Prescription ou non prescription ? - France Catholique
Edit Template
L'incroyable histoire des chrétiens du Japon
Edit Template

Prescription ou non prescription ?

Copier le lien

La charia existe-t-elle déjà en notre législation ? Le Premier ministre de la France, anciennement et davantage pétrie de christianisme que de toute autre conception intellectuelle, s’est mal conduit envers l’un de nos Princes de l’Église. Affaire d’État ? À Lourdes, le cardinal Barbarin a été superbement explicite : son discours devant ses frères les évêques élève le débat, fixe des orientations pour l’avenir, démontre sans même penser le faire combien notre société médiatique, qui s’arroge sans vergogne le droit de juger et de condamner, est devenue redoutable aussi bien pour les coupables que pour les innocents.

Pour les coupables, car la justice n’a pas à sévir sur les places publiques, dans le charivari de ceux qui, ne disposant pas des divers éclairages nécessaires, poussent plus au crime qu’à l’apaisement, plus vers le mensonge ou l’invention que vers la vérité ; pour les innocents, qui deviennent ipso facto les victimes d’un aveuglement général. Tant d’exemples possibles, vécus tout au long des années passées, seraient à ressortir des archives les plus anciennes comme des plus récentes… et qui dévoileraient les inconsciences et les abus de paroles, notamment chez nos élus.

Le Premier ministre, Manuel Valls, avant même qu’une quelconque juridiction se soit exprimée en connaissance de cause, tance le cardinal pour l’inciter « à prendre ses responsabilités », ce qui est l’indice fort de sa méconnaissance de ce qu’il aurait dû d’abord chercher à connaître les faits. Il n’a parlé que pour son clan, n’a pas respecté l’Église, les chrétiens, les prêtres, tous frappés dans leur cœur, leur âme, par le fait d’abominations commises par des hommes qui sont en outre des prêtres.

Le cardinal devrait donc, « subito presto », puisque même l’État s’en mêle si aveuglément, prendre sa part de « responsabilité » dans une affaire qui, pourtant, avait été traitée par son prédécesseur non immédiat, le cardinal Decourtray ? Je ne prends que cet exemple qui nous assure qu’existe une sorte de précipitation aussi bien du côté des médias que du côté des pouvoirs pour juger les prêtres, tous désormais supposés, sans que cela soit dit, hypocritement donc, de verser dans ces horreurs, juger la hiérarchie catholique, supposée être complice d’autant plus que même certains évêques en sont venus à l’aveu suppliciant.

Je n’ai pas constaté le même engouement justicier envers divers criminels ayant sévi dans les hautes instances de nos administrations et/ou de nos syndicats… De plus, je me pose des questions sur la clarté des accusations portées trente ans après les événements, qui peuvent aussi bien être exacts que de simples légendes ou interprétations chaque nuit devenues de plus en plus des certitudes ; à moins encore qu’il ne s’agisse que d’une effrayante vengeance… Voilà bien des sujets d’enquêtes et de vérifications : qui n’ont pas toujours été pleinement évaluées.

Le cardinal Barbarin a présenté avec clarté et pertinence l’ensemble des dispositions que devrait, ou même doit désormais adopter l’Église, notamment en supprimant pour ces crimes ce que, depuis toujours ou presque, notre justice reconnaît : la prescription. Après une durée pouvant varier selon la gravité des faits, un acte plus ou moins répréhensible ne pouvait plus être jugé : les législateurs avaient jusqu’à présent, dans leur sagesse, considéré qu’au bout de vingt ans, par exemple, un homme pouvait n’être plus celui qu’il avait été. Que sa réinsertion dans le droit chemin s’était opérée naturellement. Peut-être ou non ? L’examen des vies menées par de tels anciens criminels démontre que la majorité d’entre eux pouvait en effet être considérée comme tels.

Mais la prescription est difficile à admettre pour les victimes. Elle est d’ailleurs souvent utilisée par les brigands pour, le temps ayant passé, échapper à la condamnation. Or, un être humain a, me semble-t-il, le droit à être jugé officiellement, quelle que soit la date de ses actes passés : un jugement, qu’il soit de justice d’État ou d’Église, peut libérer l’être, ouvrir en lui un espace de lumière. Non un effacement de l’ancienne culpabilité mais une sorte de prise nouvelle de conscience, une libération de l’esprit et peut-être aussi la prise en compte d’une conduite qui aura pu être depuis irréprochable.

C’est pourquoi il faut sans doute entendre la complainte de l’association « La Parole libérée » qui veut donner la parole à des victimes de prêtres pédophiles : « Nous ne pouvons plus tolérer que des faits d’une gravité insupportable, ayant des conséquences sur la vie entière des victimes, puissent être prescrits et que donc, les coupables puissent ne jamais avoir à répondre de leurs actes. »

Concernant ces cas d’abus sur mineurs au sein du clergé, il n’y a « pas de prescription de la souffrance », a reconnu à Lourdes Mgr Olivier Ribadeau-Dumas, porte-parole de la Conférence des évêques. Peut-être en effet, est-il temps de faire évoluer le droit de l’Église et celui de la Justice pénale. Mais cela ne peut se faire qu’en se tenant loin des mauvaises prises de parti, des opinions hâtives qui deviennent sur le champ des jugements faisant quasiment loi, de jour en jour plus abusives, verdicts populaciers, rumeurs infondées qui remontent comme des restes rancis de vieux péchés…