Un baptême à Noël en exil - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Un baptême à Noël en exil

Traduction par Yves Avril

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La dernière semaine de l’Avent, une belle petite fille de six semaines a été baptisée dans la paroisse des Rédemptoristes à Bangkok, en Thaïlande. Ce n’était pas un baptême ordinaire. Cette petite fille – qui resta miraculeusement tranquille pendant la cérémonie – aussi bien que ses parents, sont des catholiques pakistanais, demandeurs d’asile pour fuir les extrémistes musulmans et contraints de vivre en Thaïlande illégalement. La difficulté de leur situation et ce baptême manifestent de façon poignante la véritable signification de Noël.

Ils sont maintenant dix-sept dans cette famille, depuis les arrière-grands-parents jusqu’à la plus récente addition. Ils vivent dans deux minuscules appartements d’une pièce à un jet de pierre de la paroisse catholique, serrés la nuit comme des sardines. Ils sont arrivés à Bangkok quatre Avents plus tôt, quelques jours avant Noël, à la suite d’une série d’agressions violentes dans la ville de leur domicile, Karachi.

Un membre de la famille, un jeune médecin, a été faussement accusé par des extrémistes musulmans d’avoir déchiré intentionnellement une page du Coran – au Pakistan, un délit de blasphème punissable. Sa belle-sœur, une infirmière à l’hôpital de Karachi, a été accusée de tenter de contraindre un patient musulman à rompre le jeûne du Ramadan et d’essayer de le convertir. Des parents de ce patient ont tiré sur l’infirmière et son mari quand ils se sont enfuis de l’hôpital. Deux adolescentes de la famille ont été arrêtées et brûlées vives en public. Une fatwa et un mandat d’arrêt de la police ont été lancés contre eux. Sachant qu’ils devaient choisir entre la mort et la conversion forcée, ils ont fui.

Vivant à Bangkok depuis décembre 2012, ils sont devenus les « joueurs polyvalents » de la paroisse faisant tous les petits travaux que demande l’église : distribution des bulletins, aide pour la quête, installation pour les mariages et les obsèques et nettoyage ensuite. Cette famille contredit l’image qu’on a habituellement des demandeurs d’asile et des réfugiés comme pauvres, faibles, démunis – excepté pour les actions de solidarité des donateurs occidentaux. C’est plutôt un groupe résistant, très pauvre, avec une éthique du travail indépendant et infatigable.

Le père de la fille baptisée n’est pas non plus conforme aux stéréotypes du réfugié. Avec une stature d’adepte de la musculation et un physique élégant, il évoque la tranquille assurance d’un protagoniste de film Bollywood plutôt que quelqu’un qui tremble dans la peur de ses persécuteurs. Si les djihadistes s’avisaient d’engager avec lui un combat à armes égales, ils se feraient casser la gueule. Il passe maintenant ses journées à diriger la circulation à la paroisse.

Leur histoire à certains égards reflète le paradoxe de la Sainte Famille en Égypte. Ils apparaissent d’abord pauvres et modestes. Joseph, le plus âgé, protecteur délicat de Marie, la jeune vierge. Elle, l’humble et tranquille paysanne juive. Pourtant, comme leur histoire le révèle, avec les messages de Gabriel et celui des hôtes du Ciel qui proclament la gloire de Dieu dans la petite Bethléem, nous devons reconnaître que c’est une famille peu ordinaire. Entourés par une forteresse angélique impénétrable qui rappelle Elisée, Marie et Joseph défient avec assurance les pouvoirs. Tous les soldats et les épées du monde ne leur feront pas peur.

Il en était ainsi avec le baptême de l’enfant pakistanais, un « signe de contradiction » semblable à celui de l’enfant Jésus. Comme la présentation du Christ au Temple, le baptême est un signe véritable de leur foi familiale et de leur fidélité au Christ. Ils sont à Bangkok, à des milliers de kilomètres de chez eux, parce qu’ils ont refusé de se soumettre aux exigences des extrémistes musulmans qui les menaçaient de conversion ou d’assujettissement.

Baptiser cette petite enfant, publiquement, avec les officiers de police thaï à quelques immeubles de là, est un acte de confiance, de rébellion de piété chrétienne. « Vous ne pouvez avoir ni nos corps ni nos âmes », proclamation adressée à ceux qui cherchent à éliminer l’Evangile et ceux qui le suivent. Cette petite fille, ils affirment avec une sainte assurance, qu’elle est appelée par le Christ. Maintenant, avec l’impulsion de l’Esprit saint et le vêtement de la droiture, elle porte plus de pouvoir en elle-même que toutes les autorités de la terre. Elle est à sa manière « une lumière pour la révélation aux Gentils », comme l’enfant Christ.

Non pas que les circonstances d’un tel Noël soient de celles qu’on peut désirer pour soi-même. Les parents de Jésus ne désiraient probablement pas aller à Bethléem, avec Marie presque au terme de sa grossesse avant de quitter Nazareth. Ils auraient certainement préféré ne pas fuir Hérode et laisser leur foyer pour une Egypte inconnue. Pourtant sans cesse Dieu se servit de leurs souffrances comme des moyens pour une fin plus importante, inattendue : « D’Egypte j’ai appelé mon fils ».

C’est la même chose pour les amis pakistanais : ils préféreraient ne pas avoir quitté Karachi. Ils ont peu d’intérêt à faire de Bangkok leur foyer permanent. Pourtant c’est ici qu’ils sont, par la grâce de Dieu. Ce qui rend leur expérience si puissante spirituellement, c’est leur foi indestructible que Dieu est avec eux, qu’il ne les abandonnera pas, et qu’il accomplit son dessein au milieu de ce qui semble être la pire des situations. C’est, me semble-t-il, la croix de l’Avent, et l’importance de Noël.

Pourtant ce ne sont pas des superhéros, existant joyeusement dans quelque royaume éthéré au-dessus du nôtre. Leurs joies et leurs luttes quotidiennes sont les mêmes que les nôtres. Après le baptême, un membre de la famille, un garçon de cinq ans, descendit en courant l’allée centrale. Son père le saisit par le bras, le tira près de lui et avec cette colère de parent tellement familière, le réprimanda : «  Ne cours pas ici ! Tu n’as aucune manière ! »

Leur courage peut être d’une qualité transcendante, leurs difficultés exceptionnellement amères, mais leur histoire de souffrance et d’espoir est la nôtre, exactement comme l’histoire de Noël est la nôtre. Nous attendons tous la fin de nos errances dans le désert, une place préparée pour nous par Dieu où nous serons nourris par notre Seigneur, pour toujours.

Pourtant, même aujourd’hui, nous devons nous réjouir, ceux d’entre nous dont le témoignage déclare que pour l’amour du Christ nous n’avons pas aimé nos vies « jusqu’à craindre la mort » (Ap 12 :11).

27 décembre 2016

https://www.thecatholicthing.org/2016/12/27/a-christmas-baptism-in-exile/

Tableau : Repos pendant la fuite en Egypte par Luc Olivier Merson 1879 [Museum of Fine Arts, Boston].