radicalisme désuet. Il m’a toujours été sympathique en raison de son feu, de son réel talent oratoire et littéraire, de ses jugements brefs et parfois assénés sur des collègues. Homme de parti, il aura voulu jouer les hommes d’État. Il lui manque, pour cela, le caractère, et on le sent flottant sous des formules friables, comme un costaud de saindoux dans un caleçon de tulle illusion » (Léon Daudet. Souvenirs et polémiques. Ed Bouquins p.780)

À ce portrait, méritent d’être ajoutées deux autres observations qui, au-delà d’Herriot, évoquent le climat de la politique en ces années :
« Nous nous aperçûmes très vite, nous les gens de droite, de la tendance à reporter les difficultés nées de la guerre, qui est, depuis le 16 novembre 1919 celle de tous les Présidents du Conseil anciens et nouveaux. In Millerand, un Briand, un Poincaré, un Painlevé, plus tard un Herriot, un Tardieu, un Laval, un Paul Boncour, éperdus devant les complications politiques, financières, économiques et diplomatiques, qui leur tombaient dessus en avalanches… n’ont jamais eu qu’une pensée : se débarrasser d’elles sur des experts. « (p.823) Ou sur leur idéologie habituelle ?

Le combisme comme refuge ? Ou même comme exorcisme d’une angoisse de mort ? Cette scène qui n’est pas sans pathétique porte à en faire l’hypothèse. Elle se passe entre 1920 et 1923 :
« Nous causions un jour tous les troi$, sur la banquette en velours d’un salon de la Chambre, Barres, Herriot et moi, Nous parlions du danger que faisaient courir à notre pays la barbarie allemande et le chaos russe. Barrés, à ce moment-là, était tout au génie du Rhin.