Une Puissance supérieure - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Une Puissance supérieure

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Une vieille amie m’a récemment confié qu’elle ne croyait plus en « quelque chose de supérieur », et c’est surement mieux ainsi. Les mythes de la Grèce antique ont montré à plusieurs reprises que ces « puissances supérieures » avaient le pouvoir de faire subir toutes sortes de choses modérément bonnes aux hommes. Et si je puis m’exprimer ainsi, la notion de « puissance supérieure » est un concept trop étroit pour faire long feu.

Aussi, quand une personne rejette la notion de « puissance supérieure », elle abandonne en général assez justement ses anciennes idées païennes sur Dieu en tant que Grand Architecte de l’Univers, qui déplacerait ses pions sur le grand échiquier qu’est le cosmos.

Autre option : on aura aussi pu imaginer cette « puissance supérieure » similaire à « la Force » de Star Wars. Le problème de « la Force » comme elle est présentée dans la double trilogie, c’est que le Mal peut l’utiliser aussi bien (voire mieux) que le Bien. Et pour ce qui est de « l’équilibre » de la force, si je ne m’abuse, il s’agit d’un combat perpétuel, et de nouveaux films. Si une telle « Force » existait réellement, et qu’elle dépendait en effet de micro-organismes du corps humain, la seule idée qui me viendrait à l’esprit serait de développer un vaccin pour soigner les gens. Les personnages qui parviennent à en étrangler d’autres par la seule action de leur cerveau ont besoin d’être soignés, pas admirés.

Les chrétiens ne croient pas simplement en une « puissance supérieure». Il ne s’agit même pas de « puissance ». Il s’agit d’une puissance au service de l’amour pour le bien des autres, tout particulièrement des plus faibles et des plus pauvres.

Si les chrétiens croyaient réellement en une divinité absurde et sans âme que beaucoup semblent avoir en tête, on aurait tout droit de laisser ce « quelque chose de supérieur » derrière soi, et de continuer avec quelque chose de mieux. En fait, ce serait une étape essentielle de notre développement spirituel personnel.

Dans bon nombre de cas, celui qui a supposément « perdu » la foi s’est en réalité confronté d’une façon ou d’une autre à l’un des problèmes les plus importants qui existe : la question du mal. Comment le mal peut-il exister sur terre s’il existe un Dieu entièrement bon et aimant ? Ce peut être cela, ou bien la survenance d’un coup dur qui laisse croire que la vie n’a pas de sens.
Je conseille à ceux que cela concerne de se poser les questions suivantes : Comment est-ce que la notion du « bien » est-elle d’abord parvenue à moi ? Quand la vie semble « injuste », qu’est-ce qui a fait naître en moi l’idée que la vie était censée être « juste »? Et d’où vient le « sens » ?

Il n’y a aucune raison de croire que la vie, dans cet univers immense, désert et apparemment vide de sens, était censée être « juste». À moins que nous ayons reçu cet espoir d’une chose au-delà des réalités physiques et empiriques que nous voyons chaque jour autour de nous.

C.S. Lewis en a parlé dans son livre Le problème de la souffrance, le problème intellectuel de la souffrance survient précisément parce que les chrétiens proposent la notion d’un Dieu entièrement bon et aimant. Sans cette notion, la souffrance cesse d’être un « problème ». Elle est, et c’est tout. La souffrance et la mort ne seraient, comme beaucoup l’imaginent, que les produits dérivés naturels d’un univers fondamentalement chaotique et dénué de sens. Rien ne sert d’être déçu ou de se fâcher pour de telles choses.

Retirez un Dieu aimant et providentiel, et vous pourriez choisir de maximiser le plaisir et minimiser la souffrance, à la façon des épicuriens, ou bien vous faire une raison et vivre avec, à la façon des stoïciens. Mais blâmer « les dieux» ou « le destin » de la sorte revient un peu à brandir le poing contre les marées. L’eau pénètre pour inonder votre château de sable, que vous le vouliez ou non. Alors tenez-vous prêt à vous écarter ou à être inondé.

Seuls ceux qui imaginent que l’univers pourrait être meilleur, qui supposent que l’univers est un endroit florissant conçu pour nous, n’ont aucune raison d’être déçus. Et qui croit de telles choses ? Certainement pas les épicuriens ni les stoïciens. Seulement ceux qui croient en un Créateur qui a créa l’univers pour nous, et qui nous a tellement aimé qu’il a souhaité mourir pour nos péchés.
Nous commercialisons les notions de « bonté », de « justice » et de « sens » comme si elles nous appartenaient, ensuite nous les renvoyons à la face de Dieu quand nous, et le monde dont nous sommes responsables, échouons à vivre selon Ses principes. Ce que nous ne parvenons pas à voir, c’est que sans Lui, le sens n’existe pas. Il n’ y a que la « justice », si toutefois il existe un Créateur de ce qui est juste. Le « mal » n’existe pas s’il n’existe aucun principe supérieur pour juger le « bien ». Tout ce qui ne pourrait pas compter sur Lui ne serait que chaos et absence de sens.

Les chrétiens ne croient pas que ce soit le « meilleur des mondes possibles ». Ce serait plutôt l’inverse. L’histoire des chrétiens raconte la chute dans la douleur extrême du péché, de la souffrance, et de la mort. Cette histoire chrétienne pose dorénavant un idéal que nous devons viser ; elle ne nous propose pas d’être entièrement heureux de notre sort, et maintenant. Notre problème est de trop en demander, et de nous suffire de trop peu.

Ceux qui ont prétendument perdu la foi font en fait l’expérience des cœurs agités qui ne trouverons de repos qu’en Lui. Nous avons tendance à inventer d’agréables petites catégorie dans lesquelles nous pouvons nous réfugier. Ce qui n’est pas entièrement mauvais, bien évidemment. Mais ces catégories ont leurs limites.

Dieu nous rend un immense service lorsqu’il détruit ces limites pour créer de l’espace pour Lui-même : celui qui est au dessus de toute catégorie, pas vraiment un « être suprême» mais Celui qui Est, la Source de Tout Être et de Tout Bien — une personne, pas une puissance, mais dont la puissance est tellement immense qu’il peut s’en détacher pour devenir l’Amour incarné, Dieu avec Nous et pour Nous.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/a-higher-power.htmler
 


 

Randall B. Smith est professeur à l’université St Thomas à Houston, Texas. Il a récemment été nommé à la chaire Scanlan en théologie.


image :             Le Christ de St Jean de la Croix, Salvador Dalí, 1951.