SOUCOUPES VOLANTES ? - France Catholique
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SOUCOUPES VOLANTES ?

Chronique n° 171 parue dans F.C.-E. – N° 1 415 – 25 janvier 1974.

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Depuis environ deux mois, une fois de plus, la presse et la télévision rapportent des cas d’observations (alléguées) de soucoupes volantes. Et une fois de plus on nous sert les mêmes sornettes contradictoires proférées d’un côté par des pseudo-prophètes et de l’autre par des savants le plus souvent bien ennuyés qu’on les interroge sur ce sujet.

J’étudie ce problème depuis exactement vingt-trois ans pour une raison que les lecteurs habitués à l’esprit de mes petits articles comprendront : c’est que je crois à la fois à la puissance illimitée de la méthode scientifique dans les domaines qui sont les siens et à l’existence de domaines qui lui échappent par nature.

Prenons l’événement le plus familier et le plus trivial : en plantant un clou, je me donne un coup de marteau sur le doigt. La science peut m’apprendre là-dessus de quoi remplir un livre, du point de vue mécanique, énergétique, physiologique, psychologique, etc… Elle pourra même essayer de me faire croire (c’est la « loi » de Wundt 1) qu’il existe une relation logarithmique entre la stimulation et la sensation. Mais ce qui échappera toujours par nature à la science expérimentale et objective, c’est ce que j’éprouve en m’écriant « aïe » (ou tout autre mot). On pourrait sans doute, en laboratoire, construire un appareil simulant tous les aspects observables de la douleur : le seul manque de cet appareil imaginaire (mais concevable) serait de ne pas souffrir.

La sincérité des témoins

La soucoupe volante est précisément un de ces je ne sais quoi qui se produisent en partie dans le monde objectif relevant de l’observation scientifique, et en partie à côté 2. D’où l’échec de toutes les commissions d’enquête qui ont essayé, parfois à grands frais, de donner à cette énigme une réponse définitive.

L’échec le plus fameux est celui de la Commission de l’Université du Colorado, qui croqua quelque 300 millions de l’Armée de l’Air américaine pour arriver aux résultats suivants : 1. le « patron » de la Commission publia un rapport concluant que la soucoupe volante était inexistante (a), et 2. le « principal investigator » de la Commission (c’est-à-dire celui qui étudiait directement les faits) publia un livre concluant que la soucoupe volante est bel et bien une réalité (b)3.

Prenons d’abord le problème à son niveau le moins risqué : celui de la sincérité des témoins. Il y a, certes, parmi eux, des farceurs et des illuminés : mais les études sociologiques montrent qu’il n’y en a ni plus ni moins que dans n’importe quelle catégorie d’individus pris au hasard (c). Il en est de même si l’on considère la compétence des témoins : le pourcentage des témoins est même un peu plus fort parmi les classes cultivées (ce qui s’explique par le fait que les gens plus cultivés sont plus à même de reconnaître ce qui est insolite). Un exemple classique est celui de la vague d’observations analysée par le P. Gill et Mgr Cruttwell en Papouasie orientale 4 : les Papous, se souvenant des engins américains de la guerre du Pacifique, croyaient assister à des manœuvres de l’armée américaine revenue quinze ans après. Évidemment, les missionnaires savaient qu’il n’en était rien.

Montons d’un niveau : le témoin humain, même cultivé, peut se tromper. Dispose-t-on de faits expérimentaux, enregistrés par des appareils, de préférence scientifiques ? La réponse est oui. Il y a des photos, il y a même des films (d), des enregistrements radar, etc.

Mais un document isolé est toujours suspect. La photo n’a-t-elle pas été truquée, le film fabriqué ? L’expertise ne peut donner de réponse satisfaisante que dans le cas du truquage démasqué : si le truquage est prouvé, il est prouvé ; si aucun truquage n’est prouvé, cela peut aussi bien signifier, que le truqueur est plus habile que les experts. 5

Les seules réponses valables ne peuvent venir que de la statistique. En voici un exemple. David R. Saunders, de l’Université de Colorado (l’ancien « principal investigator » de la Commission dont j’ai parlé) code sur ordinateur depuis 1968 tous les cas qui viennent à sa connaissance. Actuellement, il en a quelque 70 000. Parmi ces cas, un certain pourcentage comporte un détail intéressant : les « témoins » disent que l’approche de la « soucoupe » s’est accompagnée d’incidents électriques ou électromagnétiques, moteur d’auto qui cale, saturation et panne d’un récepteur radio ou télé, etc. Il est évident que les « témoins » peuvent avoir inventé tout cela et qu’on n’a aucune raison de les croire. Mais on peut tourner la difficulté et atteindre la certitude sans avoir à faire foi aux témoins. En effet, si les témoins disent vrai, alors les organismes qui tiennent statistique des incidents électriques et magnétiques devraient permettre la confrontation de ces statistiques avec celles des « observations ».

Cela a été fait de nombreuses façons. Aux États-Unis par exemple, l’ingénieur Smith a porté sur un graphique le nombre des pannes électriques de plus de 15 minutes enregistrées par la Federal Power Commission (quelque chose comme l’EDF des EU) pendant douze ans, de 1954 à 1966 ; puis, sur le même graphique, il a porté le nombre des cas de « soucoupes volantes » enregistrés pendant la même période par l’Armée de l’Air américaine (qui, on le sait, publie périodiquement des communiqués démentant l’existence des soucoupes volantes). Les deux courbes se superposent, leur corrélation saute aux yeux (e).

En France, un autre ingénieur, C. Poher 6, a étudié la chronologie statistique des cas (allégués) de soucoupes avec un phénomène qui, contrairement à la panne électrique, a l’avantage de passer totalement inaperçu du public tout en permettant une vérification a posteriori des cas d’incidents soucoupiques avec moteurs calés, radios mises en panne, etc. Il a porté sur un même graphique les diverses variables du magnétisme local enregistrées dans les observatoires de géophysique et le nombre des cas de soucoupes recueillis par des organismes différents. Là encore, il y a corrélation avec certaines variables enregistrées par les observatoires.

La curiosité ou le mépris

Peut-on aller plus loin et, tenant hypothétiquement pour avéré que les témoins ont bien vu quelque chose, dire ce qu’ils ont vu ? À mon avis (qui est partagé par tous ceux qui étudient prudemment le problème), on peut aller un peu plus loin, mais pas jusqu’à dire ce que sont les soucoupes volantes. L’astronome J. A. Hynek, qui fut pendant vingt ans le conseiller de l’US Air Force pour ces questions (actuellement directeur de l’Observatoire Dearborn, Northwestern University), a mis en évidence un fait à la fois stimulant et décourageant tiré lui aussi de la statistique la plus simple. Si l’on classe sur un diagramme les cas selon leur indice de crédibilité (c’est-à-dire en commençant par les mieux prouvés) puis selon leur indice d’étrangeté (c’est-à-dire en commençant par les plus inexplicables), on constate que les deux classements se recouvrent : autrement dit, mieux le phénomène est observé et assuré et plus il est inexplicable.

L’interprétation simpliste est naturellement celle d’engins venus d’une autre planète et qui étudient la Terre. Ceux qui connaissent bien le phénomène savent que cette explication est aussi irréaliste que la réaction du chien prenant l’auto pour un animal ou que celle du rouge-gorge attaquant sa propre image dans un miroir. Le diagramme de Hynek, dûment établi et confirmé par d’autres chercheurs, est chargé d’une signification philosophique explosive : il nous apprend qu’il se produit dans la nature des événements plus intelligents que l’homme.

Nombreux sont ceux qui se posent la question de savoir où est le devoir de la raison humaine devant de tels faits. Doit-elle tenter de les étudier quand même, au risque de s’y perdre. Ou bien les traiter par le mépris, comme font beaucoup de savants que je respecte ? L’audace et la curiosité de l’homme étant ce qu’elles sont, la réponse est connue d’avance (f) 7.

Aimé MICHEL

(a) Scientific Study of Unidentified Flying Objects (Bantam Books, New York 1969). Ce livre est épuisé.

(b) D. R. Saunders : UFO’S ? Yes (Signet Books, The New American Library, 1301, avenue of the Americas, New York, NY 10019).

(c) Voir dans l’ouvrage cité en note (a), les pages 209 et sq.

(d) Observational Evidence of Anomalistic Phenomena, in : Journal of Astronautical Sciences, vol XV, No 1, p. 31 (janv. 1968). L’auteur de cette étude, R.M.L. Barker, est un chercheur de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA).

(e) Aerial Phenomena Research Organisation (APRO), Bulletin de mars-avril 1970.

(f) Le lecteur qui voudrait approfondir sa réflexion sur ce sujet lira avec profit le livre collectif Mystérieuses soucoupes volantes publié par le groupe de recherche LDLN (édition de l’Armorique, 14, rue de l’Armorique, Paris 15e).

Reproduite dans La clarté au cœur du labyrinthe, Aldane, Cointrin, 2008 (www.aldane.com), chapitre 20 « OVNIs ».


Les Notes en chiffres (de 1 à 7) sont de Jean-Pierre ROSPARS (27 juillet 2013.

  1. Habituellement appelée « loi de Weber-Fechner ». Aimé Michel a très souvent pris cet exemple de la douleur pour faire comprendre qu’un fait peut échapper à toute démonstration scientifique tout en étant indubitable pour celui qui l’éprouve. Il s’agit d’une remarque capitale car elle rend impossible, ou plus exactement impensable, l’adhésion à une conception matérialiste du monde.
  2. Cet argument fondé sur une limite de la science objective mérite d’être relevé car on le retrouve sous sa plume sept ans plus tard dans l’apologue du chasseur de coquecigrues (lettre à Bertrand Méheust du 8.11.1981, in L’Apocalypse molle, Aldane, Cointrin, www.aldane.com) où il fait allusion à son livre Mystérieux Objets Célestes (Arthaud, 1958), qu’il publia à l’âge de 39 ans : « Dans ma jeunesse, écrit-il, entendant toutes ces histoires de coquecigrues, j’en fis un recueil calligraphié avec soin. J’y exposai ma méthode pour recueillir et présenter au mieux la mystérieuse rumeur. Je tentai même de prouver l’existence de ces coquecigrues que je n’avais pas et que je n’ai toujours pas réussi à voir de mes yeux. – Ah, dis le palefrenier, tu as essayé de prouver, quoique ne sachant pas ? Tu avoues cela au palefrenier du duc ? – C’est là le point, dit le chasseur, je n’ai pas dit que je ne sais pas, ni d’ailleurs que je sais. Hier soir je suis sorti de ma caverne et j’ai baillé à la lune au coin du cimetière, le temps d’un sablier. Je n’ai rencontré personne. Puis je suis rentré. Vrai ou faux ? ». L’abandon de ses recherches sur les ovnis ne peut donc pas être imputé à ce seul argument puisqu’il l’invoque déjà en 1974 alors qu’il est encore actif sur le sujet.
  3. Le « principal investigator » de la Commission de l’Université du Colorado, David R. Saunders, paraissait l’homme de la situation parce qu’il avait une double formation en physique et chimie par des études au Harvard College et en psychologie par un doctorat obtenu à l’Université d’Illinois, complétée par des compétences en statistiques acquises dans un service de tests scolaires à Princeton et une participation au Projet Manhattan. Dans le livre que cite Aimé Michel, écrit avec le journaliste Roger Harkins et sorti en décembre 1968 juste avant la publication du Rapport de la Commission, il se révèle un ferme partisan de l’origine intelligente et extraterrestre des ovnis. Il appuie sa conviction sur l’orthoténie d’Aimé Michel (France, 1954), les photographies prises à Great Falls (Montana, 1950) et un échantillon de magnésium recueilli à Ubatuba (Brésil, 1957). Il y raconte aussi l’histoire interne de la Commission et comment il en fut exclu par son directeur, le célèbre physicien Edward U. Condon pour avoir divulgué une note compromettante.

    Cette fameuse note avait été rédigée en août 1966 par le Dr Robert Low de l’université de Colorado qui, à l’époque, cherchait à décrocher le contrat de 300 millions de dollars de l’U.S. Air Force destiné à financer une étude scientifique du problème ovni (voir la note 2 de la précédente chronique consacrée aux ovnis, n° 110, Les ovnis et l’irrationnel – Réflexions philosophiques à propos d’une énigme persistante, mise en ligne le 05.03.2012). Low, qui devint coordinateur administratif de la Commission par la suite, y écrivait : « Notre étude serait conduite presque exclusivement par des sceptiques qui, bien que ne pouvant peut-être pas démontrer un résultat négatif, pourraient produire, et probablement produiraient un corps de preuve montrant de façon frappante qu’il n’existe aucune réalité dans les observations. La ruse (trick) consisterait, je pense, à décrire le Projet de telle façon qu’aux yeux du public il paraîtrait être une étude absolument objective, et qu’aux yeux de la communauté scientifique il offrirait l’image d’un groupe de sceptiques faisant de leur mieux pour être objectifs mais ayant un espoir à peu près nul de mettre la main sur une soucoupe. »
    Ce mémoire avait été découvert par hasard dans les archives du Projet par un autre « investigator », Roy Craig. Ce dernier, docteur en chimie physique, avait servi dans l’armée pendant la Seconde guerre mondiale, puis dans la fabrication d’armes nucléaires, avant de devenir professeur assistant en physique à l’université du Colorado. C’est ainsi qu’il fut associé au projet de recherche sur les ovnis de cette université, d’abord à temps partiel puis à temps plein, en vue d’effectuer des enquêtes de terrain. Dans son livre UFOs An insider’s view of the official quest for evidence (University of North Texas Press, Denton, Texas, 1995), il revient sur ces évènements et donne sa propre version des faits. S’il est convaincant dans sa critique du livre de Saunders et Harkins dont il estime qu’il est « indéfendable en tant que travail scientifique » (p. 233), il l’est moins dans sa défense de son ami Condon. En effet, dès 1967, Condon fit de nombreuses déclarations reprises dans la presse faisant état de son scepticisme et d’un intérêt excessif pour les cas les moins crédibles.

    Quant aux conclusions et recommandations rédigées par Condon lui-même au tout début du Rapport final elles ne laissent planer aucun doute sur ses opinions : « La question demeure quant à ce que le gouvernement fédéral doit faire, s’il doit faire quelque chose, à propos des rapports ovnis qu’il reçoit du grand public. Nous sommes enclins à penser que rien ne doit être fait dans l’espoir qu’ils puissent contribuer au progrès de la science. Cette question est inséparable de celle de l’intérêt de ces rapports pour la défense nationale. L’histoire de ces 21 dernière années a conduit à plusieurs reprises les officiers de l’armée de l’air à la conclusion qu’aucune des choses vues ou qu’on a pensé avoir vues, qui passent sous le nom de rapports ovnis, ne constituent un quelconque danger ou menace pour la sécurité nationale. (…) On a prétendu que le sujet a été couvert par le secret officiel. Nous concluons autrement. Nous n’avons aucune preuve de secret concernant les rapports ovnis. (…) Le sujet des ovnis a été largement représenté de manière incorrecte au public par un petit nombre d’individus qui en ont donné des versions sensationnelles dans des écrits et des conférences publiques. Pour autant que nous puissions en juger, il n’y pas eu grand monde à avoir été trompé par de tels comportements irresponsables, mais quelque effet qu’il y ait eu, il a été mauvais. » (pp. 4 et 5). Curieusement ces conclusions très négatives contrastent avec le résultat des enquêtes menées par la Commission car sur les 59 cas d’observations examinées (pp. 244 à 480) plusieurs sont demeurés irrésolus ! Autrement dit, en dépit des affirmations de son directeur, la Commission laissait un pourcentage de cas inexpliqués supérieur à celui de l’armée de l’air qui avait conduit à sa formation !

    Suite aux conclusions de Condon, le Projet Livre Bleu, par lequel l’armée de l’air américaine recueillait les observations sur les ovnis, fut fermé. Depuis lors les États-Unis ne s’intéressent plus officiellement au sujet.
    Il y a quelques semaines le Ministère britannique de la défense a décidé à son tour de fermer le bureau où deux fonctionnaires continuaient de classer les témoignages reçus sur les ovnis. Le communiqué final exprime en moins de mots la conviction du Dr Condon : « Toutes les observations d’ovnis rapportées au ministère de la défense n’ont rien révélé laissant penser qu’il y avait une présence extra-terrestre ou une menace militaire pour le Royaume-Uni ».

  4. Le principal témoin est le père William B. Gill, 31 ans, marié et père de deux enfants, ayant fait ses études à Melbourne et Brisbane, licencié en théologie, ordonné prêtre de L’Église anglicane, professeur certifié ayant accompli 8 années de service comme missionnaire en Papouasie (sud-est de la Nouvelle-Guinée, sous gouvernement australien). Son observation a eu lieu le vendredi 26 juin 1959, à Boainai, à l’extrémité orientale de la grande île. A 18h45, alors qu’il vient de sortir après avoir pris son dîner, il remarque une énorme lumière dans le ciel. Il est stupéfait car, écrit-il, « à l’époque, je ne croyais pas à ce que l’on appelait les soucoupes volantes en tant que telles. Certains pouvaient s’imaginer en avoir vu, mais sûrement pas moi. Et puis il y en avait une. » Il appelle alors toutes les personnes présentes.

    « J’ai tout noté. J’avais très vite décidé de prendre un carnet et un crayon en me disant : (…) demain en me réveillant, je croirai avoir rêvé, je ne croirai plus que j’en ai vraiment vu une. Si à présent je note tout ce que j’observe, alors je saurai que je n’ai pas rêvé. »

    Voici quelques extraits des notes prises dans le carnet : « 18h55 envoie Eric chercher des gens. Un objet au sommet, bougeant – un homme ? Maintenant trois hommes, bougeant, lumineux, faisant quelque chose sur le pont. Parti. 19h des hommes, 1 puis à nouveau 2. (…) 20h29 deuxième ovni vu au-dessus de la mer – parfois planant. 20h35 un autre au-dessus du village de Wadobuna. (…) pas plus de 600 m, probablement moins. Tous les ovnis très distincts. Le vaisseau “mère” encore grand, distinct, stationnaire. » Dernière observation à 22h30 avant que le ciel ne se couvre complètement et ne tombe la pluie.

    Le lendemain à 18h la scène recommença. « Bien que le soleil se fût couché, il fit tout à fait clair pendant les 15 minutes suivantes. Nous vîmes des formes apparaître sur le dessus – 4 formes – sans aucun doute, elles étaient humaines. (…) Une forme semblait se tenir debout, nous regardant (notre groupe était composé d’une douzaine de personnes). J’élevai le bras au-dessus de la tête et l’agitai. A notre surprise, la forme fit de même. Ananias agita les bras au-dessus de la tête puis les deux formes firent de même. Ananias et moi commençâmes à agiter les bras et toutes les 4 formes semblaient les agiter en retour. Il ne semblait y avoir aucun doute que l’on répondait à nos mouvements. Tous les élèves de la mission en eurent le souffle coupé de manière audible (de joie ou de surprise, peut-être les deux). »

    L’astronome Donal H. Menzel de Harvard pense que le père Gill et l’instituteur S. G. Moi ont en réalité observé Vénus dont le maximum d’éclat devait se situer le 26 juillet. Il suppose qu’ils étaient atteints d’une forte myopie et qu’ils ne portaient pas de lunette. « Comme ils devaient également avoir un stigmatisme notable, l’image de Vénus a dû leur paraître grande et très étirée ». Il explique les mouvements des occupants par l’image des cils quand un myope essaie de voir mieux en plissant des yeux. Et pour faire bonne mesure il ajoute : « Après tout, dans ce genre de missions, les indigènes ont été conditionnés pour croire aux miracles et aux histoires de la même eau ». L’astronome J. Allen Hynek rétorque que le père Gill portait des lunettes adaptées à sa vue, qu’il a repéré et montré Vénus à ses compagnons et que l’ovni a été observé à diverses reprises sous les nuages.

    Le révérend Norman E.G. Cruttwell, lui-même prêtre dans la mission voisine de Menapi, fit l’effort d’enquêter sur ces événements auprès des témoins dont il dit qu’il en connaissait personnellement la majorité. Il en ressort qu’il y eut 70 observations dans une zone géographique limitée en un peu plus d’un an dont le nombre alla croissant à partir d’octobre 1958, atteignit un pic de 14 observations par mois en juin et juillet 1959 puis déclina et cessa en novembre 1959.

    L’observation du père Gill et le point de vue de Menzel sont présentés pp. 175-180 et pp. 279-280 dans J.A. Hynek, les Objets Volants Non Identifiés : mythe ou réalité ? Belfond (1974), traduit par M. Sissung. La traduction du rapport original du père Gill a paru dans le n° 1 (1963) du Bulletin du GEPA, le Groupement d’Étude de Phénomènes Aériens animé par René Fouéré. Il est reproduit dans le premier volume de la réédition de cette revue par Francine Fouéré (Phénomènes Spatiaux, Le Courrier du Livre, Paris, 2008). L’enquête de N.E.G. Cruttwell a paru dans Flying Saucer Review, n° spécial 4 « UFOs in two worlds », pp. 3-38, 1971.

  5. La fameuse photographie du Petit-Rechain, près de Liège en Belgique illustre cette affirmation. Elle montre un ovni triangulaire vu par le dessous sur fond de ciel nocturne, avec trois feux aux pointes et un 4e central. Elle aurait été prise en avril 1990 vers la fin d’une fameuse vague d’observations qui commença en novembre 1989. Cette photo fit le tour du monde et plusieurs experts se déclarèrent incapables d’en révéler le trucage si c’en était un. Pourtant en juillet 2011, l’auteur jusque là anonyme de cette diapositive, Patrick Maréchal, révéla que c’était un faux : avec quelques collègues il avait fabriqué une maquette qu’il avait suspendue en l’air avec des fils et photographiée. Il ne pensait pas que cette farce sortirait de l’usine où il travaillait.
  6. On trouvera un résumé des recherches de Claude Poher sur les ovnis dans « Deux questions essentielles » in J.-C. Bourret, Le nouveau défi des o.v.n.i., France-Empire, Paris, 1976, et dans son livre Gravitation : Les Universons, énergie du futur, Éd. du Rocher, 2003.
  7. Cette nette prise de distance à l’égard de l’explication des ovnis par des visiteurs extraterrestres peut sembler surprenante. En effet dans sa contribution intitulée « Le principe de banalité » au livre collectif qu’il cite en note, Aimé Michel s’attache à la question suivante : « Si une activité extra-terrestre se manifestait à nous, comment la science nous inviterait-elle à l’imaginer ? ». Sa réponse donne l’état de ses réflexions et repose sur une remarquable synthèse de l’état des connaissances scientifiques à l’époque (1973, mais les développements ultérieurs n’ont fait que préciser le tableau qu’il dressait). Il commence par exposer pourquoi il est raisonnable de croire à l’existence d’êtres extraterrestres, ce qui justifie le titre du chapitre (je passe ici sur les arguments tirés de l’astronomie, de la physique et de la biologie qu’il présente) : « L’homme n’est pas un être miraculeux, mais seulement le roi très banal d’une planète banale tournant autour d’un soleil banal, dans un coin banal de notre galaxie, laquelle n’est qu’une très banale galaxie. De plus, le moment, le moment que nous vivons actuellement, s’il est exceptionnellement important dans notre histoire particulière, n’est qu’un moment banal de l’histoire de l’univers : de tels moments sont, furent et seront vécus par une foule d’autres histoires particulières aussi banales que la nôtre ».

    Ensuite, Aimé Michel s’attache à analyser les relations entre êtres de niveaux psychiques différents (je passe là encore sur les enseignements qu’il tire de l’éthologie, cette « science qui étudie ce qui sépare l’homme de l’animal » car « quand il étudie l’animal, l’éthologiste est dans la même situation que, par rapport à nous, un extra-terrestre supposé présent sur nos têtes »). Cette analyse le conduit à caractériser le « moment banal » que l’humanité vient d’atteindre qui est celui « où chaque pensée planétaire découvre l’immensité de l’espace sans avoir encore acquis la possibilité d’y accéder ». Il poursuit : « Une foule, peut-être une infinité d’espèces, doivent en être là dans l’univers infini. Et les espèces (si elles existent) qui ont dépassé ce stade doivent avoir une éthique à leur égard. Nous ne savons rien d’elles, mais nous en savons assez de nous pour définir, de notre point de vue, la première exigence de cette éthique : c’est le respect de notre raison et de notre liberté, et par conséquent le refus du contact. Si une pensée supérieure à la nôtre connaît notre existence et nous observe, nous ne pourrons jamais savoir ce qu’elle est. Et si elle nous respecte, elle doit nous laisser à notre solitude jusqu’à ce que notre propre métamorphose nous rende capables d’en sortir nous-mêmes, sans l’épreuve de la dépendance. Toujours en considérant la chose de notre point de vue, le plus que peut faire cette pensée est de stimuler la nôtre en lui posant des problèmes un peu supérieurs à nos possibilités, comme Cole en pose à son singe. »

    Dans cette perspective cosmique, où les durées s’expriment en millions d’années et les distances en années-lumière, l’ovni (s’il existe) peut-il être le simple visiteur extraterrestre popularisé depuis plus d’un siècle par la littérature et le cinéma ? Non, répond Aimé Michel et on devine avec quels sarcasmes il accueille les puériles conclusions du Pr Condon et du Ministère de la défense britannique.

    Il n’empêche que bien des lecteurs de cette chronique, peut-être la majorité, jugeront futiles les sujets (les ovnis, les extraterrestres) qu’elle aborde. Sans nul doute bien des problèmes plus immédiats s’offrent à notre réflexion et à notre action mais oublier que ceux-ci s’inscrivent dans un contexte beaucoup plus large serait une erreur. Les préoccupations « futiles » à grande échelle et long terme et les préoccupations « sérieuses » à échelle humaine et court terme se complètent plus qu’elles ne s’opposent, de même que dans un vaste paysage on peut contempler tour à tour la fleur sauvage à ses pieds et les lointains perdus dans la brume. On ne peut bien comprendre les unes sans les mettre dans la perspective des autres.