Les six attaques du vendredi 13 au Stade de France, au Bataclan et contre divers restaurants ont directement influé sur l’agenda et le déroulement des rendez-vous diplomatiques qui étaient prévus au cours des jours suivants : la conférence de Vienne sur la Syrie les 14 et 15 et le sommet annuel du G 20 — les vingt plus grandes économies du monde — à Antalya (Turquie) les 16 et 17 novembre.
La France n’est pourtant pas le seul pays qui a été la victime d’agressions revendiquées par l’État islamique : la Turquie à Ankara, la Russie vraisemblablement avec l’avion en provenance de Charm el-Cheikh, l’Iran directement pas encore (que l’on sache) mais à travers les communautés chiites Hazara d’Afghanistan ou Hezbollah du Liban, l’Arabie saoudite, l’Égypte ont, à un titre ou à un autre, été frappés, sans parler bien sûr de la Syrie et de l’Irak ou de ce qui se passe au Yémen.
Les dimensions de cette guerre l’assimilent à une guerre mondiale, une « troisième guerre mondiale par morceaux » selon le mot du Saint-Père. La France, comme les autres intervenants extérieurs à la crise du Moyen-Orient, y compris les États-Unis, s’est longtemps vu reprocher, par les choniqueurs les plus en vue des grands journaux anglo-saxons, son isolement, ses contradictions, ses velléités… voire ses compromissions, mais là les critiques sont plutôt venues de l’intérieur, voire des amis de Bachar el-Assad si ce n’est du dictateur syrien lui-même.
On nous a reproché d’abord de ne pas savoir « prioriser » : entre deux maux choisir le moindre, en l’occurrence donner la priorité à la lutte contre EI par rapport au souhait de voir le départ d’Assad. La France n’irait d’ailleurs pas au bout de ses choix : des frappes aériennes lointaines sans relais au sol. Notre gouvernement ne serait pas cohérent : on fait des misères à Téhéran au cours des négociations sur le nucléaire alors que le soutien de l’Iran serait essentiel pour ramener la paix en Syrie et faire contrepoids aux intrigues des apprentis sorciers sunnites de la péninsule arabique qui y auraient laissé la situation dégénérer. Les Français seraient même (dixit Assad à la télévision iranienne) complices : on soutiendrait aveuglément les Saoudiens et les Qataris alors qu’ils seraient les premiers concepteurs et financiers de l’État islamique.
Toutes ces ambiguïtés, plus ou moins lourdes et avérées, seront-elles levées demain au vu des risques encourus sur le territoire national ?
Paradoxalement, la visite officielle que devait effectuer à Paris le 17 novembre le président iranien Rohani — ainsi qu’à Rome où il devait rencontrer le Pape — s’inscrivait dans cette direction. Les Iraniens ont ainsi été les premiers à condamner les attentats et à remettre le déplacement prévu.
à tel point que l’on pourrait même se demander si l’un des objectifs des commanditaires des commandos de Paris n’aurait pas été de gêner le rapprochement attendu entre l’Iran et la communauté internationale, la France — « le petit Satan » — étant le dernier pays derrière les États-Unis — « le grand Satan » -, sans compter bien sûr Israël qui ait conservé autant de réticences à l’encontre de Téhéran, la France droite dans ses bottes dans sa politique arabe, c’est-à-dire ici sunnite, voire wahhabite…
La conférence de Vienne était le premier test de l’après-Paris. L’Iran qui voulait bouder, après l’échec des premières discussions en octobre et un affrontement stérile avec l’Arabie saoudite, a décidé finalement d’y participer au niveau de son ministre des Affaires étrangères comme les autres pays. Le climat avait changé. Les résolutions qui ont été adoptées à Vienne sont encore plutôt fantaisistes à ce stade : une rencontre entre le gouvernement de Damas et l’opposition syrienne après le 1er janvier sous l’égide de l’ONU ; un régime transitoire après six mois et des élections dans dix-huit mois. L’important est l’accord entre Washington et Moscou pour porter ensemble le dossier assorti d’un cessez-le-feu devant le Conseil de Sécurité mettant ainsi fin à sa paralysie.
Washington et Moscou, Ryad et Téhéran, et qui sait ? Ankara et Bruxelles (via Berlin) faisant de nouveau jeu commun dans la recherche d’une résolution des conflits en Syrie, le champ serait ainsi ouvert à la constitution d’une Union sacrée ou d’une Sainte Alliance contre les forces de l’État islamique sur le terrain mais aussi ses ramifications djihadistes internationales.
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- SYRIE : ENTRE CONFLITS ARMES ET DIALOGUE INTERNE
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- L’AGONIE DE L’ANCIEN EMPIRE SOVIÉTIQUE