Le Président de la République a présidé hier, comme de coutume, la cérémonie d’anniversaire de la fin de la Première guerre mondiale. Désormais tous les anciens combattants de cette guerre ont disparu, et dans deux ans on célèbrera le centenaire de son commencement en 1914. Il y a un devoir de piété filiale à l’égard de tous ceux qui ont donné leur vie pour la France, bien sûr. Mais au fur et à mesure que le temps passe, le regard que nous projetons sur ce conflit est d’ordre historique et il concerne la prise de conscience que les nouvelles générations adoptent d’un monde qui fut celui de leurs arrières grand-parents. D’évidence, il ne s’agit nullement de ranimer les animosités anciennes. Par contre, la connaissance du passé pour lui-même est plus que ce qu’on appelle un devoir de mémoire, c’est un exercice qui permet de se situer dans le temps, un temps qui nous a façonnés, qui est inscrit dans la constitution de notre humanité, car nous sommes des êtres fondamentalement historiques.
Justement, l’histoire fait problème en ce moment. De très bons esprits s’inquiètent de la désarticulation du passé qui s’opère à l’école, où les grandes figures, qui jadis structuraient la mémoire nationale, sont de plus en plus méconnues. Je ne puis épuiser le débat aujourd’hui. Mais puisqu’il est question de la guerre de 14-18, je ferai remarquer qu’on ne peut rien comprendre à ce qui s’est passé au XXe siècle si l’on ignore la signification de ce terrible conflit. François Furet a montré comment il était à l’origine des deux grands totalitarismes modernes. Cette guerre, c’est aussi celle des armements dont la puissance meurtrière est de nature industrielle. On a pu parler de guerres d’enfer, parce que plus rien ne vient limiter les engagements, comme c’était le cas dans l’Europe ancienne. C’est désormais la montée aux extrêmes ainsi que l’avait prédit Clausewitz.
Il y a donc lieu d’enseigner l’histoire de cette époque de la façon la plus précise possible. La commémoration n’est pas étrangère à la conscience historique. Elle structure la mémoire. C’est pourquoi les commémorations du 11 novembre 1918 et du 8 mai 1945 ne sont pas superflues. Et on peut discuter à juste titre l’initiative qui vise à regrouper en une seule date tous les anniversaires des guerres. Car on risque d’y perdre la spécificité et la signification singulière des événements.





