Sic transit - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Sic transit

Traduit par Isabelle

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En vérité, il est surprenant de voir combien de gens lisent la Bible ou d’autres livres religieux dans les transports en commun lors de leur trajet du matin. J’habite à quelques pas de ces transports souterrains (que les habitants du D.C. qui les empruntent comme moi appellent le « Metro ») et je les prends chaque jour pour aller au travail. A la différence des moyens de transport par train léger, plus longs et moins fréquents, venant de plus loin, où les gens retrouvent régulièrement des compagnons de voyage avec lesquels ils bavardent, et avec qui, au fil des ans, ils nouent des liens à force de se raconter des histoires sur leurs familles et leur travail, dans le métro, les gens restent anonymes les uns par rapport aux autres. Alors, ils écoutent de la musique que leurs voisins entendent, même s’ils ont des écouteurs, ou bien, ils jouent au dernier jeu bouffeur de temps sur leur smartphone, ou bien ils travaillent, ou éventuellement, ils lisent un livre. Parmi ceux-ci, un sous-groupe assez conséquent, surtout parmi ceux qui prennent les premiers trains du matin, sort une bible ou se penche sur un livre de méditation quotidienne. Vers la fin de mon trajet matinal, je me joins habituellement à eux avec ma propre lecture spirituelle, alors qu’avant, j’ai été occupée à réciter mon chapelet. Le trajet très matinal m’offre un créneau de temps pratique pour me plonger dans une méditation en cinq dizaines et d’en émerger, au moins pour un moment, plus concentrée, plus prête à affronter moralement les défis de la journée. Mon terminus est Union Station – à deux minutes seulement du bureau, mais ce trajet me fait affronter des rencontres quotidiennes avec les SDF qui s’agglutinent sous la grande et belle arche qui couvre l’entrée de la station. Quand j’arrive là à six heures et demie, je vois souvent des SDF encore enroulés dans de grossières couvertures sur le trottoir froid. Parfois j’en compte 6 ou 8 ou même parfois 10 hommes installés comme cela dans le froid d’un matin d’hiver tandis que je traverse le bâtiment de la station dans toute sa longueur. Il m’est parfois arrivé de demander à l’un ou l’autre d’entre eux pourquoi il ne préfère pas passer la nuit dans un des abris. Ils répondent de façon diverse : on leur vole leurs affaires, il y a des punaises, il y a trop de règlements. Ce dernier argument fait sans doute allusion à la boisson et à la drogue, car beaucoup d’entre eux ont des problèmes avec cela. (« Je ne bois pas, et je ne me drogue pas »  est une de leurs déclarations les plus courantes quand ils font appel aux passants pour avoir de l’argent. ) Et il est évident, et tout le monde est d’accord sur ce point, que nombre d’entre eux souffrent, parfois même en plus de l’addiction, de formes extrêmes de maladie mentale. Alors, que faites-vous quand, comme beaucoup de ceux qui peut-être lisent ces lignes, vous vous trouvez souvent en train de marcher dans les centres de nos villes, et recevez des appels de personnes qui, bien que certains soient au moins partiellement responsables de leur malheur, (Alfred Doolittle parlait de « pauvres qui ne l’ont pas mérité » dans Pygmalion et My fair Lady) ont aussi souvent tiré la mauvaise carte dans le jeu de la vie. Oh je suis au courant des aspects macro-économiques systémiques du problème – comment par exemple, une itinérance accrue faisait suite à leur sortie de l’ hôpital psychiatrique, il y a plusieurs décades, pour de nombreux patients, quand les affaires de droits civiques, assorties de traitements pharmacologiques pour des cas comme la schizophrénie rendaient possible une vie « à l’extérieur » (pour ceux qui acceptaient de prendre leurs médicaments, et en étaient capables, et qui bénéficiaient d’un quelconque système de soutien). Et je suis au courant de la question épineuse de savoir si l’on peut leur adjoindre les drogués. Et bien sûr une autre partie de ces mendiants sont des escrocs (bien que ceux-ci soient habituellement faciles à détecter). Mais ces questions de « macro-économie » ne concernent pas le défi quotidien de l’ici et maintenant. Qu’est-ce que je fais à cet instant, alors que cette personne ci, sans domicile fixe me demande un dollar pour manger ? De temps en temps, j’ai cherché l’avis de prêtres sur la question, et en général, après une pause, leur réponse donnait à penser qu’ils avaient eux aussi été aux prises avec cette question. (Je pense que c’est bon signe !) Ensuite, ils proposent des idées saines comme d’acheter un des tickets- cadeaux de un dollar chez Mac Donald’s pour pouvoir en distribuer, comme cela, on sait que l’argent ne servira pas à acheter de la drogue. Une de mes filles essaye de garder un stock de barres de Granola dans sa voiture pour pouvoir un glisser un ou deux dans son sac et les distribuer si c’est nécessaire. Bien que ces suggestions soient pleines de sagesse, (même s’il est difficile pour quelqu’un comme moi pour qui s’organiser est un défi, de le faire de façon régulière), je crois que la différence entre l’argent et la nourriture n’est pas aussi grande qu’elle le semble au premier abord. Je veux dire que si je te donne de la nourriture à toi qui es victime d’une addiction, alors tu peux consacrer tout le reste de tes gains de la matinée à acheter de l’alcool et de la drogue. Finalement, j’en arrive à un compromis un peu confus ; je donne parfois, et parfois non, et j’éprouve différents degrés de culpabilité dans les deux cas. Parfois, je m’arrête pour échanger quelques mots avec ceux qui ont l’air d’avoir envie de bavarder. Et maintenant il m’arrive de demander à celui à qui je donne de l’argent de prier pour ceux qui dans ma famille sont victimes d’addiction, ou malades mentaux. (Mais en général, je ne dis pas les choses aussi carrément : je leur demande de prier pour des gens de ma famille qui vivent de grandes épreuves.) J’imagine que c’est ma version de l’arrangement qu’avaient institué les priants du Moyen Age qui, en échange d’une aumône, priaient pour leur donateur. Mais chaque fois, je ne suis finalement pas vraiment à l’aise avec ce que j’ai fait, ou pas fait, ou laissé derrière moi. Et je sais que le jour suivant, je serai de nouveau confrontée la nécessité de repenser complètement ma réponse. Car, d’une manière ou d’une autre, les pauvres, vous les aurez toujours avec vous. SOURCE : http://www.thecatholicthing.org/2015/10/18/sic-transit-2/