Synode : Quelle étrange conclusion ! - France Catholique

Synode : Quelle étrange conclusion !

Synode : Quelle étrange conclusion !

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Le synode s’est terminé et il est vraiment étrange d’entendre les soupirs de soulagement qui émanent de certaines instances respectables de l’Eglise. « Le texte ne contredit pas les enseignements de l’Eglise ». « Il n’y a pas d’erreur doctrinale dans tout ce qui a été publié ». « Le synode lui-même s’est déroulé bien mieux que nous ne le redoutions ». Comment en sommes-nous arrivés au point de nous réjouir parce qu’un synode n’a pas dénaturé les enseignements de l’Eglise et que le synode s’est bien mieux déroulé que nous ne le redoutions ? Quel beau commentaire sur l’état de l’Eglise aujourd’hui !

Une femme m’a demandé ce que j’attendais du synode. Je pense qu’elle a été un peu choquée quand je lui ai répondu « absolument rien ». Le synode s’est achevé, le rapport final a été publié et le Pape peut écrire son exhortation apostolique. Et il n’y aura que peu ou pas de changements dans la vie de l’Eglise en ce qui concerne le mariage et la famille. Des documents aussi prolixes sont lus par très peu de catholiques. Ils ennuient le lecteur parce qu’ils sont rédigés dans la nouvelle langue du Vatican dont le flou et la verbosité nuisent souvent à la clarté et à l’intelligibilité. Les synodes sont comme toutes les bureaucraties quand elles s’attaquent à la rédaction de documents de ce genre.

Ce qui aura probablement le plus d’impact sur la vie de l’Eglise, c’est la modification par le pape François du droit canon pour faciliter le règlement des actions en nullité, mais même cette décision ne changera pas beaucoup la pastorale actuelle de l’Eglise. Ce que le motu proprio approuve et ce que les « progressistes » du synode souhaitaient voir devenir une loi universelle, permettant aux divorcés remariés de recevoir la communion sont déjà des pratiques très répandues. C’est pourquoi rien ne changera vraiment. Cette recommandation progressiste formulée au synode essayait simplement de donner une justification à ce qui est déjà monnaie courante.

Aussi les débats concernant ces sujets brûlants avaient-ils quelque chose de surréaliste. Peut-on penser un instant que, dans les églises européennes, mais dans de nombreuses autres églises également, les divorcés remariés n’aient pas déjà recours à la solution du « for interne », s’ils en prennent seulement la peine ? En fait, aujourd’hui la situation a « progressé » au point que les catholiques en marge de l’Eglise ne prennent même pas cette peine, parce qu’ils vont recevoir la communion une ou deux fois l’an, ou peut-être quand ils assistent à des mariages ou des obsèques religieux. C’est pourquoi ils ne demandent même pas la permission à un prêtre. Recevoir la communion n’a plus aucun sens pour eux ; les sondages confirment que seule une minorité de catholiques occidentaux croient encore en la Présence réelle. Pour ceux-là, prendre part à la cérémonie relève de la politesse et n’a rien ou presque rien à voir avec la foi.

Cette situation est à mettre en parallèle avec les attaques plutôt peu réalistes et disproportionnées portées sans relâche par le Pape contre ceux qui sont « attachés aux règles », une posture presque antinomique. Mais il y a plus : on pourrait honnêtement lui demander où dans l’Eglise contemporaine se trouvent tous ces gens obsédés par les « règles » ? A moins de parler de celles qui concernent le soutien financier de l’Eglise en Allemagne ! Où sont tous ces évêques psychorigides assis sur la cathèdre de Moïse et s’érigeant en juges ? En avez-vous rencontré un récemment ? Depuis Vatican II, la discipline de l’Eglise s’est relâchée, et personne ne semble aujourd’hui être puni pour des dérives, y compris les opinions les plus hérétiques.

Pourtant, le Saint-Père gronde régulièrement « les cœurs fermés », ceux qui s’érigent en juges, « se cachent derrière les enseignements de l’Eglise » et condamnent avec un air de supériorité les personnes qui ont des problèmes familiaux. Même le Washington Post a remarqué son habitude de « réprimander » ceux qui sont en désaccord avec lui, son ton sermonneur inévitablement dirigé contre ceux qu’il considère comme trop « traditionalistes » d’une manière ou d’une autre. Et pourtant le nombre de personnes à ranger dans cette catégorie ne peut que constituer une minorité dans une Eglise où 80 pour cent des fidèles se moquent joyeusement de l’enseignement de l’Eglise sur la contraception et 60 pour cent en font de même pour l’avortement, le divorce et le remariage. En outre, le pape n’adopte jamais ce ton quand il s’adresse à ceux qui sont trop « progressistes », ce qui est plutôt rare par comparaison avec ses attaques contre les traditionalistes. Et ces progressistes sont certainement beaucoup plus nombreux dans le monde occidental que les traditionalistes rigides auxquels il semble allergique. Je me demande si l’Eglise d’Argentine ou le diocèse de Buenos Aires étaient remplis de traditionalistes opposés à son épiscopat ; serait-ce l’origine de son animosité ?

Il est également frappant de constater le peu d’influence que les enseignements de saint Jean-Paul II semblent avoir eu sur les évêques, à supposer que le synode ait été vraiment représentatif. C’est une autre raison pour laquelle je pense que le synode aura peu d’impact. Le cardinal Pell a mentionné que les évêques étaient très peu versés en thomisme, mais ce qui est beaucoup plus grave, c’est le constat évident qu’ils étaient si peu familiers des enseignements les plus fondamentaux sur le mariage de l’histoire de l’Eglise, qui se trouvent dans les écrits de Saint Jean-Paul II. On peut se demander si, en fait, ces enseignements ont été dans une large mesure rejetés par les cadres des Eglises européennes au cours des dernières décennies, comme cela semble clairement le cas du cardinal Danneels.

Mais l’une des révélations les plus prometteuses lors du synode a été l’attitude des évêques américains qui semblent avoir bien mieux assimilé les enseignements de saint Jean-Paul II – à une exception notable près, le premier archevêque américain nommé par le pape actuel. Voilà qui n’augure rien de bon pour l’avenir. Ce ne sont pas les documents qui réforment l’Eglise, mais les évêques. Ma plus grande crainte est que le pape François n’essaie à présent de restructurer l’épiscopat américain à l’image du contingent européen « éclairé » qui a presque détruit l’Eglise catholique en Europe ; surtout s’il en vient à considérer les évêques américains comme l’un des éléments récalcitrants ou traditionalistes du synode de 2015.

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/10/29/the-synod-in-poetry-and-prose/


Photographie : Jean-Paul II bénit un couple marié en Ecosse en 1982.

Mark Pilon, prêtre du diocèse d’Arlington (Virginie), a reçu un doctorat en théologie sacrée de l’université Santa Croce de Rome. Il a été titulaire de la chaire de théologie systématique au séminaire Mount Saint Mary et éditeur du magazine Triumph, et professeur à la Notre Dame Graduate School of Christendom College.