Une nuée de témoins peu fiables - France Catholique
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Padre Pio, ses photos inédites
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Une nuée de témoins peu fiables

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Au cours de ces dernières semaines, nos grands médias ont versé dans un journalisme à la limite de l’hystérie qui aurait pu provoquer en nous un rire hystérique lui aussi, si cette approche n’avait pas gravement nui à un grand nombre de personnes.

Les catholiques sont habitués aux préjugés qui font succomber les médias à la tentation : pour les rédacteurs, reporters, éditorialistes qui ont déjà décidé que l’Eglise est une institution répressive, inhumaine et hypocrite, point n’est besoin d’examiner de près les faits. Ils peuvent à la place la qualifier d’adjectifs insultants rebattus, tels que rigide, médiévale, misogyne, homophobe. Rappeler les croisades, l’Inquisition, les Borgia et Galilée. Sans oublier l’inévitable Darwin.

Pas la peine d’enfoncer encore le clou, les chrétiens n’attendent pas des médias des reportages ou des analyses objectives parce que… eh bien, parce que.

Les gens ont en général la même impression : dans les enquêtes d’opinion, en matière d’honnêteté, les journalistes se classent avant les vendeurs de voiture mais derrière les cadres.

Pourtant, qui savait que le problème latent était aussi répandu et évident qu’il l’est maintenant ? Nous savons depuis longtemps que les universités ont perdu tout intérêt pour d’autres sujets que cette nouvelle sainte trinité : la race, la classe et le genre. Mais peu d’entre nous comprennent que ces universités sont les principaux canaux d’information des grands médias et qu’ils partagent désormais la même « éthique ».

Il y a bien longtemps, les reporters durs à cuire qui, n’ayant peut-être jamais franchi la porte d’une université, en apprenaient rapidement beaucoup sur la nature humaine à la dure école de la vie, considéraient tous les interlocuteurs comme des sources peu fiables et très subjectives qu’il fallait traiter avec beaucoup de scepticisme jusqu’à ce que leurs témoignages soient confirmés. Notre système constitutionnel repose aussi sur cette conviction biblique et réaliste qu’il ne faut jamais faire entièrement confiance à personne. Mais cette conviction aussi n’a plus cours.

Les désastreux événements de Ferguson (Missouri) et la récente mort par asphyxie d’Eric Garner à New York ont un élément en commun : ils ont été présentés dans le cadre d’un discours sur le racisme, en grande partie par une presse hystérique qui aime se lancer dans des croisades morales, au mépris de l’obligation de dire la vérité quelle qu’elle soit.
Les relations raciales sont encore très malaisées en Amérique, et les minorités ont toujours l’impression qu’on ne saurait ignorer d’être maltraitées par la police. Mais je n’ai pas eu la moindre preuve que Michael Brown ou Eric Garner ont été des victimes du racisme, au vrai sens du mot.

Une imposture du même genre s’est étalée il y a quelques jours dans un article de Rolling Stone à propos d’un prétendu viol en bande dans une fraternité de l’Université de Virginie. Les relations sexuelles forcées sur les campus – comme l’abus d’alcool et l’usage de drogues qui y sont liés – sont une mystification de grande ampleur. Une militante féministe a déclaré pendant l’examen du cas que « notre culture déteste les femmes », ce qui est absurde dans son interprétation, mais n’est pas une mauvaise description d’une société très laxiste sur le plan sexuel. Par exemple, les corbeilles de préservatifs gratuits dans les dortoirs ne servent-elles qu’à encourager les relations protégées ou n’entraînent-elles pas aussi d’autres conséquences ?
Le reporter de Rolling Stone, Sabrina Rubin Erdely, et ses rédacteurs ont été attaqués même par des journalistes pour conduite non professionnelle quand l’histoire du viol collectif est tombée à l’eau après examen. Tout d’abord, la fraternité en question n’avait pas organisé de fête la nuit du prétendu crime et les interviews d’amis de la victime qui ont suivi – et que de bons journalistes auraient menées avant de sortir un tel article à sensation – sont encore plus troublantes.

Le magazine Rolling Stone a publié une rétractation mesurée : « Compte tenu de nouvelles informations, il semble y avoir des contradictions dans le récit de Jackie, et nous en avons conclu que nous avions eu tort de lui faire confiance ». À la quasi unanimité, les militantes féministes ont vivement déploré cette rétractation qui, selon elles, incitait à mettre en doute la parole des femmes qui portent plainte pour viol. C’est certainement un problème. Mais si vous lancez de graves accusations assorties de graves conséquences (l’Université de Virginie a fermé toutes ses fraternités et sororités pendant les enquêtes et la réputation de certains étudiants est en jeu), les victimes doivent certainement bénéficier de la compassion voulue, mais les intérêts des personnes peut-être incriminées à tort doivent, eux aussi, être pris en compte. C’est ce qu’on appelle la justice.

Voici un des faits les plus surprenants en ce qui concerne le reporter de Rolling Stone  : elle a ouvertement admis avoir choisi cette fraternité de l’Université de Virginie plutôt que d’autres pour une raison précise : « Elle est considérée comme vraiment prestigieuse, en partie parce que ses membres sont incroyablement riches. Ses anciens élèves sont très influents, ils travaillent à Wall Street ou bien dans la politique ». En d’autres termes, cette affaire offrait une occasion parfaite de caser deux des trois éléments de la sainte trinité – le genre et la classe – dans une histoire de viol. Un journaliste a déclaré que tous les acteurs impliqués (à l’exception des personnels des kiosques qui avaient vendu le magazine) devraient être renvoyés.

Comme dans les cas de Brown et Garner, soutenir que ces histoires ne sont pas conformes à l’interprétation que nous en donne la presse (des moralités édifiantes), mais des tragédies d’un type différent, est considéré comme un déni de la réalité d’un viol, de l’injustice ou du racisme. (La propre fille de Garner a affirmé que la mort de son père n’avait rien à voir avec sa race).

En méditant sur ces histoires, je ne peux m’empêcher de penser qu’elles présentent toutes le même défaut : le rejet du point de vue biblique et même simplement humain que tous les hommes sont capables de faire le mal.

Michael Brown a eu des problèmes après avoir dévalisé un commerce de proximité ; le propriétaire d’une bodega a dénoncé Eric Garner à la police parce qu’il vendait des cigarettes illégalement. Des délits qui ne méritaient pas la peine de mort, mais toute résistance en cas d’arrestation – et ils résistèrent tous les deux – comporte des risques, et en comportera toujours en dépit d’un recyclage de plus en plus poussé de la police.

La « Jackie » du magazine Rolling Stone avait probablement été maltraitée – bien que pas exactement comme elle l’a prétendu – mais pas vraiment à cause de la présence de jeunes étudiants blancs privilégiés de l’université de Thomas Jefferson.

Les Afro-Américains, les femmes et les pauvres subissent toutes sortes de traitements indignes dans notre société. Mais il ne s’ensuit pas que leurs allégations ne peuvent pas être remises en question ou être simplement intégrées dans des articles politiquement corrects. Nous ne leur rendons pas service en déformant les causes de leurs problèmes. Un système comme le nôtre a besoin de faits et d’informations exacts pour fonctionner – et encore davantage pour rendre la justice. Cette croisade devrait suffire aux journalistes. Une réputation d’honnêteté peut encore même leur valoir le succès.

Comme l’a dit Jésus « Seule la vérité vous rendra libres » (Jean, 8, 32).

Source : http://thecatholicthing.org/2014/12/08/cloud-unreliable-witnesses/

Lundi 8 décembre 2014

Photographie Bâtiment de la fraternité d’ UVA mise en cause

Robert Royal est rédacteur en chef de The Catholic Thing et président du Faith&Reason Institute basé à Washington (D.C.). Son dernier ouvrage, The God That did not Fail : How Religion Built and Sustains the West, est désormais disponible en livre de poche chez Encounter Books.