Un décret contre-productif - France Catholique
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Un décret contre-productif

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Le décret présidentiel du 27 janvier, interdisant l’entrée du territoire américain aux ressortissants des pays, définis comme « à risques pour la sécurité des États-Unis » par une loi de 2016 (Yémen, Iran, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Irak) car le terrorisme islamiste y sévit particulièrement, a eu des effets dévastateurs.

Appliqué, à 16 h 42, heure locale, il ne pouvait que broyer les personnes subitement atteintes dans leur liberté de déplacement. Le jour même, 173 personnes ont été empêchées de monter dans un avion, juste avant son décollage vers les États-Unis, bloquées dans un aéroport, qui à Paris, Berlin ou Amsterdam, qui au Caire, à Dubaï ou à Tokyo. Au même moment, 109 voyageurs ont été refoulés ou retenus prisonniers, quelques heures ou quelques jours, dans un aéroport américain, leur visa en main, une famille les attendant de l’autre côté des barrières de la douane…

Sur quelque 60 000 visas ainsi suspendus, voire physiquement détruits par un doua­nier, une centaine de cas dramatiques ont été mis en avant par la presse internationale : des enfants qui devaient être opérés, de jeunes couples qui devaient enfin se réunir, des professeurs ou des ingénieurs qui ne pouvaient pas rejoindre leur université ou leur entreprise, des binationaux ayant un passeport américain, des titulaires de la carte verte de résident permanent aux États-Unis, et des familles chrétiennes de Syrie dont les projets de s’installer en Amérique se trouvaient brisés. Or le président Trump avait déclaré au Christian Broadcasting Net­work (réseau de télévision du pasteur Pat Robertson) que son décret ne visait pas les chrétiens qui, au contraire, seraient favorisés.

Ce n’est pas la première fois que les États-Unis prennent des mesures discriminatoires à l’égard de certaines immigrations (au XIXe et au XXe siècle contre les Asiatiques surtout), mais, depuis 1965, les discriminations fondées sur la race ou la religion sont interdites. Il s’agit donc de savoir si le décret a été pris spécifiquement contre les musulmans (ses détracteurs l’appellent le « Muslim ban »)… ce que ses partisans démentent sans craindre de se contredire.

Les patrons des entreprises de la Silicon Valley, dont le dynamisme repose sur sa capacité à attirer les meilleurs cerveaux du monde entier, sont vent debout contre ce décret du président Trump (qui s’en moque car il sait qu’ils ont voté Clinton).

Le nouveau secrétaire général de l’Onu (et ancien haut-commissaire aux réfugiés), catholique et portugais, António Guterres, a demandé, le 1er février, à Donald Trump de retirer ce déjà trop fameux décret 13769 : « Les États-Unis ont toujours été en première ligne dans la protection des réfugiés. Les Syriens sont ceux qui aujourd’hui ont les besoins les plus dramatiques. » Il a par ailleurs lourdement insisté sur le caractère inefficace, voire stupide, de la mesure s’il s’agissait de prévenir des attentats sur le sol américain par des terroristes de l’État islamique…

Mgr Louis Sako, patriarche de Babylone des Chaldéens, qui a toujours été contre l’exil des chrétiens d’Irak — et aussi de Syrie, voire du Liban et de la Terre sainte – vers l’Occident, a été l’un des premiers responsables catholiques à pointer le caractère contre-productif d’un tel décret : « C’est un piège pour les chrétiens du Proche-Orient qui entendent, malgré les persécutions et les guerres, rester dans cette région où le christianisme est né. Cette politique fournit des arguments à toutes les propagandes et à tous les préjudices qui attaquent les communautés autochtones du Proche-Orient en tant que corps étrangers et groupes soutenus et défendus par les puissances occidentales.
Ces propos discriminatoires créent et alimentent des tensions avec nos compatriotes musulmans. Les souffrants qui demandent de l’aide n’ont pas besoin d’être divisés sur la base d’étiquettes religieuses et nous ne voulons pas de privilèges. L’Évangile nous l’enseigne et le pape François nous l’a montré également en accueillant à Rome des réfugiés ayant fui le Proche-Orient, tant chrétiens que musulmans, sans faire de distinctions. »

Des réajustements ont bientôt été constatés, grâce au système de contre-pouvoirs judiciaires, qui font des États-Unis une démocratie d’avocats. Le procureur général de l’État de Washing­ton, Bob Ferguson, ayant déposé une plainte contre le décret présidentiel, le juge fédéral de Seattle, James Robart, a émis, le 3 février, une injonction temporaire annulant tous les effets du décret tout aussi immédiatement ! Ces deux magistrats ont ainsi gagné une notoriété mondiale…

Quant au président Trump, il s’est réveillé le lendemain matin en éructant des tweets de colères et en promettant une riposte énergique ! Le terrorisme islamique est un problème sérieux qui mérite assurément un traitement moins heurté.